lundi 22 août 2016

Pour une nuit d'amour 2 /4 Emile Zola ( Nouvelle France )

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                                               Pour une nuit d'amour

                                                                           II

            Le lendemain, à la poste, la grosse nouvelle était que Mlle Thérèse de Marsanne venait de quitter le couvent. Julien ne raconta pas qu'il l'avait aperçue en cheveux, le cou nu. Il était très inquiet ; il éprouvait un sentiment indéfinissable contre cette jeune fille, qui allait déranger ses habitudes. Certainement, cette fenêtre, dont il redoutait de voir s'ouvrir les persiennes à toute heure le gênerait horriblement. Il ne serait plus chez lui, il aurait encore mieux aimé un homme qu'une femme, car les femmes se moquent davantage. Comment, désormais, oserait-il jouer de la flûte ? Il en jouait trop mal pour une demoiselle qui devait savoir la musique. Le soir donc, après de longues réflexions, il croyait détester Thérèse.
            Julien rentra furtivement. Il n'alluma pas de bougie. De cette façon elle ne le verrait point. Il voulait se coucher tout de suite, pour marquer sa mauvaise humeur. Mais il ne put résister au besoin de savoir ce qui se passait en face. Vers dix heures seulement, une lueur pâle se montra entre les lames des persiennes ; puis, cette lueur s'éteignit, et il resta à regarder la fenêtre sombre. Tous les soirs, dès lors, il recommença malgré lui cet espionnage. Il guettait l'hôtel ; comme aux premiers temps il s'appliquait à noter les petits souffles qui en ranimaient les vieilles pierres muettes. Rien ne semblait changé. La maison dormait toujours son sommeil profond ; il fallait des oreilles et des yeux exercés pour surprendre la vie nouvelle. C'était, parfois, une lumière courant derrière les vitres, un coin de rideau écarté, une pièce immense entevue. D'autres fois, un pas léger traversant le jardin, un bruit lointain de piano arrivait, accompagnant une voix ; ou bien les bruits demeuraient plus vagues encore, un frisson simplement passait, qui indiquait dans la vieille demeure le battement d'un sang jeune. Julien s'expliquait à lui-même sa curiosité, en se prétendant très ennuyé de tout ce tapage. Combien il regrettait le temps où l'hôtel vide lui renvoyait l'écho adouci de sa flûte !
            Un de ses plus ardents désirs, bien qu'il ne se l'avouât pas, était de revoir Thérèse. Il se l'imaginait le visage rose, l'air moqueur, avec des yeux luisants. Mais, comme il ne se hasardait pas le jour à sa fenêtre, il ne l'entrevoyait que la nuit, toute grise d'ombre. Un matin, au moment où il refermait une de ses persiennes, pour se garantir du soleil, il aperçut Thérèse debout au milieu de sa chambre. Il resta cloué, n'osant risquer un mouvement. Elle semblait réfléchir, très grande, très pâle,
 la face belle et régulière. Et il eut presque peur d'elle, tant elle était différente de l'image gaie qu'il s'en était faite. Elle avait surtout une bouche un peu grande, d'un rouge vif, et des yeux profonds, noirs et sans éclat, qui lui donnaient un air de reine cruelle. Lentement, elle vint à la fenêtre ; mais elle ne parut pas le voir, comme s'il était trop loin, trop perdu. Elle s'en alla, et le mouvement rythmé de son cou avait une grâce si forte, qu'il se sentit à côté d'elle plus débile qu'un enfant, malgré ses larges épaules. Quand il la connut, il la redouta davantage.
            Alors, commença pour le jeune homme une existence misérable. Cette belle demoiselle, si grave et si noble, qui vivait près de lui, le désespérait. Elle ne le regardait jamais, elle ignorait son existence. Mais il n'en défaillait pas moins en pensant qu'elle pouvait le remarquer et le trouver ridicule. Sa timidité maladive lui faisait croire qu'elle épiait chacun de ses actes pour se moquer. Il rentrait l'échine basse, il évitait de remuer. Puis au bout d'un mois, il souffrit du dédain de la jeune fille. Pourquoi ne le regardait-elle jamais ? Elle venait à la fenêtre, promenait son regard noir sur le pavé désert, et se retirait sans le deviner, anxieux, de l'autre côté de la place. Et de même qu'il avait tremblé à l'idée d'être aperçu par elle, il frissonnait maintenant du besoin de la sentir fixer les yeux sur lui. Elle occupait toutes les heures qu'il vivait.                                   plaisir-de-peindre.kazeo.com
Felix Valloton, La Chambre rouge            Quand Thérèse se levait, le matin, il oubliait son bureau, lui si exact. Il avait toujours peur de ce visage blanc aux lèvres rouges, mais une peur délicieuse, dont il jouissait. Caché derrière un rideau, il s'emplissait de la terreur qu'elle lui inspirait jusqu'à s'en rendre malade, les jambes cassées comme après une longue marche. Il faisait le rêve qu'elle le remarquait tout d'un coup, qu'elle lui souriait et qu'il n'avait plus peur.
            Et il eut l'idée alors de la séduire, à l'aide de sa flûte. Par les soirées chaudes, il se remit à jouer. Il laissait les deux croisées ouvertes, il jouait dans l'obscurité ses airs les plus vieux, des airs de pastorale, naïfs comme des rondes de petite fille. C'étaient des notes longuement tenues et tremblées, qui s'en allaient sur des cadences simples les unes derrière les autres, pareilles à des dames amoureuses de l'ancien temps, étalant leurs jupes. Il choisissait les nuits sans lune ; la place était noire, on ne savait d'où venait ce chant si doux, rasant les maisons endormies, de l'aile molle d'un oiseau nocturne. Et dès le premier soir, il eut l'émotion de voir Thérèse à son coucher s'approcher tout en blanc de la fenêtre, où elle s'accouda, surprise de retrouver cette musique, qu'elle avait entendue déjà, le jour de son arrivée.
            - Ecoute donc, Françoise, dit-elle de sa voix grave, en se tournant vers l'intérieur de la pièce. Ce n'est pas un oiseau.
            - Oh ! répondit une femme âgée, dont Julien n'apercevait que l'ombre, c'est bien sûr quelque
comédien qui s'amuse, et très loin, dans le faubourg.
            - Oui, très loin répéta la jeune fille, après un silence, rafraîchissant dans la nuit serrant ses             bras nus.
            Dès lors, chaque soir, Julien joua plus fort. Ses lèvres enflaient le son, sa fièvre passait dans la vieille flûte de bois jaune. Et Thérèse, qui écoutait chaque soir, s'étonnait de cette musique vivante, dont les phrases, volant de toiture en toiture, attendaient la nuit pour faire un pas vers elle. Elle sentait bien que la sérénade marchait vers sa fenêtre, elle se haussait parfois, comme pour voir par-dessus les maisons. Puis, une nuit, le chant éclata si près, qu'elle en fut effleurée ; elle le devina sur la place, dans une des vieilles demeures qui sommeillaient. Julien soufflait de toute sa passion, la flûte vibrait avec des sonneries de cristal. L'ombre lui donnait une telle audace, qu'il espérait l'amener à lui par son chant. Et Thérèse, en effet, se penchait, comme attirée et conquise.
            - Rentrez, dit la voix de la dame âgée. La nuit est orageuse, Vous aurez des cauchemars.
            Cette nuit-là, Julien ne put dormir. Il s'imaginait que Thérèse l'avait deviné, l'avait vu peut-être. Et il brûlait sur son lit, il se demandait s'il ne devait pas se montrer le lendemain. Certes, il serait ridicule, en se cachant davantage. Pourtant, il décida qu'il ne se montrerait pas, et il était devant sa fenêtre, à six heures, en train de mettre sa flûte dans l'étui, lorsque les persiennes de Thérèse s'ouvrirent brusquement.
            La jeune fille qui ne se levait jamais avant huit heures, parut en peignoir, s'accouda, les cheveux tordus sur la nuque. Julien resta stupide, la tête levée, la regardant en face, sans pouvoir se détourner ; tandis que ses mains gauches essayaient vainement de démonter la flûte. Thérèse aussi l'examinait, d'un regard fixe et souverain. Elle sembla un instant l'étudier dans ses gros os, dans son corps énorme et mal ébauché, dans toute sa laideur de géant timide. Et elle n'était plus l'enfant fiévreuse, qu'il avait vue la veille, elle était hautaine et très blanche, avec ses yeux noirs et ses lèvres rouges. Quand elle l'eut jugé, de l'air tranquille dont elle se serait demandé si un chien sur le pavé lui plaisait ou ne lui plaisait pas, elle le condamna d'une légère moue ; puis, tournant le dos, sans se hâter, elle ferma la fenêtre.
            Julien, les jambes molles, se laissa tomber dans son fauteuil. Et des paroles entrecoupées lui échappaient.
            " Ah ! mon Dieu ! je lui déplais... Et moi qui l'aime, et moi qui vais en mourir ! "
Charles Filliger, Tête d'homme au beret bleu            Il se prit la tête entre les mains, il sanglota. Aussi pourquoi s'être montré. Quand on était mal bâti, on se cachait, on n'épouvantait pas les filles. Il s'injuriait, furieux de sa laideur. Est-ce qu'il n'aurait pas dû continuer à jouer de la flûte dans l'ombre, comme un oiseau de nuit, qui séduit les coeurs par son chant, et qui ne doit jamais paraître au soleil, s'il veut plaire ? Il serait resté pour elle une musique douce, rien que l'air ancien d'un amour mystérieux. Elle l'aurait adoré sans le connaître, ainsi qu'un Prince-Charmant, venu de loin, et se mourant de tendresse sous sa fenêtre. Mais, lui, brutal et imbécile, avait rompu le charme. Voilà qu'elle le savait d'une épaisseur de boeuf au labour, et que jamais plus elle n'aimerait sa musique !
            En effet, il eut beau reprendre ses airs les plus tendres, choisir les nuits tièdes, embaumées de l'odeur des verdures : Thérèse n'écoutait pas, n'entendait pas. Elle allait et venait dans sa chambre, s'accoudait à la fenêtre, comme s'il n'avait pas été en face, à dire son amour avec des petites notes humbles. Un jour même, elle s'écria :
            - Mon Dieu ! que c'est énervant, cette flûte qui joue faux !
            Alors, désespéré, il jeta sa flûte au fond d'un tiroir et ne joua plus.
