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mercredi 3 novembre 2021

Ce n'était que la peste Ludmila Oulitskaïa ( Roman Russie )

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                                                 Ce n'était que la peste     

            La toux, l'épuisement, puis la mousse rouge et la fin du tourment. Vite diagnostiquée la peste se propage très rapidement, mais encore faut-il connaître le premier propagateur de la maladie. L'histoire écrite en 2020 par Ludmila Oulitskaïa valut quelques ennuis à l'auteur car, dit-on, arrivée au professeur Rapoport puis contée par sa fille. Histoire interne ( voir un article du Monde date ? ) Mais le livre nous rappelle nos virus du jour alors que sous le régime stalinien les ordres suivent la hiérarchie, la recherche et l'arrestation des malheureux contaminés ou présumés ( comme les accusés ) sont recherchés et arrêtés en pleine nuit. Et d'un chapitre salle des urgences, bien organisée, à la relation arrestation l'histoire avance rapidement, Ecrite comme un scénario, qui l'est en fait, les personnages presque tous sympathiques, voir la vieille dame encombrée d'un balluchon qui guigne les belles bottes fourrées, d'un voyageur endormi dans un train qui se rend à Moscou, ou celui d'un dirigeant qui croit le KGB avoir eu vent de quelques malversations. Celui également de deux dirigeants : " Le commissaire du Peuple à la Santé est reçu par un Personage haut placé qui parle avec l'accent géorgien Je ne comprends pas en quoi doit consister notre participation Yakov Stepanovitc..... " Dans la neige moscovite deux soldats discutent acceptant l'avis officiel de l'influenza " - Il est clair que c'est particulièrement dangereux... - Tu rigoles ? Au XXè siècle à Moscou ? En hiver ? - Il y a des épidémies qui se répandent justement en hiver....... " Livre court, d'une lecture facile et d'une approche très actuelle, universelle, d'une étendue indéfinie. Noter quand même que l'infectiologue inquiet parle d'un accident au laboratoire. Bonne lecture, 
MB






  

lundi 27 novembre 2017

Journal secret 5 extraits fin Pouchkine ( Russie )

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                                                           Journal secret
                                                                             ( extraits )

            Pourquoi dit-on qu'un homme " prend " une femme et qu'une femme " se donne ", alors que c'est tout le contraire ?.........

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            La vie familiale de mes ancêtres a été assombrie par des jalousies terribles et des cruautés sans nom. De génération en génération cette cruauté a régressé. Mon arrière-grand-père a massacré sa femme, et Grand-père s'est contenté de faire emprisonner la sienne. Mon père ne s'est intéressé qu'à lui-même et ne s'est guère soucié de ma mère. Je fais le dernier pas. Malgré les ragots j'ai une profonde confiance en ma femme. Je boucle le cercle en complet contraste avec mon arrière-grand-père, et c'est moi, non ma femme, qui mourrai d'une mort violente.

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            A cause de sa stupidité je ne parlais que de choses simples avec Kern. Je n'étais intéressé que par son corps magnifique. Ce n'est pas ma faute si la majorité des femmes ne peuvent m'attirer qu'avec leur corps. Cependant, de temps à autre, je croise une femme pleine d'émotions et douée d'un esprit raffiné. C'est un plaisir de converser avec une telle femme, surtout après une partie déchaînée. Les rares femmes de cette epèce ne se plaignent jamais du fait que tout ce qui m'intéresse chez elles est leur corps, car elles voient bien que ce n'est pas vrai. Elles sont suffisamment intelligentes pour comprendre qu'une généralisation pareille prête à rire.
            Les femmes idiotes se refusent à admettre que l'intimité est une créature indépendante d'elles et que les hommes sont obligés d'avoir affaire à elles uniquement parce qu'elles en sont détentrices. Elles veulent plus que tout s'imposer aux hommes dans leur globalité.
            Plus puissant est le désir d'un homme, moins il est capable de faire la différence entre le mot femme et le mot intimité. La seule chose qui puisse lui ouvrir les yeux sur l'existence, chez une femme, de quelque chose en-dehors de son minon est le désir satisfait. C'est pourquoi la femme intelligente se donne à un homme avant toute chose, afin de libérer son imagination de sorte que, rassasié de plaisir il soit enfin en mesure d'apprécier son esprit, son talent, sa gentillesse et toute sa finesse...........

