samedi 12 mai 2012

Pensées d'hier pour aujourd'hui La Bruyère La Rochefoucauld et les autres



Jean Cocteau et Pablo Picasso

                                                                                                            20 mai 1913

            Visite de Jean Cocteau dont l'imagination part sur tous les sujets. Il n'a pas la foi, il ne l'a jamais
eue celle du moins qu'on s'est donnée. Il croit qu'il mourra jeune. Il ne paraît pas gai. Il me semble
préoccupé. Les progrès inesthétiques, les injustices le blessent. Il trouve que l'animal est dans l'ordre,
contrairement à l'homme. Il ne savait pas ce que c'était que le péché originel et le confondait je crois
avec le rapprochement des sexes.
            Tout détourne de Dieu : les jardins, les livres. " Satan prend la figure d'un jardin. " Il m'a conduit
en automobile chez Mme de Fitz-James. En chemin, il me disait des choses exquises, comme celles-ci :
" On avale une groseille comme un bijou de chez Cartier. --- L'oiseau est le fruit emplumé de l'arbre. ---
Les aspirations confuses du sol sont condensées par l'oiseau, par le rossignol qui est la bouche de l'arbre. "
Cocteau me parlait aussi des secrets au milieu desquels vit un enfant ce qui fait qu'on ignore ( lui du moins )
à cet âge que l'oncle est le frère de son père.

                                                                   °°°°°

                                                                                                               29 février 1916

             Bourget m'a raconté quelques-uns de ses souvenirs sur Zola. Ils déjeunaient chaque semaine au
café Durand. Quand Zola s'occupa de l'affaire Dreyfus Bourget essaya de l'en détourner. Et Zola de lui répondre : " Je suis un dogue, quand j'ai mordu, je ne lâche plus le morceau. " Zola allait lire du Musset
à un concierge, frère je crois, de la cuisinière à qui il fit un enfant. Mme Bourget rappelait avoir entendu
Mme Zola dire à son mari : " Minet, veux-tu un chocolat ? " Zola, minet !

                                                                    °°°°°

                                                                                                                  14 juin 1917

            Déjeuné chez Mme Cocteau. Jean m'a montré un portrait de lui que Picasso a fait à Rome. Il
est assis, a un livre à la main. Picasso lui a dit que ce qui faisait la force du catholicisme c'est qu'il était
parti de rien, que Dieu était né dans une crèche. Picasso habite rue Victor Hugo 27, à Montrouge et
comme on s'étonnait de son dénuement, il a répondu : " Qu'est - ce que me fait mon intérieur ? Je
travaille. "


                                                                                                      Abbé Mugnier




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