lundi 9 juillet 2012

Ragotte Jules Renard ( Nouvelle France )





  Philippe - paysan nivernais
                                                 Ragotte
                                                               
                                                                                  à Octave Mirbeau et Lucien Descaves                                                                                                                    31 octobre 1907
                                                                                                                
  1.        Moeurs de Ragotte
            Elle est si naturelle que, d'abord, elle a l'air un peu simple. Il faut longtemps la regarder pour la voir.

                                                  A l'école
           
            Elle est allée à l'école huit mois, chez ce vieil ours de Darneau.
            On payait trente sous par mois et, en hiver chaque élève apportait le matin sa bûche.
            Il y avait deux partis en classe : les écriveux et ceux qui n'écrivaient pas. Ses soeurs ont eu le temps d'apprendre. Comme elle était l'aînée, elle a dû tout de suite se mettre au ménage avec sa mère, et elle n'a rien appris.
             Elle connaît la lettre P, la lettre J et la lettre L, parce que ces lettres lui ont servi a marqué le linge de ses petits, qui s'appellent Paul, Joseph et Lucienne. Elle reconnaît aussi le chiffre 5, on ne sait pas pourquoi.

            Elle ne peut rendre la monnaie que sur dix sous. Par exemple, si on lui achète un sou de lait, elle redoit neuf sous. A partir de de dix sous, elle s'embrouille, et elle aime mieux dire :
            -  Vous me paierez une autre fois !

            Elle se passe bien d'écrire, mais elle regrette encore de ne pas savoir lire. On a beau lui faire lentement la lecture d'une lettre, elle se méfie. Si elle savait, elle pourrait lire la lettre à son aise, la relire toute seule, en cachette, souvent.
            " J'ai soixante ans, madame, dit-elle à Gloriette, c'est trop tard ; si j'en avais vingt de moins, je vous ferais une prière, je vous prierai de m'apprendre à lire ! "

            Elle observe mademoiselle penchée sur sa table de travail.
            - Je viens voir, dit-elle, si  vous ne vous trompez pas dans vos écritures !
            Et elle ajoute, fine haussant les épaules pour se moquer d'elle-même :
            - C'est bien à moi !...

            Quand son homme, Philippe, est absorbé par la lecture du Petit Parisien, elle a envie de lui arracher le journal et de le jeter au feu.
             " Qu'est-ce qu'il trouve donc de si curieux là-dessus ? "

            Si elle reçoit une lettre à son nom, ce qui ne lui arrive presque jamais, elle l'apporte à Philippe.
            - Ah ! mon Dieu ! fait-elle, troublée, dépêche-toi !
            - Tu as le temps, peut-être, répond Philippe.
            - Écoute, dit Ragotte, tu vas me la lire d'abord une première fois, vite, pour que je sache si c'est une bonne ou une mauvaise nouvelle. Ensuite, tu me la liras une deuxième fois, sans te presser, pour que je comprenne, comme il faut, ce qu'ils me veulent.

            Elle ne sait pas encore que le timbre des lettres est à deux sous.

            Elle explique ainsi ce que fait un employé de bureau :
            " Toute la journée, dit-elle, il écrit dans une chambre. "
                             

                                                  Louée

            A douze ans, elle était déjà en maître, c'est-à-dire au service des autres, chez une vieille dame ayant les moyens, mais si avare qu'elle ne pouvait pas garder une servante.
            A l'arrivée de Ragotte, les voisines se dirent :
           " Elle est fraîche, cette petite-là ! Elle n'aura pas longtemps sa bonne mine ! "
           La vieille dame taillait elle-même la soupe pour qu'elle fut claire de pain.
           " Quand on ne travaille pas beaucoup, disait-elle, on n'a pas besoin de beaucoup manger. "
           Jamais on ne veillait. Hiver comme été, il fallait se coucher à la nuit tombante et ne pas user de chandelle.
            Dès que la vieille dormait, Ragotte allait prendre le pain dans l'arche et se coupait une tranche mince sur toute la longueur de la miche. Elle mangeait sous ses draps, sans bruit, au risque de s'étouffer, et sans plaisir, parce que, demain, la vieille s'apercevrait sûrement de quelque chose.
            La  vieille ne s'aperçut de rien, et Ragotte contente de gagner quelques sou, qu'elle devait donner à sa mère, ne se plaignait pas.
            Au bout de trois mois, sa mère, la voyant maigrir, la retira à cause des voisines, par fierté.

             Elle dit à propos de tout ce qui a précédé sa naissance :
             " En ce temps-là, je n'étais pas faite ! "

            " Quand mon père se fâchait, il me disait : - Si tu n'es pas contente, passe par où les maçons n'ont pas maçonné. "
            - Qu'est-ce qu'il voulait dire ?
            - Par la porte !