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            Le mariage a fait entrer dans ma vie des soucis d'argent sans fin, et ils croissent chaque année, avec chaque nouvel enfant. Cela induit que je suis chaque jour davantage sous l'emprise de gens que je déteste. Et en premier lieu du Tsar. Les usuriers me prêtent de l'argent sur la valeur des bijoux de N., le Tsar quant à lui me prête de l'argent sur la valeur de N. elle-même.
            Il veut que N. danse devant lui, autrement il ne peut pas bander pour son épouse. Il pense que s'il me donnait de l'argent ce serait comme si je lui vendais ma femme, alors il me le prête, espérant alléger ma conscience. Nullement ! Je t'aurai après avoir disposé de d'Anthès. En attendant je dois me soumettre. Ma situation va changer, bientôt. " Le Contemporain " me rapportera bientôt de l'argent neuf, bien que je sois très réticent à m'en occuper. Le souhait de me défaire de l'emprise de l'argent m'oblige à entreprendre des affaires qui me déplaisent et à devenir dépendant du succès d'une activité qui m'est étrangère. Je dois me transformer en négociant, marchander avec Vyazemsky cent roubles de plus pour les meubles, vendre la fichue statue de Catherine au malin Myatlev. Je suis obligé de prendre en charge la gestion d'un patrimoine désespérément amoindri, et à passer un temps précieux avec des gribouilleurs dépourvus de talent qui rêvent de voir leurs noms imprimés. Je dois admettre que rien de tout cela ne rencontre le succès, car il ne peut y avoir de succès dans un travail que l'on déteste. Vous devez aimer ce que vous faîtes comme vous aimez une femme, même une chose sans valeur semblera ainsi importante et votre enthousiasme vous apportera bonheur et succès. L'amour donne une signification à tout ce que vous faîtes en son nom, et il vous récompense en vous rendant indépendant de tout ce qui lui est extérieur.
            Je dois dire que, pour que je sois heureux, il suffit que des intimités défilent rapidement devant moi et que je puisse écrire dans mon bureau dans l'attente impatiente de la suivante.
           L'absence d'argent m'irrite mais est incapable de me rendre malheureux. Je croyais avant qu'il n'y avait rien qu'on ne puisse apprendre, et je me suis assidûment mis à réfléchir à des moyens d'obtenir de l'argent. Puis j'ai compris que c'est comme la poésie qui ne peut pas être apprise. Il faut avoir talent et inspiration. Je sais maintenant que je ne gagnerai jamais assez d'argent avec ma littérature et que l'échec me guette sur les autres chemins, car je n'ai guère de talent pour m'enrichir. Je n'ai pas de parents riches qui me laisseraient un héritage, alors je ne vois rien de consolant pour l'avenir. Tôt ou tard le Tsar annulera mes dettes et je devrai y consentir, car la somme sera si importante que l'augmenter encore tiendrait tout simplement de l'indécence.

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            Ma belle-mère a envoyé mille roubles pour la naissance de Sashka. Si N. pouvait pondre les enfants aussi vite que font les chats, nous aurions un joli revenu............. Je déteste l'usure mais elle se répand partout où on fait de l'argent. Je ne peux pas, je suis incapable d'être un profiteur ! Ma tête devrait être libre pour mon écriture..........

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            Plus N. a du succès en société, plus les femmes me sollicitent. Elles sont flattées de se soumettre à moi, cela les enorgueillit de voir que je les préfère à une beauté irréprochable telle que ma femme. Elles commencent à se croire plus belles et plus irrésistibles qu'elles ne le sont vraiment.

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            Soudain j'ai de le peine pour d'Anthès que je dois tuer. Il n'est rien d'autre qu'un fainéant gâté aux ordres d'un vieillard sale et dégoûtant. Je ne peux pas reprocher à d'Anthès sa passion pour N., au contraire, je lui envie cette passion que je n'ai plus.