            Il faut dire que le petit Colombel, lui aussi, se moquait de Julien. Un jour, en allant à son étude, il l'avait vu devant la fenêtre, étudiant un morceau, et chaque fois qu'il passait sur la place, il riait de son air mauvais. Julien savait que le clerc de notaire était reçu chez les Marsanne, ce qui lui crevait le coeur, non qu'il fût jaloux de cet avorton, mais parce qu'il aurait donné tout son sang pour être une heure à sa place. La mère du jeune homme, Françoise, depuis des années dans la maison, veillait maintenant sur Thérèse, dont elle était la nourrice. Autrefois, la demoiselle noble et le petit paysan avaient grandi ensemble, et il semblait naturel qu'ils eussent conservé quelque chose de leur camaraderie ancienne. Julien n'en souffrait pas moins, quand il rencontrait le petit Colombel dans les rues, les lèvres pincées de son mince sourire. Sa répulsion devint plus grande, le jour où il s'aperçut que l'avorton n'était pas laid de visage, une tête ronde de chat, mais très fine, jolie et diabolique, avec des yeux verts et une légère barbe frisée à son menton douillet. Ah ! s'il l'avait encore tenu dans un coin des remparts, comme il lui aurait fait payer cher le bonheur de voir Thérèse chez elle !
            Un an s'écoula. Julien fut très malheureux. Il ne vivait plus que pour Thérèse. Son coeur était dans cet hôtel glacial, en face duquel il se mourait de gaucherie et d'amour. Dès qu'il disposait d'une minute, il venait la passer là, les regards fixés sur le pan de muraille grise, dont il connaissait les moindres taches de mousse. Il avait eu beau, pendant de longs mois, ouvrir les yeux et prêter les oreilles, il ignorait encore l'existence intérieure de cette maison solennelle, où il emprisonnait son coeur. Des bruits vagues, des lueurs perdues l'égaraient. Etaient-ce des fêtes, étaient-ce des deuils ? Il ne savait, la vie était sur l'autre façade. Il rêvait ce qu'il voulait, selon ses tristesses ou ses joies : des jeux bruyants de Thérèse et de Colombel, des promenades lentes de la jeune fille sous les marronniers, des bals qui la balançaient aux bras des danseurs, des chagrins brusques qui l'asseyaient pleurante dans des pièces sombres. Ou bien il n'entendait peut-être que les petits pas du marquis et de la marquise trottant comme des souris sur les vieux parquets. Et, dans son ignorance, il voyait toujours la seule fenêtre de Thérèse trouer ce mur mystérieux. La jeune fille, journellement, se montrait plus muette que les pierres, sans que jamais son apparition amenât un espoir. Elle le consternait, tant elle restait inconnue et loin de lui.
            Les grands bonheurs de Julien étaient les heures où la fenêtre demeurait ouverte. Alors, il pouvait apercevoir des coins de la chambre, pendant l'absence de la jeune fille. Il mit six mois à savoir que le lit était à gauche, un lit dans une alcôve, avec des rideaux de soie rose. Puis, au bout de six autres mois, il comprit qu'il y avait en face du lit, une commode Louis XV, surmontée d'une glace, dans un cadre de porcelaine. En face, il voyait la cheminée de marbre blanc. Cette chambre était le paradis rêvé.
            Son amour n'allait pas sans de grandes luttes. Il se tenait caché pendant des semaines, honteux de sa laideur. Puis, des rages le prenaient. Il avait le besoin d'étaler ses gros membres, de lui imposer la vue de son visage bossué, brûlé de fièvre. Alors il restait des semaines à la fenêtre, il la fatiguait de son regard. Même, à deux reprises, il lui envoya des baisers ardents, avec cette brutalité des gens timides, quand l'audace les affole.
Pablo Picasso, Portrait de Sylvette            Thérèse ne se fâchait même pas. Lorsqu'il était caché, il la voyait aller et venir de son air royal, et lorsqu'il s'imposait, elle gardait cet air, plus haut et plus froid encore. Jamais il ne la surprenait dans une heure d'abandon. Si elle le rencontrait sous son regard, elle n'avait aucune hâte à détourner la tête. Quand il entendait dire à la poste que Mlle de Marsanne était très pieuse et très bonne, parfois il protestait violemment en lui-même. Non, non ! elle était sans religion, elle aimait le sang, car elle avait du sang aux lèvres, et la pâleur de sa face venait de son mépris du monde. Puis, il pleurait de l'avoir insultée, il lui demandait pardon, comme à une sainte enveloppée dans la pureté de ses ailes.
            Pendant cette première année, les jours suivirent les jours, sans amener un changement. Lorsque l'été revint, il éprouva une singulière sensation : Thérèse lui sembla marcher dans un autre air. C'étaient toujours les mêmes petits événements, les persiennes poussées le matin et refermées le soir, les apparitions régulières aux heures accoutumées ; mais un souffle nouveau sortait de la chambre, Thérèse était plus pâle, plus grande. Un jour de fièvre, il se hasarda une troisième fois à lui adresser un baiser du bout de ses doigts fiévreux. Elle le regarda fixement, avec sa gravité troublante, sans quitter la fenêtre. Ce fut lui qui se retira, la face empourprée.
            Un seul fait nouveau, vers la fin de l'été, se produisit et le secoua profondément, bien que ce fait fût des plus simples. Presque tous les jours, au crépuscule, la croisée de Thérèse, laissée entrouverte, se fermait violemment, avec un craquement de toute la boiserie et de l'espagnolette. Ce bruit faisait tressaillir Julien d'un sursaut douloureux ; et il demeurait torturé d'angoisse, le coeur meurtri, sans qu'il sut pourquoi. Après cet ébranlement brutal, la maison tombait dans une telle mort, qu'il avait peur de ce silence. Longtemps, il ne put distinguer quel bras fermait ainsi la fenêtre : mais, un soir, il aperçut les mains pâles de Thérèse ; c'était elle qui fermait l'espagnolette d'un élan si furieux. Et, lorsque, une heure plus tard, elle rouvrait la fenêtre, mais sans hâte, plein en fait,d'une lenteur digne, elle paraissait lasse, s'accoudait un instant ; puis, elle marchait au milieu de la pureté de sa chambre, occupée à des futilités de jeune fille. Julien restait la tête vide, avec le continuel grincement de l'espagnolette dans les oreilles.
            Un soir d'automne, par un temps gris et doux, l'espagnolette eut un grincement terrible. Julien tressaillit, et des larmes involontaires lui coulèrent des yeux, en face de l'hôtel lugubre que le crépuscule noyait d'ombre. Il avait plu le matin, les marronniers à moitié dépouillés exhalaient une odeur de mort.
            Cependant, Julien attendait que la fenêtre se rouvrît. Elle se rouvrit tout d'un coup, aussi rudement qu'elle s'était fermée. Thérèse parut. Elle était toute blanche, avec des yeux très grands, les cheveux tombés dans son cou. Elle se planta devant la fenêtre, elle mit les dix doigts sur sa bouche rouge et envoya un baiser à Julien.
        Eperdu, il appuya les poings contre sa poitrine, comme pour demander si ce baiser était pour lui.
        Alors, Thérèse crut qu'il reculait, elle se pencha davantage, elle remit les dix doigts sur sa bouche rouge, et lui envoya un second baiser. Puis, elle en envoya un troisième. C'étaient comme les trois baisers du jeune homme qu'elle rendait. Il restait béant. Le crépuscule était clair, il la voyait nettement dans le cadre d'ombre de la fenêtre.
            Lorsqu'elle pensa l'avoir conquis, elle jeta un coup d'oeil sur la petite place. Et, d'une voix étouffée :
            - Venez, dit-elle simplement.
Henri Gervex - Jeune femme debout, vue de dos, devant une fenêtre            Il vint. Il descendit, s'approcha de l'hôtel. Comme il levait la tête, la porte du perron s'entrebâilla, cette porte verrouillée depuis un-demi siècle peut-être, dont la mousse avait collé les vantaux. Mais il marchait dans la stupeur, il ne s'étonnait plus. Dès qu'il fut entré, la porte se referma, et il suivit une petite main glacée qui l'emmenait. Il monta un étage, longea un corridor, traversa une première pièce, se trouva enfin dans une chambre qu'il reconnut. C'était le paradis, la chambre aux rideaux de soie rose. Le jour s'y mourait avec une douceur lente. Il fut tenté de se mettre à genoux. Cependant, Thérèse se tenait devant lui toute droite, les mains serrées fortement, si résolue, qu'elle restait victorieuse du frisson dont elle était secouée.
            - Vous m'aimez ? demanda-t-elle d'une voix basse.
            - Oh ! oui, oh ! oui, balbutia-t-il.
            Mais elle eut un geste, pour lui défendre les paroles inutiles. Elle reprit, d'un air hautain qui semblait rendre ses paroles naturelles et chastes, dans sa bouche de jeune fille :
            - Si je me donnais, vous feriez tout, n'est-ce pas ?
            Il ne put répondre, il joignit les mains. Pour un baiser d'elle, il se vendrait.
            - Eh bien ! j'ai un service à vous demander.
            Comme il restait imbécile, elle eut une brusque violence, en sentant que ses forces étaient à bout, et qu'elle n'allait plus oser. Elle s'écria :
            - Voyons, il faut jurer d'abord... Moi je jure de tenir le marché... Jurez, jurez donc !
            - Oh ! je jure ! oh ! tout ce que vous voudrez ! dit-il, dans un élan d'abandon absolu
            L'odeur pure de la chambre le grisait. Les rideaux de l'alcôve étaient tirés, et la seule pensée du lit vierge, dans l'ombre adoucie de la soie rose, l'emplissait d'une extase religieuse. Alors, de ses mains devenues brutales, elle écarta les rideaux, montra l'alcôve, où le crépuscule laissait tomber une lueur louche. Le lit était en désordre, les draps pendaient, un oreiller tombé par terre paraissait crevé d'un coup de dent. Et, au milieu des dentelles froissées, gisait le corps d'un homme, les pieds nus, vautré en travers.
            Voilà, expliqua-t-elle d'une voix qui s'étranglait, cet homme était mon amant. Je l'ai poussé, il est tombé, je ne sais plus. Enfin, il est mort... Et il faut que vous l'emportiez. Vous comprenez bien ?... C'est tout, oui, c'est tout. Voilà !