             " De mon temps, les jeunes filles rentraient toutes à la tombée de la nuit. "

                                                        Mariée

            " Ce n'était pas pour ma beauté, dit Ragotte, ce n'était pas non plus pour ma fortune, mais à l'âge de me marier, j'en avais cinq autour de moi ! Le premier m'a fait la cour trois ans. Las de m'attendre, il s'est marié avec une autre ; puis, une fois veuf, il m'a redemandée. Je ne voulais pas. Quand il était trop près de moi, j'avais de l'ennui. Il me disait :
             - Si votre mariage avec Philippe manque, vous me donnerez sa place, et je lui rembourserai tous ses frais.
             J'ai mieux aimé Philippe.
            - Vous ne regrettez rien ?
            - Ma foi non, dit(elle, après avoir un peu hésité parce que Philippe est là

                               

            " Quand je pense, dit tout de même Ragotte, que je pouvais choisir entre cinq garçons, et que j'ai choisi le plus laid !
            - Quand je pense, dit Philippe, que je connaissais trois filles et que j'ai pris la plus vieille !
            - Et ce n'était pas malin de ta part, répond Ragotte ; si j'avais été un homme, je n'aurais jamais voulu d'une femme plus âgée que moi ! Regardez-le dit-elle, il ne voit plus clair ! "
            C'est qu'en effet il plisse et ferme presque les yeux à force de rire.

            Elle s'est mariée en sabots ; elle avait acheté des souliers neufs, mais par crainte de les salir, elle ne voulait les mettre que pour faire son entrée à l'église. Arrivée sous le porche, elle voit que sa mère, qui devait les porter à la main, ne les a pas.
            - Et mes souliers, maman ?
            - Ha, ma fille, je les ai oubliés ; ils sont sous l'armoire, mon enfant !
            Il fallut bien aller jusqu'au choeur avec les sabots qui tapaient le moins possible sur les dalles.

            - Tout s'est passé comme il faut la première nuit ?
            - Oh ! oui, dit Ragotte, Philippe avait une chemise bien propre.

            Elle était encore si jeune de caractère quelle n'a pas pu, tout de suite, s'empêcher de faire la partie avec les filles du village. Elle ne s'arrêtait que lorsqu'une voisine de ses amies lui criait :
           - Attention ! voilà ton homme !

           Nouvelle mariée, elle habitait la même maison, c'est-à-dire la même pièce que son beau-père. Cela ne devenait gênant que lorsqu'elle accouchait ; mais le beau-père sortait par discrétion. Et puis Ragotte n'était pas longue. Personne ne mettait moins de temps qu'elle.

            " Mon beau-père ne m'adressait pas la parole Philippe croyait qu'il boudait par ma faute et m'en voulait. Il aimait beaucoup son père. Moi aussi, je l'aimais, le pauvre vieux, seulement, je n'étais pas bicheuse, et je ne savais pas le mignoter à sa suffisance. "

                                                       Amour

            Elle aime Philippe, mais comment oser dire qu'elle l'aime d'amour ?
            Quel nom faut-il que je donne au sentiment qui les tient liés ?
            Elle l'aime : cela signifie qu'elle le préfère à tous. Elle a perdu sa mère, Philippe lui restait. Elle perd son petit Joseph, Philippe reste. Ses autres enfants peuvent mourir, Philippe vivant, elle ne sera pas inconsolable.
            Elle dit : " Pourvu que je l'aie ! " comme elle dirait : " Tant qu'on a du pain, on ne meurt pas de faim!"
            Elle se passerait de tout, sauf de Philippe, et, pour cette raison, elle l'appelle, sans se creuser la tête :" Mon principal ! "

            Philippe l'appelle bonnement : la vieille demoiselle !

            " Aujourd'hui, dit-elle, il aime mieux se faire lécher par son chien que par moi ; mais qu'il ne vienne pas ensuite mettre sa figure contre la mienne, je n'ai pas besoin qu'il me rende les bicheries du chien ! "

            " A cause de son nez, je le reconnaîtrais entre cent cochons. "
            Philippe a le nez un peu déformé.

                                                         En Ménage

            " Moi aussi, madame Gloriette, j'étais ambitieuse ! J'ai voulu longtemps mettre des chaussettes à mes petits. Ils possédaient tous trois chacun leur paire. Je la lavais le soir, pour la faire sécher la nuit et j'en coiffais les chenets. Un matin, j'ai retrouvé les chaussettes mangées par les grillons. Je me suis rendu compte, ce jour-là, que mes petits marcheraient aussi bien pieds nus. "

            " Quand un petit commence à pouvoir rester assis sur ses fesses, madame, ça prouve qu'il n'a pas le cul trop rond. "

            Philippe ne lui donne jamais un sou. Il fait sa vie de son côté, elle fait la sienne du sien. Loin de se plaindre, elle blâme certaines femmes.

                                                                        
                                                                            le pain du ménage
            Il y en a, dit-elle qui gardent le porte monnaie et qui ne remettent de l'argent à leur homme que vingt sous par vingt sous. Moi, je ne pourrai pas."
            Toutefois, elle pense qu'à la rigueur la femme peut vivre sur son homme, et même le mari sur sa femme : c'est compagne et compagnon ! Même un père et une mère ne doivent pas rester à la charge de leurs enfants. Dès qu'elle ne pourra plus aidée de son principal ou seule, faire sa vie, elle voudra mourir.