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            La maladie de ma mère m'a rapproché d'elle après que la vie nous a séparés. La mort proche nous a réunis.
            Mère acceptait mal la vieillesse et souffrait d'avoir perdu sa beauté d'antan. Je m'asseyais auprès d'elle, alitée et mourante et me laissais aller à des souvenir. Le passé était merveilleux mais désespérément évanoui. Je me rappelais ma soif constante de la tendresse de ma mère. Je voulais me blottir contre elle pour être embrassé et enlacé, mais elle m'évitait. Elle ne m'aimait pas, elle aimait
Lyovushka ( son frère ).
            Je me souviens de moi à peu près à l'âge de trois ans fonçant dans sa chambre et voyant Mère couchée sur le lit. Elle était nue, allongée sur le dos, les bras derrière la tête. Elle regardait par la fenêtre, elle a lentement tourné les yeux vers moi, puis s'est retournée vers la fenêtre. Mes yeux étaient rivés, contre ma volonté, sur les cheveux noirs au centre de son corps blanc. Cette vision m'a marqué au fer rouge et je suis sorti de la chambre ventre à terre. Maintenant encore j'ai cette vision qui revient.                                                                                                                  pinterest.fr 
Image associée            Mère est revenue à elle et m'a dit, souriant à travers ses larmes :
            - " Quand enfin je m'habitue à la vieillesse, il est temps de mourir.
            Elle s'est éteinte et j'ai eu le temps de lui chuchoter que nous nous retrouverions bientôt. La mort la terrifiait et je voulais la consoler avec cette profonde conviction personnelle. Ses yeux ont scintillés d'espoir, comme si je lui avais promis qu'elle guérirait.
            Elles est morte et j'ai senti une partie de moi mourir avec elle. La Mère qui nous donne la vie l'emporte avec elle en mourant. La petite portion de vie restante ne fait qu'attendre l'occasion d'en finir pour que votre âme puisse rejoindre celle de votre Mère. Mère m'a préservé de la mort, mais quand elle est décédée elle m'a laissé seul face à elle.
            Une fois, alors que mère ne pouvait déjà plus se lever, j'ai trouvé mon père en sanglots à son chevet. Ce spectacle déchirant m'a retourné le coeur. Je me suis précipité vers Père, serrant ses épaules et embrassant sa tête. Toute mon irritation à son égard avait disparu devant son impuissance et sa faiblesse. Je peux facilement être en colère contre une personne forte ou contre une personne prétendant l'être, mais quand je vois un homme en pleurs, la pitié pour lui l'emporte sur tous les autres sentiments. En plus de cela c'était mon père.
            J'ai versé des larmes à cause de l'amertume que j'avais toujours ressentie à son égard. J'ai pardonné et j'ai oublié son avarice, son égoïsme et son entêtement. Mère a tendu la main, Père l'a prise dans la sienne et je les ai recouvertes toutes deux de la mienne. Nous avons à cet instant une unité perdue à cause de notre intolérance et surtout de la mienne. Nous avons pleuré tous trois à l'approche de la mort, de la solitude et de l'horreur de l'inéluctable. J'ai retrouvé ma mère et mon père mais, hélas, pas pour longtemps.
            Seulement alors s'est révélé à moi le commandement concernant l'amour des parents. Ils sont la cause de mon existence, et si je ne les aime pas, je ne puis m'aimer moi-même. Cependant, pour être en paix avec soi-même, on doit s'aimer soi-même. Mais on ne peut pas aimer la conséquence et détester la cause. Haïr ses parents signifie haïr la vie qu'ils vous ont apportée.
            Il est insupportable de voir ses parents vieux et en larmes alors que vous êtes impuissant à soulager leurs souffrances. Désormais il aura beau être difficile à vivre, je verrai toujours les épaules de mon père secouées de sanglots.
            Quand j'ai accompagné le cercueil de ma mère à l'Abbaye Svyatogorsky ( 1836 ) je savais que j'allais à mon propre enterrement. Cette conviction ne m'a pas quitté une seule minute. Les mottes de terre tombant sur le cercueil résonnaient comme de douloureux battements de coeur. J'ai levé les yeux vers le ciel bleu et senti le regard de ma mère posé sur moi. Je lui ai souri et j'ai chuchoté : " je te verrai bientôt "
            Il me paraît tout à fait évident que les âmes des enfants et des parents flottent ensemble dans une autre vie. Mon âme épousera l'âme de ma mère et son âme épousera celle de sa mère et ainsi de suite jusqu'à Adam et Eve. Les âmes d'Adam et Eve ont épousé la bonté de Dieu qui porte en elle les âmes de toutes les générations à venir. Je vois Dieu comme une grenouille, sa longue langue étant la totalité de l'histoire humaine. La langue s'élance pendant un instant ( pour attraper une mouche ? ) et puis hésite. Pourquoi nous a-t-on envoyés sur Terre ? Est-ce pour baiser comme des grenouilles ?
            Je n'ai plus aucun doute quant au but de la vie lorsque la Muse ou Vénus me rendent visite. Mais leurs visites sont brèves et, une fois qu'elles m'ont quitté les souffrances m'enveloppent et je ne puis même trouver la réponse à une question des plus simples : comment vivre ? Ma vie devient trop complexe, tous les fils de mes méfaits se sont emmêlés et je ne peux plus les défaire. Mais je ne peux pas vivre ainsi, alors je dois les couper.