                                                                  à suivre chapitre III....

            Toute petite Thérèse de......./          








      
















 























         











dimanche 21 août 2016

Pour une nuit d'amour 1 / 4 Emile Zola ( Nouvelle France )


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                                                 Pour une nuit d'amour

                                                                   I

                La petite ville de P..... est bâtie sur une colline. Au pied des anciens remparts, coule un ruisseau, encaissé et très profond, le Chanteclair, qu'on nomme sans doute ainsi pour le bruit cristallin de ses eaux limpides. Lorsqu'on arrive par la route de Versailles, on traverse le Chanteclair, à la porte sud de la ville, sur un pont de pierre d'une seule arche, dont les larges parapets, bas et arrondis, servent de bancs à tous les vieillards du faubourg. En face, monte la rue Beau-Soleil, au bout de laquelle se trouve une place silencieuse, la place des Quatre-Femmes, pavée de grosses pierres, envahie par une herbe drue, qui la verdit comme un pré. Les maisons dorment. Toutes les demi-heures, le pas traînard d'un passant fait aboyer un chien, derrière la porte d'une écurie ; et l'émotion de ce coin perdu est encore le passage régulier, deux fois par jour, des officiers qui se rendent à leur pension, une table d'hôte de la rue Beau-Soleil.
            C'étai dans la maison d'un jardinier, à gauche, que demeurait Julien Michon. Le jardinier lui avait loué une grande chambre, au premier étage ; et, comme cet homme habitait l'autre façade de la maison, sur la rue Catherine, où était son jardin, Julien vivait là tranquille, ayant son escalier et sa porte, s'enfermant déjà, à vingt-cinq ans, dans les manies d'un petit bourgeois retiré.
            Le jeune avait perdu son père et sa mère très jeune. Autrefois, les Michon étaient bourreliers aux Alluets, près de Mantes. A leur mort, un oncle avait envoyé l'enfant en pension. Puis, l'oncle lui-même était parti, et Julien, depuis cinq ans, remplissait à la poste de P.... un petit emploi d'expéditionnaire. Il touchait quinze cents francs, sans espoir d'en gagner jamais davantage. D'ailleurs, il faisait des économies, il n'imaginait point une condition plus large ni plus heureuse que la sienne.
            Grand, fort, osseux, Julien avait de grosses mains qui le gênaient. Il se sentait laid, la tête carrée et comme laissée à l'état d'ébauche sous le coup de pouce d'un sculpteur trop rude ; et cela le rendait timide, surtout quand il y avait des demoiselles. Une blanchisseuse lui ayant dit en riant qu'il n'était pas si vilain, il en avait gardé un grand trouble. Dehors, les bras ballants, le dos voûté, la tête basse, il faisait de longues enjambées, pour rentrer plus vite dans son ombre. Sa gaucherie lui donnait un effarouchement continu, un besoin maladif de médiocrité et d'obscurité. Il semblait s'être résigné à vieillir de la sorte, sans une camaraderie; sans une amourette, avec ses goûts de moine cloîtré.
            Et cette vie ne pesait point à ses larges épaules. Julien, au fond, était très heureux. Il avait une âme calme et transparente. Son existence quotidienne, avec les règles fixes qui la menaient, était faite de sérénité. Le matin, il se rendait à son bureau, recommençait paisiblement la besogne de la veille ; puis, il déjeunait d'un petit pain, et reprenait ses écritures ; puis, il dînait, il se couchait, il dormait. Le lendemain, le soleil ramenait la même journée, cela pendant des semaines, des mois. Ce lent défilé finissait par prendre une musique pleine de douceur, le berçait du rêve de ces boeufs qui tirent la charrue et qui ruminent le soir, dans de la paille fraîche. Il buvait tout le charme de la monotonie. Son plaisir était parfois, après son dîner, de descendre la rue Beau-Soleil et de s'asseoir sur le pont, pour attendre neuf heures. Il laissait pendre ses jambes au-dessus de l'eau, il regardait passer sous lui continuellement le Chanteclair, avec le bruit pur de ses flots d'argent. Des saules, le long des deux rives, penchaient leurs têtes pâles, enfonçaient leurs images. Au ciel, tombait la cendre fine du crépuscule. Et il restait, dans ce grand calme, charmé, songeant confusément que le Chanteclair devait être heureux comme lui, à rouler toujours sur les mêmes herbes, au milieu d'un si beau silence.
Afficher l'image d'origineQuand les étoiles brillaient, il rentrait se coucher, avec de la fraîcheur plein la poitrine.
            D'ailleurs, Julien se donnait d'autres plaisirs. Les jours de congé, il partait à pied, tout seul, heureux d'aller très loin et de revenir rompu de fatigue. Il s'était aussi fait un camarade d'un muet, un ouvrier graveur, au bras duquel il se promenait sur le Mail, pendant des après-midi entières, sans même échanger un signe.D'autres fois, au fond du Café des Voyageurs, il entamait avec le muet d'interminables parties de dames, pleines d'immobilité et de réflexion. Il avait eu un   chien écrasé par une voiture, et il lui gardait un si religieux souvenir, qu'il ne voulait plus de bête chez lui. A la poste, on le plaisantait sur une gamine de dix ans, une fille en haillons, qui vendait des boîtes d'allumettes, pieds nus, et qu'il régalait de gros sous, sans vouloir emporter sa marchandise ; mais il se fâchait, il se cachait pour glisser les sous à la petite. Jamais on ne le rencontrait en compagnie d'une jupe, le soir, aux remparts. Les ouvrières de P...., des gaillardes très dégourdies, avaient fini elles-mêmes, par le laisser tranquilles, en le voyant suffoqué devant elles, prendre leurs rires d'encouragement pour des moqueries. Dans la ville, les uns le disaient stupide, d'autres prétendaient qu'il fallait se défier de ces garçons-là, qui sont si doux et qui vivent solitaires.
            Le paradis de Julien l'endroit où il respirait à l'aise, c'était sa chambre. Là seulement il se croyait à l'abri du monde. Alors, il se redressait, il riait tout seul ; et, quand il s'apercevait dans la glace, il demeurait surpris de se voir très jeune. La chambre était vaste ; il y avait installé un grand canapé, une table ronde avec deux chaises et un fauteuil. Mais il lui restait encore de la place pour marcher ! le lit se perdait au fond d'une immense alcôve ; une petite commode de noyer, entre les deux fenêtres, semblait un jouet d'enfant. Il se promenait, s'allongeait, ne s'ennuyait point de lui-même. Jamais il n'écrivait en-dehors de son bureau, et la lecture le fatiguait. Comme la vieille dame qui tenait la pension où il mangeait s'obstinait à vouloir faire son éducation en lui prêtant des romans, il les rapportait, sans pouvoir répéter ce qu'il y avait dedans, tant ces histoires compliquées manquaient pour lui de sens commun. Il dessinait un peu, toujours la même tête, une femme de profil, l'air sévère, avec de larges bandeaux et une torsade de perles dans le chignon. Sa seule passion était la musique. Pendant des soirées entières, il jouait de la flûte, et c'était là, par-dessus tout, sa grande récréation.      provenceweb.fr 
Carros - Chateau            Julien avait appris la flûte tout seul. Longtemps, une vieille flûte de bois jaune, chez un marchand de bric-à-brac de la place du Marché, était restée une de ses plus âpres convoitises. Il avait l'argent, mais il n'osait entrer l'acheter, de peur d'être ridicule. Enfin un soir, il s'était enhardi jusqu'à emporter la flûte en courant, cachée sous son paletot, serrée contre sa poitrine. Puis, portes et fenêtres closes, très doucement pour qu'on ne l'entendît pas, il avait épelé pendant deux années une vieille méthode, trouvée chez un petit libraire. Depuis six mois seulement, il se risquait à jouer, les croisées ouvertes. Il ne savait que des airs anciens, lents et simples, des romances du siècle dernier, qui prenaient une tendresse infinie, lorsqu'il les bégayait avec la maladresse d'un élève plein d'émotion. Dans les soirées tièdes, quand le quartier dormait, et que ce chant léger sortait de la grande pièce éclairée d'une bougie, on aurait dit une voix d'amour, tremblante et basse, qui confiait à la solitude et à la nuit ce qu'elle n'aurait jamais dit au plein jour.