            " Dans un ménage, dit-elle, quand il pleut sur l'un, il fait mou sur l'autre. "
            Ce qui veut dire  que, si l'un gagne des sous, l'autre en profite.

             Elle ne dépense pas dix francs par an à son entretien, et dans les vieilles culottes qu'on passe à Philippe et qu'il use, elle trouve encore de bonnes pièces pour se faire des chaussons tout neufs.

            Elle n'a pas adopté le pantalon des femmes ; on ne marche à l'aise que si les cuisses se touchent.
            Toujours propre, décente et modeste dans sa tenue, il faut qu'il fasse bien chaud pour qu'elle dénoue et relève sur le cou les brides de son bonnet blanc. C'est presque du libertinage.

            Ce qui l'a flattée, un  jour qu'elle s'achetait un petit manteau pour une noce, c'est que Tapin, le marchand de nouveautés, ait dit, en lui mettant sur le dos la première jaquette venue :
             - Vous êtes bien plaisante à habiller !.

             Comme Tapin faisait miroiter un caraco de satinette :
             - Oh ! non ! non! dit-elle, c'est trop victorieux pour moi !.

             Un homme peut rester au lit quand il est malade, une femme pas. Une femme n'a jamais le temps de s'écouter.

             Une femme doit manger moins qu'un homme.

             Jadis, on mêlait des pommes de terre à la farine du pain. Ragotte a mangé de ce pain-là, et elle fait la grimace au souvenir du morceau pomme de terre froide qu'on sentait tout à coup sous la dent.

            Elle a été longue à s'habituer au pain de monsieur, qui est le pain blanc. Elle aime toujours le pain de ménage, et parfois elle fait avec sa cousine, qui cuit encore elle-même, des échanges au goût et au profit de chacune.
            Elle est allée ce matin, au marché de la ville, et elle dit :
            - Autrefois, il y avait un boucher ; aujourd'hui, il y en a cinq ! Le monde devient carnassier.

            " Autrefois, il fallait courir jusqu'à la ville acheter deux sous de sel. On prenait ses précautions le dimanche. Aujourd'hui, pour notre argent, ils nous apportent tout à la maison. "

            " Manger ! Est-ce drôle que tout le monde s'enferme dans les maisons, à la même heure, pour faire la même chose : "

           Ils mangent, Philippe, Ragotte, le Paul, à une petite table où ne peut tenir que la grande écuelle commune.
           - Vous êtes bien là, dit Gloriette, serrés coude à coude.
           - Oui, madame, répond Ragotte, on se donne appétit les uns aux autres.

           Habile à avaler sa soupe proprement et nettement, elle n'aime pas les tables mal torchées.

           - Vous avez déjà fini votre soupe, Ragotte ?
           - Oh ! madame, quand on l'attaque à pleine cuiller, ça va vite.
           - C'est bien propre, Philippe, une toile cirée comme celle de madame. Il n'en faudrait pas grand sur notre petite table ! si un jour, à la ville, tu en voyais un morceau ?
           - Mange donc, lui dit Philippe.

            Elle se chauffe mal, si elle ne voit pas le feu ; elle aime les beaux feux de bois dont la braise ardente fait pleurer des larmes cuites ; mais elle trouve que rien ne vaut le gentil feu d'une paire de sabots qu'elle a portés, qu'elle brûle quand ils ne sont plus mettables, et qu'elle regarde flamber, toute songeuse.

            Le son du cor de chasse l'émeut au point qu'elle ose dire à Philippe :
            - Pourquoi n'as-tu jamais appris à flûter comme ça ?

            Il y avait à la cuisine un reste de gâteau.
            - Avez-vous mangé ce gâteau ? dit Gloriette.
            - Non, madame, je n'ai fait que laver la vaisselle.
            Elle dit à Gloriette qui surveille du boeuf à la mode :
            -  Votre fricot sent si bon que je mangerais bien mon pain sec à côté.

            - Avez-vous goûté à votre pot de confitures ?
            - Oh ! non, madame !
            - Qu'est-ce que vous attendez ?
            - Toute seule, j'aurais honte ; il me viendra peut-être de la compagnie !

            Quelquefois, la bouchère, dont elle a élevé un des petits, lui fait présent d'un morceau de viande :
            - Prenez-le, Ragotte, il ne me sert plus, et si vous n'aviez pas été là, je le jetais au feu.
            - Ne faites jamais ça, madame, je le jetterai bien moi-même.

            - On souffre, madame, quand on voit les riches jeter quelque chose.

            - Oh ! madame, vous pensez donc toujours à moi ?

            Elle dit à Gloriette qui compte sa monnaie :
            - Vous en avez des jolis sous ! Il n'y a que ça qui débêtit le monde !