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Image associée            Même un homme jaloux prend un plaisir sans fin avec une très belle maîtresse. Mais une très belle épouse apporte, elle, une angoisse sans limites à son mari. Le plaisir s'émousse vite et la possession de la beauté ne fait que flatter votre vanité.
            Les hommes de votre entourage déversent salive et semence pour goûter l'intimité de votre femme et la suivent comme une meute derrière une chienne en chaleur. Le lot du mari est de devoir s'éreinter à protéger sa femme des pièges et la prévenir des tentations, protégeant son honneur à elle et son nom à lui. Plus la femme est belle, plus le mari devient la risée de tous si elle lui est infidèle. Plus les gens la regardent, plus les hommes attendent avec impatience leur tour. N'est-ce pas un prix trop élevé à payer pour la possession d'une beauté qui ne vous excite plus ?

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            .................... Une fois je lui a raconté un de mes fantasmes et elle a répondu d'une voix rêveuse :
            - " C'est bien Pouchkine que je ne puisse lire dans tes pensées et que tu ne puisses lire dans les miennes ".
            En tant que mari j'ai senti mon incapacité à empêcher l'adultère mental de ma femme. Si je ne puis l'obliger à m'aimer, je veux du moins obtenir le pouvoir de la contrôler avec l'aide du mesmérisme et induire en elle les sentiments que je veux. Ici, une fois de plus, il me faut une force interne et une concentration que je n'ai jamais eues.


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            De ma vie entière je n'ai pu trouver suffisamment de force pour tuer un homme. Au cours de tous mes duels j'ai laissé mes adversaires tirer les premiers et je refusais ensuite de tirer ou tirais vers le ciel. Je croyais que Dieu me gardait et je lui confiais ma vie. Les balles m'ont épargné.
            S'il était possible d'organiser un duel immédiatement après le défi, tout serait différent. Autrement, arrivé le moment du duel, ma colère s'est toujours dissipée et le combat n'a jamais eu l'air d'une vengeance pour une offense mais seulement d'une plaisanterie hasardeuse. Bien que je comprenne du point de vue intellectuel qu'il vous faut tuer votre ennemi sans quoi c'est lui qui s'en charge, mon coeur ne m'a jamais laissé aller jusqu'au bout. Il y a toujours de la fougue dans une bataille, vous êtes emporté par la rapidité du mouvement et vous tirez dans le vif du moment.
            Un duel c'est un enterrement froid, artificiel, avec des règles et des conditions qui irritent l'esprit mais pas les sentiments. Se battre en duel est d'un sang-froid insupportable.........
            .......... L'extase du sentiment de vie après un duel est si puissante que, pendant mes périodes de dépression, je pense à une telle provocation comme à un remède auquel il ne serait pas désagréable de recourir..........                                                                           
Résultat de recherche d'images pour "tableaux couples 1900"            Personne n'a autant dérangé ma vie que d'Anthès. Il est maintenant impossible de penser à une éventuelle réconciliation. L'un de nous doit mourir................                           
            Si seulement j'avais tué quelqu'un auparavant je me sentirais beaucoup plus confiant. Dans le même temps je sais que si je tue un homme ma vie ne sera plus pareille...........
            Dans " Onéguine " j'ai osé tuer Lemsky  et accomplir au travers d'un poème ce à quoi je n'arriverai jamais ma vie durant.
            Les conditions du combat avec d'Anthès doivent être sans merci et cela devrait me forcer à
tirer le coup fatal.
                                                                                                                     