            Souvent même, comme il savait les airs de mémoire, Julien soufflait sa lumière, par économie. Du reste, il aimait l'obscurité. Alors, assis devant une fenêtre, en face du ciel, il jouait dans le noir. Des passants levaient la tête, cherchaient d'où venait cette musique si frêle et si jolie, pareille aux roulades lointaines d'un rossignol. La vieille flûte de bois jaune était un peu fêlée, ce qui lui donnait un son voilé, le filet de voix adorable d'une marquise d'autrefois, chantant encore très purement les menuets de sa jeunesse. Une à une, les notes s'envolaient avec leur petit bruit d'ailes. Il semblait que le chant venait de la nuit elle-même, tant il se mêlait aux souffles discrets de l'ombre.
            Julien avait grand-peur qu'on se plaignît dans le quartier. Mais on a le sommeil dur, en province. D'ailleurs, la place des Quatre-Femmes n'était habitée que par un notaire, Me Savournin, et un ancien gendarme retraité, le capitaine Pidoux, tous deux voisins commodes, couchés et endormis à neuf heures. Julien redoutait davantage les habitudes d'un noble logis, l'hôtel de Marsanne, qui dressait de l'autre côté de la place, juste devant ses fenêtres, une façade grise et triste, d'une sévérité de cloître. Un perron de cinq marches, envahi par les herbes, montait à une porte ronde, que des têtes de clous énormes défendaient. L'unique étage alignait dix croisées, dont les persiennes s'ouvraient et se fermaient aux mêmes heures, sans rien laisser voir des pièces, derrière les épais rideaux toujours tirés. A gauche, les grands marronniers du jardin mettaient un massif de verdure, qui élargissait la houle de ses feuilles jusqu'aux remparts. Et cet hôtel imposant, avec son parc, ses murailles graves, son air de royal ennui, faisait songer à Julien que, si les Marsanne n'aimaient pas la flûte, ils n'auraient certainement qu'un mot à dire, pour l'empêcher d'en jouer.     monde-de-lupa.fr
Afficher l'image d'origine            Le jeune éprouvait du reste un respect religieux, quand il s'accoudait à sa fenêtre, tant le développement du jardin et des constructions lui semblait vaste. Dans le pays, l'hôtel était célèbre, et l'on racontait que des étrangers venaient de loin le visiter. Des légendes couraient également sur la richesse des Marsanne. Longtemps, il avait guetté le vieux logis, pour pénétrer les mystères de cette fortune toute puissante. Mais, pendant les heures qu'il s'oubliait là, il ne voyait toujours que la façade grise et le massif noir des marronniers. Jamais une âme ne montait les marches descellées du perron, jamais la porte verdie de mousse ne s'ouvrait. Les Marsanne avait condamné cette porte, on entrait par une grille, rue Sainte-Anne ; en outre, au bout d'une ruelle, près des remparts, il y avait une petite porte donnant sur le jardin, que Julien ne pouvait apercevoir. Pour lui, l'hôtel restait mort, pareil à un de ces palais de contes de fées, peuplé d'habitants invisibles. Chaque matin et chaque soir, il distinguait seulement les bras du domestique qui poussait les persiennes. Puis, la maison reprenait son grand air mélancolique de tombe abandonnée dans le recueillement d'un cimetière. Les marronniers étaient si touffus, qu'ils cachaient sous leurs branches les allées du jardin. Et cette existence hermétiquement close, hautaine et muette, redoublait l'émotion du jeune homme. La richesse, c'était donc cette paix morne, où il retrouvait le frisson religieux qui tombe de la voûte des églises ?
            Que de fois, avant de se coucher, il avait soufflé sa bougie et était resté une heure à sa fenêtre,
pour surprendre ainsi les secrets de l'hôtel de Marsanne ! La nuit, l'hôtel barrait le ciel d'une tache sombre, les marronniers étalaient une mer d'encre. On devait soigneusement tirer les rideaux de l'intérieur, pas une lueur ne perçait entre les lames des persiennes. Même la maison n'avait point cette respiration des maisons habitées, où l'on sent les haleines des gens endormis. Elle s'anéantissait dans le noir. C'était alors que Julien s'enhardissait et prenait sa flûte. Il pouvait jouer impunément : l'hôtel vide lui renvoyait l'écho des petites notes perlées ; certaines phrases ralenties se perdaient dans les ténèbres du jardin, où l'on n'entendait seulement pas un battement d'ailes. La vieille flûte de bois jaune semblait jouer ses airs anciens devant le château de la Belle au Bois dormant.
Afficher l'image d'origine            Un dimanche, sur la place de l'église, un des employés de la poste montra brusquement à Julien un grand vieillard et une vieille dame, en les nommant. C'étaient le marquis et la marquise de Marsanne. Ils sortaient si rarement, qu'il ne les avait jamais vus. Une grosse émotion le saisit, tant il les trouva maigres et solennels, comptant leurs pas, salués jusqu'à terre et répondant d'un léger signe de tête. Alors son camarade lui apprit coup sur coup qu'ils avaient une fille encore au couvent, Mlle Thérèse de Marsanne, puis que le petit Colombel, le clerc de Me Savournin, était le frère de lait de cette dernière. En effet, comme les deux vieilles gens allaient prendre la rue Saint-Anne, le petit Colombel qui passait s'approcha, et le marquis lui tendit la main, honneur qu'il n'avait fait à personne. Julien souffrit de cette poignée de main ; car ce Colombel, un garçon de vingt ans, aux yeux vifs, à la bouche méchante, avait longtemps été son ennemi. Il le plaisantait de sa timidité, ameutait contre lui les blanchisseuses de la rue Beau-Soleil ; si bien qu'un jour, aux remparts, il y avait eu entre eux un duel à coups de poing, dont le clerc de notaire était sorti avec les deux yeux pochés. Et Julien, le soir, joua de la flûte plus bas encore, quand il connut tous ces détails.
            D'ailleurs, le trouble que lui causait l'hôtel de Marsanne ne dérangeait pas ses habitudes, d'une régularité d'horloge. Il allait à son travail, il déjeunait, dînait, faisait son tour de promenade au bord du Chanteclair. L'hôtel lui-même, avec sa grande paix, finissait par entrer dans la douceur de sa vie. Deux années se passèrent. Il était tellement habitué aux herbes du perron, à la façade grise, aux persiennes noires, que ces choses lui semblaient définitives, nécessaires au sommeil du quartier.
            Depuis cinq ans, Julien habitait la place des Quatre-Femmes, lorsque, un soir de juillet, un événement bouleversa son existence. La nuit était très chaude, tout allumée d'étoiles. Il jouait de la flûte sans lumière, mais d'une lèvre distraite, ralentissant le rythme et s'endormant sur certains sons, lorsque, tout d'un coup, en face de lui, une fenêtre de l'hôtel de Marsanne s'ouvrit et resta béante, vivement éclairée dans la façade sombre. Une jeune fille était venue s'accouder, et elle demeurait là, elle découpait sa mince silhouette, levait la tête comme pour prêter l'oreille. Julien, tremblant, avait cessé de jouer. Il ne pouvait distinguer le visage de la jeune fille, il ne voyait que le flot de ses cheveux, déjà dénoués sur son cou. Et une voix légère lui arriva au milieu du silence.
            - Tu n'as pas entendu ? Françoise. On aurait dit une musique.
            - Quelque rossignol, Mademoiselle, répondit une voix grosse, à l'intérieur. Fermez, prenez garde aux bêtes de nuit.
            Quand la façade fut redevenue noire, Julien ne put quitter son fauteuil, les yeux pleins de la trouée lumineuse qui s'était faite dans cette muraille, morte jusque-là. Et il gardait un tremblement, il se demandait s'il devait être heureux de cette apparition. Puis, une heure plus tard, il se remit à jouer tout bas. Il souriait à la pensée que la jeune fille croyait sans doute qu'il y avait un rossignol dans les marronniers.