            Elle croit que nous somme très riches, et si quelqu'un lui disait que nous avons au moins mille francs, ça ne l'étonnerait pas.
            Gloriette lui donne tant d'affaires que Ragotte finit par dire :
            - Vous m'affriandez, madame, et vous m'avez rendue difficile ; je ne pourrai plus maintenant redevenir malheureuse.

            Elle regarde si ses hommes, Philippe et le Paul viennent sur la route.

                                                                                       
                            
            Son profil semble dessiné par un petit gars de l'école primaire. Le cordon du tablier la divise en deux boules d'égale grosseur.
            Lasse d'attendre, elle fait, tout haut, cette réflexion :
            - Le goûter est prêt, les goûteux ne viennent pas. Si le goûter n'était pas prêt, les goûteux seraient déjà là.

           Elle revient de chercher à la ferme un double de noix qu'elle apporte dans un sac, et le sac est plein de bruit.
           - Oui, dit Ragotte, les noix causent dans le sac et ça distrait le mendiant.

          Elle dit de sa soeur qui est avare :
          - Elle ne donnerait pas l'eau où a cuit l'oeuf !

         Elle dit d'un riche orgueilleux, qui vient de se ruiner :
         " Il était si fier qu'il ne pouvait pas marcher ! Aujourd'hui, il marche sur ses plumeaux. "
         Il faut savoir, pour comprendre, que Ragotte est une habile plumeuse d'oies vivantes, et que les ailes d'une oie ainsi plumée pendent, mal soutenues, et traînent par terre.


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                                                                 2

                                                             Jaunette

           Les mains jointes sur le ventre, Ragotte va chercher la vache au pré. Elle y va lentement, comme si elle priait, mais prier ce serait déjà trop penser ; elle ne pense à rien.
           Elle ouvre la barrière et prend la rouette qu'elle a cachée au pied de la haie, ce matin, en amenant la vache.
           Elle appelle : " Jaunette ! Jaunette ! "
           Jaunette, qui mangeait, lève sa lourde tête, et c'est étonnant qu'elle ne dise point : " Tiens ! voilà Ragotte ! "
           Jaunette ne bouge pas.
           Qu'est-ce qu'il y a ?
           Ragotte casse une branche de noisetier garnie de fleurs fraîches et la lui montre de loin.
           - Faut-il que j'aille te chercher ? Tu ne voudrais peut-être pas !
           Mais Jaunette a vu et hésite à peine. Elle s'ébranle et vient toute seule. Elle arrive, le ventre rond, les cuisses écartées sur le pis. Elle apporte le pis pesant à Ragotte, qui le soulage, matin et soir, comme par amitié. D'un coup de langue, Jaunette attrape les feuilles du noisetier, et Ragotte lui dit : " Vieille gourmande !             C'est le seul défaut qu'elle lui connaisse, la gourmandise.
           Elle le lui reproche, sans malice, comme une parente pauvre peut se permettre de le faire à une parente plus pauvre.
                         
                                                   
            Jaunette s'arrête à chaque pas pour donner des coups de langue rapides à l'herbe de la route. Elle suit le fossé et passe si près du bord que Ragotte tremble. Parfois, un sabot de Jaunette glisse, mais grâce au ballonnement de son ventre énorme, elle s'équilibre.
            Il semble à Ragotte que c'est elle-même qui porte le pis fragile et plein de lait, et elle se raidit de peur d'en perdre une goutte.

            Elle dit d'une vache maigre : " Le feu prendrait après ! "

            Jaunette conviendrait à un malheureux qui n'aurait pas d'herbe pour la nourrir et qui la mènerait sur les chemins.
            Quand elle sort du pré, elle est déjà soûle, et elle mange le long du mur, comme si elle crevait de faim. Sa mâchoire laborieuse ne refuse rien ; elle mange même où les moutons qui salissent l'herbe viennent de passer.
            Ragotte, campée derrière elle, est une laide et bonne petite sorcière, qui aura tout à l'heure la puissance de faire jaillir, du bout de sa baguette, une source blanche.
            Comme elles ne rentrent pas, Philippe, étonné, ouvre la porte, sort sur la route, et les voit arrêtées. Jaunette, de ses gros yeux troubles, regarde devant elle, et Ragotte regarde à terre.
            - Qu'est-ce que tu rumines donc là ? dit Philippe.
            - J'attends Jaunette, dit Ragotte ; je ne sais pas à quoi elle pense.

            Elle tire la vache ( Philippe qui sait tout faire, n'a jamais su tirer les vaches ), une tétine en chaque main, et d'un mouvement alternatif et doux ! une, deux ! une, deux ! Tandis que, matin et soir, Ragotte sonne ainsi l'angélus, Jaunette mange encore au râtelier, et, pour payer sa nourriture, elle accorde sont lait et ne donne pas de coup de pied dans le seau à traire.

            - Si c'était un âne, Ragotte, vous monteriez dessus !
            - Oh ! non, dit-elle, il aurait vite fait de faire poulain !
            Ce qui veut dire qu'elle serait bientôt par terre, entre les quatre pattes de l'âne.