                                                               *****************                           galeriedesmodernes.art/fr                                     

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            Pour posséder de l'argent il vous faut l'aimer, mais moi je ne fais que le respecter pour son pouvoir. Il le sait bien et refuse de venir dans mes mains. J'aime les femmes et en retour elles m'aiment. J'aime la poésie et la Muse est folle de moi. J'aime une partie de cartes, cela m'apporte du plaisir même si je perds. Il y a même un certain plaisir à perdre, cela fait partie du jeu. Il n'y a par conséquent aucune injustice lorsque je perds : l'argent ne veut pas toujours venir à moi, ce qui n'empêche pas mon jeu favori de m'apporter de la joie. Pensée bénie.

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            Lisant Sade je comprends la source de sa perversion, que vous pourriez traiter à son commencement comme vous traiteriez un lionceau. Mais Dieu vous garde qu'il grandisse et de croire ensuite que le lion est sans danger, simplement parce que vous l'avez connu jeune !.....................

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            Dans le Caucase je me rendais souvent au bord d'un précipice montagneux et j'ai compris un jour que je ressentais un désir de plus en plus violent de m'y jeter. Je ne voulais pas mourir, j'étais heureux mais quelque chose me poussait certainement à sauter le pas fatal. Jusqu'où je pouvais faire confiance à cette partie de moi-même qui ne voulait pas me voir franchir ce pas ? D'où vient cette partie de moi qui souhaite ma propre mort ? Peut-être que la vision d'un abîme est si merveilleuse et la sensation de la descente tellement excitante que cette autre partie de moi oublie simplement l'inéluctabilité de la mort, emportée par la beauté pure de la nature. Je suis poussé à sauter dans l'abîme, non par désir de mourir mais par un total oubli de ce que cela représente....................
            Je n'ai pas une volonté claire de mourir mais je me comporte comme si je réclamais la mort de toutes mes tripes...............

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Image associée             Je n'ose montrer ce journal à qui que ce soit, pas même à Naschokine. Même le meilleur ami ne peut accepter une âme complètement exposée.
            Je ne ai moi-même pas assez de tripes pour relire ce que j'ai écrit, peur trop forte de mes abîmes. Je suis si tenté de tout jeter au feu. Mais j'ai déjà fait preuve d'un pareil manque de tempérament en brûlant mes notes. Je craignais alors la prison, à présent je crains Dieu. Il a envoyé son " ange ", d'Anthès qui a vraiment la beauté d'un ange, pour me punir. Je commence à me répéter. Quoi que je puisse raconter, j'en reviens à lui.

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            Aujourd'hui je me suis reposé avec Zizi, je ne voulais pas voir N. du tout. Mon indifférence à son égard affaiblirait ma décision de me battre. Il se pourrait que je mette ma vie en jeu au nom de la pérennité de ma vie de famille pleine de soucis n'est pas très excitante, et non au nom des passions libres auxquelles j'ai voué mon existence.......................



                                                                FIN

                                                                 Alexandre S. Pouchkine

           Note de l'éditeur en fin de volume

           Pouchkine fut fatalement blessé à l'estomac par d'!Anthès qui tira le premier. Pouchkine rassembla ses dernières forces et tira. La balle ricocha sur un bouton métallique de l'uniforme de d'Anthès, ce qui lui sauva la vie. D'après la rumeur le Tsar avait envoyé ses gardes pour arrêter le duel mais ils furent intentionnellement dirigés au mauvais endroit. Après la mort de Pouchkine d'Anthès fut mis aux arrêts, destitué et expulsé de Russie. Il partit avec sa femme pour la France où ils vécurent jusqu'à leur mort. D'Anthès sera sénateur sous le second Empire. La veuve de Pouchkine porta son deuil pendant deux ans et se remaria en 1844.