                                                                                              à suivre chapître II / V

            Le lendemain, à la..........


Et Nietzsche a pleuré Irvin Yalom ( Roman EtatsUnis )


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                                         Et Nietzsche a pleuré

            Venise 1882, Lou A Salomé jeune femme sûre d'elle convainc le Dr Breuer, médecin à Vienne, de recevoir un ami très cher, à son retour, en consultation à son cabinet. Il souffre de très graves migraines, qui touchent également ses yeux. Il se nomme Nietzsche est philosophe, a écrit déjà deux livres très importants mais n'est pas connu du public. Son caractère, son humeur, sa réflexion le poussent à la solitude et à l'éloignement. Elle dit craindre qu'il mette fin à ses jours. Mais il faudra diplomatie et hasard pour que le Dr Breuer parvienne à recevoir la visite de ce malade fermé mais vulnérable. Le Dr Breuer pratique la médecine et est également psychanalyste. Tous deux proches de la quarantaine, après de nombreux refus des soins du médecin et, alors qu'il ignore l'intervention de Lou Salomé, Frederick Nietzsche, fils de pasteur, né en Prusse,  un temps enseignant, vit une vie marginale, voyage le bagage léger a écrit " Le gai savoir, Humain trop humain... " et est plongé dans l'écriture de Zarathoustra. Peu à peu se dessinent les personnalités, les fantasmes qui couvent. L'amitié peut-elle résister dans le trio que forment Rée Salomé et Nietzsche ?
Et l'amour, sentiment, empathie, rêve, le mot même, qu'en est-il ? Le philosophe souffre visiblement d'être un amoureux refusé. Breuer, père de cinq enfants, se trouve piégé par l'une de ses patientes sur qui il pratique le mesmérisme pour tenter de soigner une jeune femme belle, de la bonne société mais profondément marquée sans doute par un fait particulier dans son enfance. Il n'approche naturellement pas la patiente malgré ses appels, mais ne touche plus non plus sa femme qui s'en plaint. Il fantasme, rêves érotiques, son image ne le quitte pas Et tout cela est raconté à un jeune médecin, psychanalyste, Freud, très bien reçu par madame Breuer et la famille. Et l'on mange très bien à cette table. " Plus d'un qui ne peut briser ses propres chaînes a pu pourtant en libérer son ami - Zarathoustra " Ce sera l'effet produit par les entretiens entre Nietzsche trop malade pour repartir comme il le voulait et le Dr Breuer pris de sympathie pour ce philosophe ( il découvre et lit ses deux ouvrages ) muré dans sa volonté de ne rien laisser paraître. Ce fut sans doute l'une des premières psychothérapies par la parole. Et Nietzsche devenu le thérapeute et Breuer le patient se découvriront. Lors de sa première rencontre avec Lou Salomé le Dr Breuer :        " - Bien, mademoiselle, dit-il, venons-en maintenant à la maladie de votre ami. - Son désespoir, pas sa maladie... " Et Nietzsche a pleuré. Ecrit sous forme de roman, passionnant, par le psychiatre Irvin Yalom enseignant à Stanford depuis de nombreuses années l'auteur, très lu, de nombreux ouvrages. D'autres titres ici même un peu plus tard.

            

vendredi 29 juillet 2016

Gourmandises 3 Colette ( Oeuvres extrait Lettres aux petites fermières France )

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                                                                              Paris, le 15 mars 1942

            Mes petites filles.........
            ......... Pour les oeufs, aujourd'hui samedi, nouveau désastre : quinze oeufs cassés ! Pauline a sauvé deux ou trois jaunes........ L'envoi précédent n'avait que deux oeufs brisés. Mais c'est une telle lamentation, les larmes vous en sortiraient des yeux.
            ......... Racontez-moi le printemps..........


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                                                                                   Paris, le 18 mars 1942

            Chères petites fille miennes, les oeufs d'aujourd'hui sont intacts, quel bonheur ! Je vous envoie des boîtes à oeufs, comment les trouvez-vous ? ........................


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                                                                                      Paris, le 10 Juin 1942
fr.dreamstime.com                             Mardi
Résultat de recherche d'images pour "étoiles dessin couleur"            Mes chères petites filles,
            Ouf ! J'émerge d'un flot d'enquiquinations variées.......... Rien de bien grave, rassurez-vous ! La question de l'étoile se développe dans une atmosphère excellente. Seuls ceux qui ne voudraient ne pas la porter s'exposent à des désagréments..............


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                                                                                        Paris, le 25 février 1944
                                                                             Jeudi soir
            Mes chères petites filles, figurez-vous que j'étais bien inquiète de vous............
            ......... Et voilà le cheval encore une fois sauvé ! Et nous aussi grâce aux oeufs que vous envoyez ! Vous ne sauriez croire ce que sont, à Paris, des oeufs frais. Le moment est dur, le beurre est invisible ou entièrement noir. Cette " noirceur " se glisse pittoresquement partout. L'autre soir, nos voisins Tual nous ont invités....... à la fortune du pot. Dans l'escalier obscur, je heurte une femme...... elle porte deux valises lourdes, je me range. Elle s'arrête et me dit, toujours invisible : " J'ai des beaux harengs saurs à 25 francs, et du beurre à 750 francs " Je lui ai laissé le beurre et acheté quatre harengs, qui d'ailleurs étaient très bons..........


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                                                                                             Paris, le 7 mai 1944
                                                                                                      les7duquebec.com
Résultat de recherche d'images pour "hirondelles"            J'aurais bien voulu aller chercher du bois avec vous... Mes récoltes ne se font que sur papier.
            ............... Les hirondelles sont arrivées, mais à Paris je ne vois jamais que des martinets, et non ces charmantes hirondelles bleues à gorges blanches, qui ont un langage à elles. Les martinets sifflent terriblement quand il fait chaud..............


                                                                                             Paris, le 8 mai 1944c

            ............... La poule est arrivée ce matin, quelle chance ! La viande disparaît, on nous promet les " cuisines " roulantes............


                                                                                               Paris, le 24 mai 1044

            Mes chères petites filles....................
           En Franche-Comté, les hirondelles qui avaient leurs nids dans la grange attaquaient le chat, qui se défendait sur le dos, griffes en l'air..............


                                                                                                Paris, le 23 juin 1944
lignealigne.com                                                                                   Vendredi
Résultat de recherche d'images pour "beurre"            ............. On ne bouge pas. Le pire, c'est l'absence de ravitaillement, vous vous en doutez. Rien à faire, absence de tout. Je résiste au désir d'ouvrir une boîte, et encore une boîte et encore une. Il faut être sages et prudents. Et pendant ce temps-là on vend les oeufs 25 francs la douzaine à Chartres, le beurre 30 et 50 F en Normandie bombardée, on a vendu à Nogent-le-Rotrou, oeufs 3f la douzaine !!! A Paris c'est autre chose et premièrement il n'y en a pas............ La privation de pommes de terre est cruelle..........


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                                                                                                 Paris, le 28 septembre 1944

            ............. On nous annonce la fin du marché noir. Résultat : j'ai acheté un kilo de beurre 750 F, et aujourd'hui, par un hasard miraculeux que m'envient mes amies, douze oeufs à 18 francsl'oeuf. Et je ne me plains pas, oh ! non ! Le ravitaillement nous donne du corned beaf au gramme et du saucisson au compte-gouttes............


                                                                                                Paris, le 23 octobre 1944
                                                                    Dimanche après-midi
            Mes chères, j'ai été malade.............
            Savez-vous ce qui m'a été le plus doux pendant une si mauvaise période ? Le lard !!! Un merveilleux velours de lard ! Le canard, figurez-vous, nous l'avons à nous deux exécutés en un repas............. L'absence de produits lactés est très nuisible à la population parisienne............


                                                                                                Paris, le 12 février 1945
bullencuisine.wordpress.com
Résultat de recherche d'images pour "pot au feu"            Nous avons trouvé très bons boudins et crépinettes !................
            ................ le contenu des trois colis nous console de tout. Recuit, le pâté déborde de graisse et de gelée. Le cochon ( côte ) re-salé par prudence, n'attendra pas bien longtemps. Les échalotes ressemblent à des bonbons roses..................


                                                                                                                                                                                                  Paris, le 29 octobre 1948

            .....................  Cette crème incomparable, mes enfants, vient-elle du lait de Finette ? Si oui, il faut la gâter encore plus, et lui élever une statue en beurre ! Et les oeufs donc ! Ils me remplacent la viande que je n'aime guère en ce moment......... Le boeuf m'ennuie et le mouton sent le mouton..........