            Parfois, quelle importance ! Toutes ces idées qu'elle a en tête ! Le mal qu'elle se donne derrière la volaille ! Ce poulet qui ne grossit pas plus qu'une pierre dans un trou ! Et cette poule qu'elle traite de créature comme si elle voulait la perdre à jamais dans l'estime du monde !

                                                                Laveuse

            Mais la grosse affaire, dans la vie de Ragotte, a toujours été le lavement du linge des autres.
            Ce qui lui va le mieux, c'est d'aller à la rivière et d'en revenir. Pour qu'elle ait son air le plus naturel il faut qu'elle soit en laveuse. Sa brouette devant ou sa hotte sur le dos, sa boîte sous un bras, le tapoir et la planche à laver sous l'autre, la mettent à l'aise et lui servent de contenance.
            Elle s'adapte si bien à sa brouette qu'elles iraient toutes deux à la promenade, s'il arrivait à Ragotte de se promener. Et Ragotte est tellement lasse, des fois, quand elle revient de la rivière, qu'elle a l'air d'être ramenée par la brouette.
           
            Une laveuse qui n'est pas nourrie a droit à une chopine de vin par jour. Gloriette ne le savait pas et Ragotte ne disait rien. Comme Ragotte lave le linge depuis neuf ans, Gloriette apprend, par hasard, qu'elle lui doit presqu'une barrique.
            - Pourquoi ne réclamiez-vous pas ?
            - Oh ! moi, madame, je n'aime pas le vin.

            - Vous savez bien, madame Gloriette, ce que c'est qu'un homme qui a bu !... Ou plutôt, non, vous ne le savez pas ! Et quand il boit, que la femme se soûle de travail, si elle veut !

             Elle n'a pas le temps, le jour de la lessive, de faire à goûter pour ses hommes. Philippe ne mange que de l'ail.
             C'est moi, le monsieur, qui en profite, à la chasse, quand j'ai le vent.

                                                          Ses Enfants

            Elle reçoit, un matin, par le facteur, la photographie de sa fille, placée à Paris.
            Lucienne est en toilette : elle a des boucles d'oreilles, une chaîne de montre, et sa tête bouffe, toute frisée exprès.
            Ragotte regarde longuement le portrait et finit par dire : " Pauvre petite malheureuse ! "

            Lucienne arrive ce soir, et, comme elle restera quelques jours, Ragotte lui achète du fil blanc, du fil noir et du coton à repriser les bas. Elle choisit le coton le moins gros qu'elle trouve.
            - Lucienne, dit-elle, doit être habituée à de la délicatesse, là-bas. Regardez donc, madame, si ce coton est assez fin ?           
                                                                 
            - Oui,dit Gloriette ; vous avez une bonne idée, et Lucienne sera contente.
            - Elle ne va peut-être pas s'en apercevoir, dit Ragotte.

             Philippe revient seul de la gare. Ragotte pâlit. Elle n'ose point le questionner, et Philippe ne prend pas la peine de dire que sa fille s'est arrêtée, en haut du village chez sa cousine.
             - Quand j'ai vu, dit Ragotte à Lucienne, que ton père te ramenait pas, ça m'a farfouillé partout.
             Lucienne se moque d'elle, avale sa soupe, trop fatiguée pour s'attendrir, se couche et s'endort.
             - Venez donc voir, madame, dit Ragotte à Gloriette, comme ma gamine repose bien !

             Ragotte - Puisque tu ne fais rien, tu devrais me repriser ma manche.
             Lucienne - Je reprise trop mal.
             Ragotte - Tu repriseras toujours mieux que moi.
             Lucienne - Non, je ne sais pas. Il fallait me faire apprendre le métier de couturière.
             Ragotte - Tu me le dis souvent !
             Lucienne - Si j'avais un métier, n'importe lequel, je ne serais pas en place chez les autres.
             Ragotte - Nous ne pouvions pas te payer un apprentissage !
             Lucienne - Alors, fais ta reprise toi-même !

             Comme elle est toute à ses tristes pensées, sa fille se met sur son trente et un pour aller à la ville. Lucienne s'habille à la façon d'une demoiselle de Paris et elle a des gants. Elle passe devant Ragotte, lui fait, comme elle a vu faire dans les gares, un petit signe de la main, et dit :
            - Point de commissions ?
            Ragotte ne répond pas. Appuyée au tas de fagots, douloureuse et mâchonnante, elle regarde s'éloigner l'étrangère sortie d'elle.