         

                                                                                                                                          

dimanche 12 novembre 2017

Journal secret 4 ( extraits )Pouchkine ( Russie )

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                                                              Journal secret

                                                                          ( extraits )

            J'ai réussi à convaincre N. que d'Anthès a la syphilis et qu'il infecterait toute femme. J'ai appris à N. qu'un homme atteint de la syphilis traverse des périodes où ses symptômes disparaissent temporairement et pendant lesquels il peut devenir moins contagieux, tout en le restant. Pendant de telles périodes l'homme malade se montre particulièrement passionné. C'est ainsi que j'ai tenté de préserver N. de d'Anthès. Elle y a cru jusqu'à ce que Katka prouvât par son propre exemple que c'était un mensonge.
            Souvent, à la suite de longues danses avec lui, sur le chemin du retour, après le bal, elle me confiait qu'une fois de plus il avait eu " une rémission de sa maladie ". Un éclair traversait ses yeux et elle répondait à mes baisers avec une passion ardente. Pendant ces moments, je pensais que je devrais être reconnaissant envers d'Anthès pour avoir provoqué ce désir dont je profitais de bon coeur. Il est arrivé un moment où, lorsque N. se montrait indifférente à mes tendresses, je me surprenais à penser que je ferais mieux de l'emmener au bal pour que d'Anthès la serre contre lui pendant une danse et éveille son excitation pour la nuit, pour moi. J'étais révulsé par ces pensées, mais je n'y pouvais rien, et je n'ai finalement plus ressenti qu'une joie malicieuse.
            Regardant n'importe quel homme la courtiser, je chuchotais méchamment :
            - " Vous travaillez tous pour moi ! " Mais la jalousie me faisait enrager. Une fois durant un bal j'ai remarqué que N. dansait avec le comte H. et lui avait permis de lui embrasser la main trois fois. Quand nous sommes rentrés à la maison j'ai arraché le poignard du mur, j'ai brutalement enserré N. contre moi, sur mes genoux, et j'ai posé le poignard contre sa gorge.
             - Confesse-toi, ai-je hurlé, est-ce que tu couches avec lui ?
             N. était terrorisée et son corps se tordait comme convulsé par des vagues d'orgasme.
            - Je jure sur nos enfants que je te suis fidèle, dit N. la voix brisée, le regard dans le mien.
Image associée            J'étais prêt à la poignarder si elle avait hésité à répondre ou détourner les yeux, et elle le sentit. Comment pouvais-je ne pas la croire après un tel serment ? Je l'ai fait glisser de mes genoux et elle s'est écroulée à terre. Chaque attaque de jalousie se terminait par un désir sauvage. Gémissante, à terre, la robe troussée ses cuisses étaient couvertes de sang....... Ma femme venait de faire une fausse couche.
            Après la naissance de notre premier enfant j'ai décidé de ne plus jamais me trouver à proximité pour ne pas entendre ses cris terribles. Elle avait hurlé de façon si déchirante que j'avais fondu en larmes....... J'ai été délibérément en retard pour la deuxième naissance, mais Dieu s'est rattrapé en faisant de moi le témoin d'une fausse couche.
            Dans le sang il y avait un caillot où l'on pouvait distinguer un          bmagic.org.uk                         embryon au visage de poisson.
                                           Heureusement, le saignement s'est vite arrêté, la douleur a cessé.........

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            Je ne me sens en paix que lors de ses grossesses, parce que N. est obnubilée par les préparatifs de la naissance, ce qui a au moins l'avantage d'apaiser sa coquetterie, même si elle n'est jamais complètement bannie. C'est pourquoi je m'efforce de la garder enceinte, bien que cela me ruine. En procréant, je m'endette.
Image associée            L'autre intérêt de la grossesse de N. c'est qu'elle pardonne ma boulimie des autres femmes. Au cours des derniers mois de sa grossesse elle ne m'a pas laissé l'approcher parce que les docteurs lui ont dit que c'était très dangereux pour l'enfant. Elle n'a cédé à aucun argument, je me suis énervé et j'ai dit que j'irai chez une p... A ma surprise N., calmement a simplement souhaité que ce fût réellement une p... et pas une maîtresse quelconque.
            Ce fut ainsi que je confessai mon adultère pour la première fois et que j'obtins la permission de coucher avec des prostituées.................
            N. tolérait les catins mais sa jalousie envers les autres femmes s'aggravait d'une manière incroyable...................
   soundcloud.com                                    Maintenant elle comprend tout par elle-même.....................
            Non, N. ne m'aime pas, je m'en aperçois, et je fais tout pour aggraver son indifférence. Quand le désir s'éveille en elle, elle me laisse le combler, le reste du temps elle ne fait que me tolérer.