                              Fin des extraits de " Lettres aux petites fermières " - Colette





















   

       

         





         


                                                                                         
       
         




                               

mercredi 27 juillet 2016

Rimbaud l'Indésirable Xavier Coste ( BD France )


Rimbaud l'indésirable

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                                                          Rimbaud l'Indésirable

            Vie et mort de l'homme mystérieux et pourtant l'un de nos plus célèbres poètes, Arthur Rimbaud. Qui était-il ? Un jeune homme de 16 ans vivant à Charleville. Abandonnée par leur père la mère sévère et travailleuse élève ses cinq enfants. Poussé par son professeur, il a lu les textes de son élève, Rimbaud rêve de Paris, et d'une vie entourée de poètes qui le présenteraient à des éditeurs. Il fugue, ramené, il récidive attendu par un Verlaine à qui il a écrit. Ainsi commence la carrière houleuse du jeune poète. Celle que chacun connaît. Voyage à Londres avec Verlaine marié. Liaison tumultueuse. Xavier Coste auteur du texte et des dessins, a choisi des couleurs fortes et sourdes, des aplats. Un peu romancé dans la seconde partie, celui qu'un rapport de police du 1er août 1873 décrit ainsi " Arthur Rimbaud........a la mécanique des vers comme personne, seulement ses oeuvres sont absolument inintelligibles et repoussantes ". Les dix dernières années de sa vie Arthur Rimbaud vécut en Ethiopie, marchand de divers produits, d'armes aussi. Les premières images de la bande dessinée nous le présentent à Marseille sur le lit d'hôpital où la décision doit être prise de l'amputation, devant une gangrène avancée. BD importante puisque plus de 110 pages. Il est mort à 37 ans. C'est à l'insistance de Verlaine que nous devons aujourd'hui de lire l'oeuvre du poète Arthur Rimbaud.


           

lundi 25 juillet 2016

Anecdotes et *Réflexions d'hier pour aujourd'hui 63 Samuel Pepys ( Journal Angleterre )

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simonedecyrille44.blogspot.com


                                                                                                   16 janvier 1662

,             En allant à Cheapside, dans l'enclos de Saint-Paul, je vis passer l'enterrement de milord Cornwaillis, intendant de la maison du roi, homme hardi au langage grossier. Me rendais chez le peintre à qui je payai 6 livres pour les deux tableaux et 36 shillings pour les deux cadres. Puis retour à la maison. Mr Hollier et mon frère dînèrent avec moi et reçus de bons conseils pour ma santé. L'après-midi au bureau et le soir chez sir William Batten, regardai le capitaine Cocke et Stokes jouer aux cartes, et soupai avec eux. Stockes nous raconta que la Gambie avait beau être un pays très insalubre, les gens vivent très longtemps, comme le roi actuel qui a 150 ans qu'ils comptent en pluies, car chaque année il pleut continuellement quatre mois de suite. Il nous a aussi raconté que là-bas les rois ont plus de 100 épouses pour coucher avec elles, et c'est aussi ce que nous dit le commandant Holmes. Puis rentrai et au lit.


                                                                                                      17 janvier 1662

            A Westminster avec Mr Moore. Déambulai plusieurs fois de long en large pour connaître les nouvelles. Rencontrai Mr Lany, le Français, me dit qu'il avait reçu une lettre de France la veille au soir, où on lui apprenait que Mr Hinchingbrooke est mort il y a huit jours hier, ce qui me surprend à l'extrême, on le savait pourtant malade depuis deux mois, comme je l'ai rarement été de ma vie. Mais, craignant que milady ne l'apprenne trop brusquement, nous allâmes tous deux chez milord Crew. Je dînai avec lui et lui dis ensuite, et toute la famille en est fort troublée. Nous délibérâmes sur ce qu'il convenait de faire pour l'annoncer à miladu, et pensâmes finalement que je devrais d'abord aller chez  Mr George Montagu pour savoir s'il avait reçu quelque nouvelle à ce propos. Ce que je fis, et trouve là toute la maisonnée accablée par la mort de son fils Mr George Montagu qui était allé avec nos jeunes gentilshommes en France, et apprends qu'on ne leur a rien dit de notre jeune lord. Aussi que l'erreur vient de là, je retournai trouver Mr Crew. Passant par la piazza je vis une maison en feu et toutes les rues pleines de gens pour l'éteindre. Je lui dis et fort heureux ils concluent, et c'est ce que j'espère, que milord est en bonne santé . Allai chez milady Sandwich et lui racontai tout cela, et après une longue conversation repartis avec ma femme, qui y avait passé toute la journée, Et à la maison, à ma maison, puis au lit.


                                                                                                          18 janvier
                                                                                                       mandragore2.net
Afficher l'image d'origine            Ce matin me rendis chez le Dr Williams, me dit que Thomas Trice lui avait demandé de lui obtenir un rendez-vous avec moi afin de régler notre différend nous-mêmes, ce dont je suis heureux. Ai fixé lundi prochain. De là à la Garde-Robe où apprenant qu'on se mettrait à table tard, j'allai passer un moment dans l'enclos de Saint-Paul au milieu de certains livres, puis retournai là-bas et dînai avec milady et sir Wright et sa femme, tous heureux de l'erreur d'hier. Ensuite au bureau, puis à la maison. Ecrivis une lettre que j'envoyai par la poste à mon père. Plus tard arrive Mr Moore, me raconte que Mr Montagu était parti tout d'un coup avec la flotte, en telle hâte qu'il avait laissé quelques domestiques et bien des objets d'importance, entre autres la commission d'ambassadeur de milord. Nous prîmes alors une voiture pour aller au logis de milord avec l'intention de parler à Mr Ralph Montagu, son frère, et restâmes là à causer avec Sarah et le vieil homme ( le portier ). Puis, apprenant qu'il était à Covent Garden nous y allâmes, et chez milady Harvey, sa soeur. Lui parlai et me dit que cette commission n'a pas été oubliée. Je revins donc avec la même voiture, déposant Mr Moore au passage, chez moi. Après, à minuit, avoir écrit à milord une lettre que j'envoyai par la poste, j'alla




                                                                                                          19 janvier
                                                                                          Jour du Seigneur
bealondoner.com
Résultat de recherche d'images pour "peintres anglais 18ème siècle"            A l'église ce matin où Mr Mills a prêché sur le Christ offert pour nos npéchés. Et là, examinant avec quelle équité la justice de Dieu pouvait faire porter nos péchés à son fils, il a fait un sermon, il a fait un sermon, concluant entre autres que la souveraineté universelle de Dieu sur toutes les créatures, au pouvoir qu'il a de commander ce qu'il veut à son fils, par la même règle selon laquelle il aurait pu faire que nous soyons tous, nous et le monde entier en enfer depuis le commencement, arguant du pouvoir que le potier a sur son argile. Tel, j'aurais préféré qu'il se tût. Et reprenant que Dieu le Père est désormais si satisfait  par la caution que nous avons pour notre dette que nous pourrons dire au dernier jour, tous ceux qui participent à la mort du Christ, " Seigneur nous ne te devons rien, notre dette est payée, nous ne te sommes redevables de rien, car la dette que nous avons envers toi t'est payée entièrement. " Ce qui, me semble-t-il était de bien présomptueux propos.
            A la maison pour dîner, puis, ma femme et moi, à pieds voir Mrs Turner qui est encore malade, de là à l'Old Bailey, par arrangement, pour parler avec Mrs Norbury qui loge, comme il se trouve, à côté de chez mon oncle Fenner. Mais, grâce à Dieu, puisque nous n'avions nul désir d'être vus par sa famille, car il a récemment épousé une sage-femme vieille et laide avec une fille et trois enfants, on nous fit entrer par une porte de derrière. Et là elle me proposa d'acheter quelques terres qu'elle a à Brampton, si j'en avais envie. Je lui répondis que je n'avais pas en ce moment l'argent nécessaire. Elle en profita pour me raconter que sa soeur Wight s'intéresse excessivement aux Wight. Ce n'est qu'à cause de leur nom que mon oncle a de grandes bontés pour eux, et je crains qu'il ne nous fasse, à nous ses parents plus proches, beaucoup de tort s'il venait à mourir sans enfants, ce qui me peine. De là chez mon oncle Wight où nous soupâmes fort gaiement, bien que mon oncle ait récemment perdu 2 ou 300 livres en mer, et je suis inquiet d'apprendre que les Turcs prennent de plus en plus de nos navires en Méditerranée, et que nos négociants d'ici, à Londres, font tous les jours faillite, et que cela va probablement continuer.
            Je rentrai et m'arrêtai chez sir William Batten où se trouvait le major Holmes. Pendant que nous conversions et buvions, je commençai à porter la santé sir John Mennes. Il jura qu'il ne s'y associerait pas, l'appela fripon et lâche, à cause de l'affaire Holmes et le navire suédois, il y a peu. Ce à quoi, nous tous, et moi en particulier, nous le priâmes de reno quncer, puisqu'il est de notre fraternité. Ce qu'il prit fort mal, et je fus chagriné de l'entendre persister à le traiter de ces noms-là, bien que je les croie justifiés. Mais enfin, il est à blâmer et cela m'afflige. Je rentrai, fîmes la prière, et au lit.