            " Ma fille n'est pas mauvaise, au fond, dit-elle, mais elle a le parlement dur. "

            " Et puis, que voulez-vous, c'est ma viande ! "

                                                              La Glace

            Elle n'avait qu'une glace comme la main pour se regarder, une de ces glaces ovales, à couvercle de bois blanc, que les garçons mettent dans leur poche, dès qu'ils se croient jolis.
            Ragotte laissait la sienne pendue au mur.
            Gloriette lui dit :
            - Vous avez beau être petite, cette glace est encore trop petite.
            - Oh ! madame, dit Ragotte, elle me suffit. Je l'ai depuis notre mariage. Pourvu que je voie que mon bonnet n'est pas de travers, je me passe de mirer le reste. Je ne suis pas si belle !
            - Il faudra tout de même que je vous en paie une neuve, dit Gloriette.
            Or, ce soir, comme Ragotte vient de laver, elle trouve à la place de l'autre une grande glace carrée, à bords vernis comme ceux d'un tableau, où elle peut se voir, presque tout entière.
             Elle se rappelle aussitôt la promesse de Gloriette, mais, par timidité et respect, elle fait l'étonnée.
             - Je me demande, dit-elle, qui diable a mis cette glace à cet endroit ? Est-ce que par hasard, ce serait toit, Philippe ?
             - Oh ! non, dit Philippe qui ne sait rien et qui ne se dérange pas de son travail pour une glace.
             - Je savais bien, dit Ragotte, que c'était encore la dame !
             - Non, ce n'est pas la dame, dit Lucienne avec brusquerie ; c'est moi !
             - C'est toi ! dit Ragotte stupéfaite.
             - Oui, moi. Je l'ai achetée ce matin à un bazar ambulant.
             - Toi, répète Ragotte.
             Lucienne - Et voilà comme tu me remercies !
             Ragotte - Pourquoi donc que tu m'as acheté une glace ?
             Lucienne - Parce que j'avais de l'argent de trop.
             Ragotte - Ma pauvre fille ! tu ne m'as pas habituée. J'aurais parié gros que c'était la dame ou mon vieux.
             Lucienne - Tu penses à papa, tu penses à la dame, tu ne penses pas à ta fille ; c'est comme ça qu'on se trompe !
             Ragotte - Oh ! je me trompais pour mon vieux, mais, pour la dame, je ne me trompais pas de beaucoup.

             Ragotte n'a pu s'acheter une lampe qu'à l'âge de cinquante-cinq ans.
             Elle se sert de la lampe sans l'abat-jour qui est au grenier.
             " Il me gênait, dit-elle ".
             Jusqu'à soixante ans, elle n'a connu que le lit de plumes, la couette. Pour la première fois de sa vie, elle va coucher sur un matelas.

             D'un lit, où le paresseux s'attarde, elle dit : " Voilà un lit bien emblavé ! "

             Elle s'étonne que, depuis quelques jours ( pour quelques jours, seulement ) je me lève le matin à six heures, et elle dit que je ne profite plus de ce que je suis monsieur.

             " Quand on est chez les autres, dit-elle, on est toujours à terme. "

             Elle regarde le collier de cuir rouge que la petite chienne de luxe porte au cou.
             - Ah ! fine garce, lui dit-elle, que tu es heureuse ! on ne m'en a jamais mis un pareil, à moi !         
                   
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               On ne peut pas lui faire dire qu'elle est de la même pâte que nous. Il faut qu'il y ait des dames habillées comme madame Gloriette et des paysannes mise comme Ragotte :
            Gloriette - Mais si vous deveniez riche ?
            Ragotte - Ça ne se peut pas.
            Gloriette - Si quelqu'un vous offrait une belle robe ?
            Ragotte - Est-ce que je saurais la porter ?
            Gloriette - Si on vous avait appris ?
            Ragotte - J'ai la tête trop dure.
            Gloriette - Si, par hasard de naissance, vous étiez ce que je suis, et si j'étais ce que vous êtes ?
            Ragotte - Moi à votre place, madame, et vous à la mienne ! oh ! oh !
            Gloriette - Enfin, je suppose.
            Ragotte - Ce ne serait pas juste.

            Le Paul lui reproche de n'avoir pas recousu un bouton de chemise.
            " Je ne suis pas ma maîtresse, dit Ragotte. J'ai mon ouvrage ; il faut que je fasse d'abord ce qu'on me commande. "
            Elle dit " ce qu'on me commande " avec du respect pour qui commande, une joie grave d'être commandée, la certitude de bien obéir.
 
            - J'écris un mot à Lucienne, Ragotte !  Qu'est-ce qu'il faut lui dire de votre part ?
            - Dites-lui, madame, qu'on ne fait pas toujours comme on veut.