                                                                                                             20 janvier
lemounard.com
Afficher l'image d'origine            Ce matin avec sir William Batten et Penn je commençai l'examen des comptes du trésorier, les premiers qu'il ait jamais soumis à ce bureau. C'est très long, nous restâmes jusqu'à midi, puis nous allâmes dîner, et il nous avait fourni un beau dîner, nous l'avons mangé, et fûmes très gais. Il y avait à la table le trésorier et nous trois, Mr Waith, Fenn, Smith, Turner et Mr Morris le tonnelier qui a aujourd'hui partagé les deux grands tonneaux que nous avions commandés, de xérès venus de Cadix
et ma part a été mise dans un fût et le vaisseau complété avec deux setiers de vin de Malaga, mais ce que cela va nous coûter, je n'en sais rien, mais c'est la première grande quantité de vin que j'aie jamais achetée. Après dîner au bureau tout l'après-midi, jusque tard le soir. Puis à la maison. Ma tante et mon oncle Wight et Mrs Anne Wight sont venus jouer aux cartes, au gleek, qu'ils nous ont appris à moi et à ma femme la semaine dernière. Dîner et puis cartes, et bonsoir. Je me mis à mes exercices de musique, et, à minuit, au lit.
            Ce jour les ouvriers ont commencé à me faire une porte de cave dans l'arrière-cour, ce qui me plaira fort.


                                                                                                              21 janvier

            Fini les comptes du trésorier ce matin, et puis un nouveau dîner aussi gai que celui d'hier, et à la maison et au bureau jusqu'au soir, retour à la maison pour écrire des lettres et m'exercer à ma composition musicale, et puis au lit. Nous ne savons pas encore où est la flotte qui se dirige vers le Portugal, mais comme le vent a de nouveau tourné on craint que les navires soient de nouveau arrêtés et qu'ils ne soient obligés de revenir vers les côtes d'Irlande.


                                                                                                                22 janvier

            Après mes exercices de musique à Whitehall et de là à Westminster, rendant en chemin visite à Mr George Montagu pour lui faire mes condoléances sur la perte de son fils. C'était un beau jeune homme, et c'est certainement un grand chagrin pour nos deux jeunes gens, ses compagnons en France.
Après cet entretien il me raconta, entre autres nouvelles, les grandes craintes qui règnent à l'heure actuelle au Parlement, le lord-chancelier profitant, paraît-il, du récent complot pour exciter la peur dans le peuple, projetait de lever immédiatement une armée, en plus de la milice permanente, et voulait faire le duc d'York général. Mais la Chambre a très ouvertement déclaré qu'elle était dorénavant trop avisée pour se laisser encore prendre à accepter une nouvelle armée, et a déclaré qu'elle s'était désormais aperçue que celui qui commande une armée ne doit à personne de devenir roi. Il y a des factions, factions privées à la Cour, autour de Madame Palmer ( maîtresse du roi ), mais à propos de quoi je n'en sais rien. Mais cela a quelque chose à voir avec la faveur que le roi lui témoigne, maintenant que la reine va revenir.                                                                        
Résultat de recherche d'images pour "peintres anglais 18ème siècle"            Il me raconta aussi quelles gorges chaudes le roi et la cour font de ce que Mr Edward Montagu a oublié ses affaire. Mais le chancelier, le prenant un peu plus au sérieux, a déclaré ouvertement à milord le chambellan du roi que si ç'avait été un élégant comme Mr Mandeville, son fils, cela aurait pu passer pour une fredaine. Mais pour lui, qui veut être pris pour un grave petit-maître, c'était fort étrange.                                                                              
            Puis à la Grand-Salle de Westminster où j'appris que la Chambre avait ordonné que tout ce qui restait des assassins du roi serait exécuté à l'exception de Fleetwood et de Downes.
            Puis à la Garde-Robe où je dînai, retrouvant ma femme qui, après dîner, alla avec milady voir la femme de George Montagu. J'allai, moi, à mon rendez-vous avec Thomas Trice et le Dr Williams, afin d'essayer de négocier notre différend. Mais je m'aperçois qu'il n'y a pas d'espoir d'y mettre fin, sinon par un procès. De sorte qu'après une ou deux pintes nous nous sommes quittés.
            Retour à la Garde-Robe pour ramener ma femme à la maison. Après avoir écrit et fait certaines choses, au lit.


                                                                                                  23 janvier 1662

            Toute la matinée avec Mr Birchensha et ensuite avec Mr Moore, à parler affaires. A midi en voiture, sur invitation, chez mon oncle Fenner où je trouve sa nouvelle épouse, une vieille femme minable, laide et sans éducation, en chapeau. Elle est sage-femme. Il y avait grand nombre de leurs parents à tous les deux, des gens vulgaires et mesquins. Après avoir choisi nos gants, nous sommes tous allés à la taverne des Trois Grues, et, c'est pourtant la plus belle pièce de cet établissement, entassés. Je crois que nous étions presque une quarantaine dans un coin si minuscule que je fus dégoûté de ma compagnie et de ma nourriture, et c'était aussi un bien méchant dîner.
            Après dîner je pris à part les deux Joyce et je saisis l'occasion de les remercier d'avoir eu la bonté de penser à une femme pour Tom, mais que, considérant qu'il se peut que je sois en enfant et de ce qu'alors je pourrai lui laisser, je crois vraiment qu'il peut espérer pour cette raison une femme plus riche, et je leur demandai donc de ne plus y songer. Le plaisant de la chose était qu'Antony se trompant crut que je ne faisais que l'encourager  d'après ce que je disais du bien que je voulais à Tom)
à poursuivre ce mariage, jusqu'à ce que Will Joyce lui dit qu'il faisait erreur. Comment il le prend, je n'en sais rien, mais je m'efforçai de le lui dire avec tout le respect que je pouvais.
            Cela fait, j'allai avec ma femme chez ma tante Wight où je la laissai et me rendis au bureau. Et quand j'en eus fini je la retrouvai et nous restâmes, jouâmes aux cartes après souper, jusqu'à minuit, et retour par le clair de lune, et au lit.


                                                                                                  24 Janvier
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Résultat de recherche d'images pour "peintres anglais 18ème siècle"            Ce matin est arrivé mon cousin Thomas Pepys, l'exécuteur testamentaire, pour me parler. Etnous causâmes longuement, tant de l'argent que milord Sandwich lui a emprunté et dont je suis caution, que de mon oncle Thomas qui, me dit-il, est fort exigeant.
            Allai de là chez mon peintre et vis nos portraits encadrés. Je suis fort satisfait. Puis à la Garde-Robe, où nous avons été très gais, milady et moi. Après dîner fis apporter les portraits, et le mien plaît bien, mais elle n'est pas du tout contente de celui de ma femme, et je suis de son avis. Il ne lui rend pas du tout justice, mais je vais le faire modifier. Rentrai à la maison, m'arrêtant dans la venelle de la Tête du Pape où je me suis acheté des ciseaux et une équerre de laiton. A la maison, dans mon cabinet et au lit.
   

                                                                                                          25 janvier

            A la maison et au bureau toute la matinée. Pendant que j'étais dans le jardin donnant des instructions au jardinier sur ce qu'il doit faire cette année, car je veux que ce soit un beau jardin, sir William Penn vint me voir pour me dire qu'il veut faire passer son fils d'Oxford à Cambridge dans un collège privé. Je lui suggérai Magdalène, mais ne pus lui suggérer de précepteur pour l'heure. Mais j'y penserai et j'écrirai pour me renseigner.
            Allâmes dîner à Trinity House où se trouvait sir Richard Browne, un des secrétaires du Conseil Privé, et fort inquiet du projet de sir Nicholas Crisp de faire une immense écluse dans les terres royales, près de Deptford, pour faire un bassin capable de contenir 200 bateaux. Mais la terre, semble-t-il a été de longtemps donnée par le roi à sir Richard. Et après que les gens de Trinity eurent terminé leurs affaires, le maître, sir William Rider, vint nous saluer. Puis, dîner, bonne chère et bonne conversation. Mais je mangeai un peu trop de boeuf, ce qui me rendit malade. Après le dîner au bureau, et là, au jardin, j'allai dans l'obscurité vomir, ce qui me soulagea beaucoup l'estomac. Puis souper avec ma femme chez sir William Penn, la fille venue à la maison pour la journée ne se sentait pas très bien. Pendant le souper arrive Mr Moore avec une lettre de milord Sandwich, disant qu'il est inactif à Tanger, attendant la flotte, qui, je l'espère, est maintenant assez près d'arriver.
            Rentré pour écrire des lettres à envoyer par la poste de ce soir, et retourné chez sir William Penn jouer aux cartes. Fûmes très gais, et rentrai me coucher.

 
                                                                                                 26 janvier
                                                                                   Jour de Seigneur  rmasmoulin.blog.lemonde.fr
Afficher l'image d'origine            A l'église le matin puis dîner à la maison seul avec ma femme, l'après-midi à l'église et retour à la maison, puis lu, parlé avec ma femme et souper, et au lit.
            Il a fait une belle journée claire et froide. Dieu nous en donne d'autres, car le temps doux de cet hiver nous fait craindre un été de maladies.
            Mais grâces à Dieu, depuis que j'ai cessé de prendre du vin je me trouve beaucoup mieux et je m'applique mieux à ma besogne et je dépense moins d'argent et je perds moins de temps en   compagnie frivole.                                                                          


                                                                                                27 janvier

            Ce matin, les deux sirs William et moi sommes allés par le canot major à l'arsenal de Deptford pour donner des ordres, puis à Woolwich où nous dînâmes chez Mr Falconer, de provisions que nous avions apportées, et un certain Mr Dickons, le père de ma " Morena " à qui nous avons récemment acheté du chanvre. Cela fait nous sommes rentrés.
            Ce matin, allant à la colline de la Tour pour prendre le canot, nous croisâmes trois claies qui attendaient pour transporter milord Monson et sir Henry Mildmay et un autre à la potence et les en ramener, la corde au cou. Cela doit être répété chaque année, ceci était le jour où ils ont condamné le roi.


                                                                                                   28 janvier

            Ce matin, après ma leçon de musique avec Mr Birchensha, allai avec ma femme chez le peintre, où nous restâmes très tard pour faire corriger son portrait, qui arrive enfin à fort lui ressembler et, je crois, est bien exécuté. Mais ce peintre, fort honnête au demeurant, est à mon avis fort sot en l'art des ombres, car nous en parlâmes longuement, tant qu'enfin j'étais presque en colère de l'entendre parler de façon si niaise. Rentrés dîner et puis au bureau et à la maison tout le soir.


                                                                                                      29 janvier
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Résultat de recherche d'images pour "peintres anglais 18ème siècle"            A Westminster, et à la porte du Parlement, je parlai affaires avec Mr Coventry. Puis à la Garde-Robe pour dîner et de là en différents endroits. Et à la maison où je trouve Mrs Penn et Mrs Rooth et Smith qui jouaient aux cartes avec ma femme. Je leur ai donné une bourriche d'huîtres et nous avons soupé ensemble d'un poulet. Quand il fut prêt à servir, cette sotte ( Margaret Penn )  au lieu d'avoir la politesse de rester souper avec moi, s'en alla. Ce qui me chagrina cruellement. Je la raccompagnai chez elle, et puis souper, puis exercices de musique et au lit.


                                                                                                    30 janvier 1662
                                                  Jour de Jeûne pour l'assassinat du feu roi

            Allai à l'église et Mr Milles fit un bon sermon sur les paroles du roi David : " Qui ne peut mettre la main sur l'oint du Seigneur et être innocent ? ". Rentrai dîner et passai l'après-midi dans mon cabinet, mis en ordres des affaires et des papiers, ce qui me fit grand plaisir, et je crois que je vais commencer à prendre plaisir à être chez moi et à y travailler. Je prie Dieu qu'il en soit ainsi, car j'en éprouve un grand besoin. Le soir souper et au lit.


                                                                                                   31 janvier

            Toute la matinée, après les exercices de musique, dans ma cave. Ai ordonné quelques changements, fort satisfait de ma nouvelle porte dans l'arrière-cou. Puis dîner, et tout l'après-midi à la maison à réfléchir à des questions d'affaires. Le soir j'avais réglé beaucoup de choses, ce dont je suis fort content et je pris la résolution de rester à la maison pour vaquer à mes affaires et aux affaires du bureau. Je prie Dieu de faire que je la tienne.
            Le soir, coucher.


                                                                         à suivre........./

                                                                                              1er février

            Ce matin à ......../

         

               
                                                             
       






                                                                              

dimanche 24 juillet 2016

Mariage en douce Ariane Chemin ( Roman France )



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                                            Mariage en douce

                                                Gary & Seberg

            Elle fut la découverte des années 60. Ses rôles dans Bonjour Tristesse, Pierrot le fou avec JP Belmondo..... etc... l'ont rendue inoubliable, née dans l'Iowa elle épousa l'homme aux mille vies, l'écrivain, le consul, l'homme des guerres et des renseignements, Romain Gary, médaillé, et double prix Goncourt, puisqu'il usa d'un subterfuge qu'il décrit dans son dernier livre, il publia sous le nom de Ajar quelques livres, La vie devant soi, Gros Câlin..... tous avec succès. Homme sombre, né à Vilnius. Ils divorcèrent, se marièrent, très discrètement, en Corse, dans un village peu connu, proche d'Ajaccio, où atterriront les futurs mariés, avant de terminer le chemin en voiture jusqu'à la mairie tenue depuis 1946 par Natale Sarrola, "..... un homme de service, expression corse pour parler d'un homme de clan...." A Sarrola - Carcopino tentèrent de se marier un autre couple célèbre Carlo Ponti et Sophia Loren, mais Ponti pas encore divorcé faute d'accord des autorités italiennes, l'union en Corse n'eut pas lieu. Dans ces années-là, années De Gaulle, et surtout en Amérique, il fallait être marié puis avoir un enfant. Le couple Gary Seberg réussit à cacher la naissance de leur petit garçon, Diego, élevé à Barcelone par une nourrice Eugenia, jusqu'après l'union légalisée, loin des paparazzi. L'auteur, Ariane Chemin, reporter, a enquêté, suivi la piste corse et nous raconte les voyages, les divorces de ce couple. Des nerfs fragiles, portée à défendre les Black Panthers, soupçonnée par le FBI, fin trouble et tragique de Jean Seberg. Plus tard Gary suivra le même chemin mais sans rapport avec la mort de Jean, affirme-t-il dans une lettre. Elle est l'interprète de films entrés dans les cinémathèques, lui l'auteur d'une oeuvre importante, outre une personnalité aux multiples visages/
            
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jeudi 21 juillet 2016

Etranger dans le mariage Emir Kusturica ( Roman Serbie-France )



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                                      Etranger dans le mariage

            Dans Sarajevo, en ex-Yougoslavie, sous le régime de Tito encore au pouvoir, un petit garçon mal supporté par un père qui pour son anniversaire lui offre le plaisir tout particulier de monter dans un tank. Et c'est tout, à la grande fierté du père et la très grande déception de l'enfant. Mais s'il n'aime pas lire, thème de l'une des six nouvelles, il a de l'imagination ce qui lui permet de plonger dans la baignoire où vivote une carpe avant le jour précis de sa mise au four, soit quelques semaines, avec un tuba et de tenir conversation avec l'animal muet. Confidences, mal-être dissipé, dans cette autre nouvelle, le déménagement familial le sépare de sa petite amie. Séparés de longues années, la fin est sympathique, un peu. Dans les premières pages d'une autre nouvelle, un brave garçon tombe amoureux d'une fermière promise à un militaire éloigné, lui-même se rend chaque jour à la ferme remplir des bidons de lait destiné à la caserne, et croisant des animaux rampants et venimeux, il ne les tue pas, mais verse quelques poignées de lait sur la route, repas apprécié. Des détails dans ces nouvelles qui nous content la vie quotidienne de personnages dans un pays qui n'existe plus sous ce nom. Mais en Bosnie Herzégovie ou ailleurs les jeunes garçons détaillent les filles et assurent qu'une femme est sexy lorsqu'elle monte un escalier, mais perd tout attrait en descendant. Personnages turbulents, tziganes et fonctionnaires mènent des vies quotidiennes sous la plume imagée de réalisateur de " Papa est en voyage d'affaires, Underground, etc... "  

samedi 16 juillet 2016

Les Deux Van Gogh Hozumi ( manga Japon )


Les Deux Van Gogh

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                                        Les deux Van Gogh

            A Paris dans les années 1880/90 l'Académie avait la haute main sur le choix et la promotion des artistes. Théo Van Gogh galeriste reconnu dans la capitale estimait la nouvelle génération qui pointait son nez. Toulouse Lautrec aimait peindre les filles, les danseuses, le décor qui les entoure dans leur réalité. Ainsi de Vincent le frère tant aimé et admiré de Théo. Dès l'enfance ce dernier reconnut le talent de son frère toujours un crayon à la main. Et le manga nous raconte l'enfance des deux frères, et le présent romancés. Les démêlés de Théo avec les représentants de l'Académie, les rebelles pour qui il organisait des expositions improvisées. Un boulanger peint un pain, un amateur plus classique un portrait ils ne savaient où exposer. Ils seront donc proposés dans la rue. Lequel sera acheté ?  Chacun connaît la réaction du public devant les premiers impressionnistes. Les jeunes peintres ne voulaient plus d'une peinture glacée, ils avaient une chaleur différente. Mais la vie de Vincent, malgré ses voyages, ses mélancolies parait insipide, alors Théo, frère génial, poussa très loin l'idée de transformer la biographie de son jeune peintre, malgré des incidents dramatiques, Ramenés à un volume épais les deux mangas, l'histoire parisienne de ces deux frères enterrés côte à côte sous un lierre qui les unit, à Auvers, est très dessinée, voir Théo en couverture, assez peu écrit. Hozumi est l'auteur du texte et des dessins. Le manga n'est pas qu'un josei.