                                                              Malade

            A peine au lit, elle crie. Le mal commence par les dents, usées jusqu'aux racines, et gagne les oreilles
            Elle ne peut pas rester couchée. Elle se lève et va mettre sa tête brûlante sur le feu qui s'éteint dans la cheminée.
            Comme elle souffre, Philippe est presque tendre.Il supporte qu'elle l'empêche de dormir. Il regarde les poutres du plafond et dit parfois à Ragotte :
            - Et ta gueule ?
            Ragotte répond par un grognement de douleur. Philippe pour la calmer, raconte l'histoire d'une de ses dents.
            Un jour qu'il se plaignait d'avoir mal, le forgeron lui dit :
            - Mets-toi là, près de mon enclume !
            Philippe se place. Le forgeron noue à la dent malade le bout d'une ficelle et à l'enclume l'autre bout, puis il passe un fer rouge devant la figure de Philippe.
            " Mon recul a fait sauter ma dent, dit Philippe, et je serais tombé à coups de poing sur le maréchal s'il ne m'avait tenu en respect avec son fer rouge. Je n'avais plus mal, mais, d'abord, je me suis cru aveugle et longtemps j'ai cligné de l'oeil. "
            Cette histoire ne faisant pas d'effet, Ragotte, enragée, dit à Philippe :
            - Jaguille-moi avec ton couteau !
            Philippe, affectueux, glisse la pointe du couteau entre deux dents, pousse et tourne. Ça craque. Ragotte hurle comme si on lui ouvrait la cervelle, mais la dent ne cède pas.
            Ragotte se décide à la faire arracher en ville par le médecin, pour quarante sous.
            Au retour, sa bouche pisse le sang sur la route.
            Elle dit gaiement à Philippe qu'elle fait rire :
            - Je l'ai vue ; c'était une fameuse dent ! Ça ne m'étonne pas qu'elle tenait si bien ; il y en avait plus long d'emmanché dans ma gueule que dehors.

            Elle dit à Gloriette, qui est de retour :
            - J'étais contente de savoir que vous reveniez de Paris ; je pensais : nous allons nous raconter, avec la dame, nos maladies de l'hiver.
             Elle commence :
             - Moi, j'avais mal à la tête et une forte fièvre. J'ai d'abord pris de l'herbe amère, de la centaurée. Elle m'a bien fait. Ensuite, j'ai avalé tous les cachets du médecin. Je n'avais encore jamais pris de médecine. Ça me mettait le feu au ventre. Il fallait à chaque instant courir au puits boire une casse d'eau fraîche.
            - D'eau glacée, Ragotte, de neige fondue ? Vous étiez folle !
            - Ça me calmait.
            - Pour mieux vous brûler ensuite : Et aujourd'hui comment êtes-vous ?
            - La fièvre tombe, mais j'ai toujours mal à la tête. C'est le sang.
            - Il faut revoir le médecin.
            - Oh ! pour quoi faire ?
            - Madame a raison, dit Philippe, bourru et prévenant. Demain je retournerai le chercher et il t'ordonnera de la nouvelle denrée.

            Elle souffre des reins, et, pour ne pas briser son lit dans la journée, elle se couche sur l'arche au pain.
            L'arche est trop courte, bien que Ragotte ne soit pas longue. Il faut qu'elle se replie en chien. Tout ce qu'on peut obtenir, c'est qu'elle mette un oreiller sous sa tête et un mouchoir dessus, parce que les mouches la dévorent.

            Autrefois, elle avait des verrues, mais elle les a guéries avec une pommade qu'elle écartait avant le lever et après le coucher du soleil.

            Elle se rappelle exactement de la date de son retour d'âge.
            " J'ai eu pour la dernière fois, dit-elle, le jour de la première communion de mon petit Joseph. "
            Les deux souvenirs sont casés l'un vers l'autre dans sa tête et ne font pas tort.

            Dans la solitude elle a de quoi occuper sa pensée. Elle sait des histoires que nous ne savons pas et qu'elle ne raconte à personne. Elle sait que tel jour, derrière les fagots, le gendarme a tapiné la femme du corroyeur.

            Souvent, elle m'agace, assise sur une marche de l'escalier. Elle cause ! elle cause, à voix basse pour ne pas me déranger, et de son bavardage un murmure monte jusqu'à ma fenêtre et trouble l'air, comme la balle d'avoine s'échappe du tarare.
           
            
                                                                      Religion

            Gloriette - Pourquoi n'allez-vous presque plus à la messe ?
            Ragotte - Oh ! la messe...
            Gloriette - C'est pour nous faire plaisir ? Ma pauvre Ragotte, vous nous jugez mal ; vous êtes libre.
            Ragotte - Je le sais bien, madame.
            Gloriette - Vous auriez tort de vous gêner, allez vite à la messe.
            Ragotte - Je vous remercie, madame, je n'irai pas aujourd'hui. Il faudrait m'habiller.
            Gloriette - vous avez le temps.
            Ragotte - L'église est trop loin.
            Gloriette - Peu importe que la messe soit commencée.
            Laisse-la, dis-je à Gloriette, tu ne peux pourtant pas, une païenne comme toi , forcer Ragotte...
            - Je t'assure, dit Gloriette, qu'elle se prive de la messe parce qu'elle s'imagine que ça nous est agréable.
            Ragotte - Non, madame, je reste de ma volonté.
            Gloriette - Vous n'avez donc plus de religion ?
            Ragotte - Si, madame, et vendredi, soyez tranquille, j'observerai le jeûne.
            Gloriette - Ah ! vous jeûnez tous les vendredis ?
            Ragotte - Le Vendredi saint seulement, celui de la semaine qui vient.
            Gloriette - Qu'est-ce que vous mangerez ce jour-là ?
            Ragotte - De la tourte à l'huile.
            Gloriette - La tourte est permise ?
            Ragotte - Oui, mais je n'y mettrai pas d'oeuf.
            Gloriette - L'oeuf est défendu ?
            Ragotte - Un jaune d'oeuf, et on serait en état de péché.
            Gloriette - Et Philippe, jeûnera-t-il ?
            Ragotte - Comme moi ; nous ne ferons pas deux cuisines.
            Gloriette - Il aime la tourte ?
            Ragotte - Oh ! la tourte à l'huile ! il va se bourrer.
            Gloriette - Et s'il demande un oeuf ?
            Ragotte - Il n'en aura pas.

            - Aimez-vous les juifs, Ragotte ?
            - Je ne sais pas ce que c'est, je n'en ai jamais vu.
            - Tenez ! En voilà un.
            - Ce monsieur-là ?
            - Oui, c'est un juif, un ami venu passer huit jours à la campagne. Que faut-il en faire ?
            - Si c'est un bon homme, il faut le garder, si c'est un mauvais homme, il faut le renvoyer. 
            Le juif part ce soir, mais c'est une coïncidence ; il avait fini sa semaine.

            - Croyez-vous au paradis, Ragotte ?
            - Ma foi, oui, monsieur.
            - Espérez-vous y aller ?
            - Je n'ai point fait de mal.
            - Pensez-vous que Philippe ira ?
            - Pourquoi non ?
            - Écoutez, Ragotte, aimeriez-vous être toute seule au paradis qu'avec Philippe en enfer ?
            - Oh ! l'enfer, dit Ragotte, je n'y crois guère.
            - Au purgatoire, si vous préférez ?
            - J'aimerais mieux être avec lui  n'importe où.
            Puis elle reprend, par pudeur :
            - Ce n'est pas qu'il tienne à moi et que je tienne à lui, mais il y a trop longtemps que nous sommes
l'un près de l'autre, ça ne serait plus la peine de se quitter.
            - Et Mme Gloriette, est-ce qu'il vous paraît possible qu'elle aille au paradis ?
            - Oh ! si elle n'y allait pas, personne n'irait .
            - Et moi, Ragotte ?
            - Oui, monsieur, dit-elle, se dépêchant de le dire.
            - Moi aussi ! Mais vous oubliez, Ragotte, que ni madame, ni monsieur, ni les enfants, ne mettent les pieds à l'église, que...
            Soudain, je m'aperçois que les yeux de Ragotte s'emplissent de larmes. C'est sa manière, à elle, de me faire comprendre que je devrais bien la laisser tranquille.

            Gloriette - C'est l'Ascension, Ragotte, il ne faut pas manquer la messe.
            Ragotte - Ma foi non, madame.
            Gloriette - Alors, vous n'irez plus ?
            Ragotte - Guère.
            Gloriette - Mais, ma pauvre Ragotte, vous vous fermez les portes du paradis !
            Ragotte - Oh ! madame, vous m'avez dit un jour que j'irai. Je suis bien sûr d'y aller.

            D'ailleurs, ce n'est pas à Dieu qu'elle croit le plus.
            " Si une poule demande à couver à la Saint-Jean, laissez-la une nuit dehors avant qu'elle couve. "
            - Pourquoi, Ragotte ?
            - Parce que le maître de la maison mourrait dans l'année.
            - Il faut mettre treize oeufs sous une poule.
            - A cause du chiffre treize ?
            - Oh ! non, madame ! Non, non... mais la poule serait trop grosse pour douze oeufs et trop petite pour quatorze.

            " Quand une oie couve et qu'il tonne, il faut appeler les petits dans la coquille."
            - Parce que ?
            - Je ne sais pas, on dit qu'il faut les appeler.

            En mars, on prépare des petits paquets d'avoine et on les fait bénir, puis on les distribue aux vaches pour qu'elles vêlent bien. Philippe arrange les paquets. Que Ragotte les porte à bénir, si elle veut !
            Avant de se coucher, on va voir avec une lanterne les bêtes à l'écurie. On y va tous les soirs, sauf la veille de Noël, parce que, la veille de Noël, les bêtes causent.

            Un veau qui tête mal, Ragotte le traite de feignant, mais elle l'excuse si c'est en pleine lune, parce qu'en pleine lune, un veau a de la paresse à téter.
            " Ça n'y fait peut-être rien., dit-elle ".

            Mais peut-être que Ragotte a raison, que nous subissons tous, à notre manière, l'influence de la lune, et que la page écrite en lune dure ne vaut pas la page écrite en lune tendre.

            La corneille prisonnière fait trop la vie dans sa cage, il va encore arriver quelque chose !
          
            Justement, le petit Joseph vient de mourir, à Paris.



                                                                                                  ............/ à suivre
                                                             
                              
          

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