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            N. est devenue jalouse de moi et de Katrin et a décidé de la faire épouser par Khalustine, mais j'ai effrayé ce dernier avec la menace d'un duel, et le couard a disparu.
            N. m'a avoué plus tard, mais je l'avais déjà compris, qu'elle avait installé ses soeurs chez nous dans un dessein précis. Les sauver des gifles de leur mère et des griffes du dément qu'elles avaient pour père n'en était pas la seule raison. N. préférait que je me laisse séduire par elles plutôt que par des inconnues. Pauvre fille elle ne comprenait pas qu'un feu de forêt ne peut pas simplement brûler un arbre et s'éteindre. Au contraire plus il consume d'arbres plus il devient fort. Mais je ne voulais pas lui expliquer cela, et je me suis juste frotté les mains...........

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            .............. J'ai une drôle de progéniture, ainsi que l'aurait dit le regretté Delvig. Les enfants sont les défenseurs de ma vie de famille et préservent leur mère de la tentation. Plus il y a d'enfants mieux c'est. En ce qui me concerne, chacune de ses grossesse m'apparaît comme une providence qui excuse mes adultères.
             J'adore le ventre rond de N. à l'endroit où son nombril disparaît et où une tâche sombre le remplace...................
            Plus nombreuses sont nos années de mariage moins cela m'intéresse d'y consacrer beaucoup d'efforts. Je me force en esprit à faire preuve de zèle, il me dit de ne pas laisser ma femme insatisfaite sous peine de la voir se jeter dans les bras d'un amant............
Image associée            ............. Je n'ai pas de temps pour les enfants. L'écriture et les femmes me laissent rarement du temps pour jouer avec Mashka et Saska ( fils de P. 1833-1914 ), Grishka ( fils de P. 1835-1905 ) et Natashka ( fille de P. 1836-1913 ) en sont encore au stade de l'inconscience infantile et je n'ai rien à faire avec eux. Le plus grand plaisir qu'ils m'apportent est de pouvoir les exhiber devant mes invités. Je me sens si fier d'eux, comme après avoir composé un bon poème........ leurs visages font penser à ceux de chatons....... Mais en général les enfants m'ennuient et j'essaie de me tenir à l'écart. Leurs pleurs et leurs maladies, leurs chamailleries ne me permettent pas de me concentrer et consument mon temps. J'ai juste assez de patience pour une demi-heure, il me faut ensuite m'enfuir.........
            J'ai engendré mes enfants sans prendre en considération leurs          souffrances futures, ne cherchant qu'à me préserver de la douleur, de la douleur que provoque ma jalousie envers N.........                                                                revelessencedesoi.com
Souvent je regarde leurs petites mains, leurs jambes, leurs visages, et le simple fait de savoir qu'ils sont la chair de ma chair m'empreint d'une admiration poétique, malheureusement vite remplacée par le sentiment d'avoir été trahi, appâté jusque dans une cage puis enfermé à l'intérieur. La responsabilité permanente à l'égard des enfants est une cage dont je ne pourrai jamais m'échapper.
            La responsabilité m'oppresse, même si c'est un choix volontaire. Je me suis laissé entraîné dans la spirale des coutumes humaines et je l'ai suivie jusqu'au bout malgré les avertissements de mon esprit.
            Je suis maintenant convaincu qu'il ne sortira rien de bon de ma vie de famille. De telles confessions ne font rien pour accroître mes sentiments paternels.
            Avant je ne protégeais que mon propre honneur, puis celui de ma femme aussi. Aujourd'hui il me faut m'occuper de l'honneur de mes enfants et de mes belles-soeurs. L'honneur que j'ai pour mission de protéger est devenu si étendu depuis mon mariage qu'il s'en trouve incroyablement palpable. Il me faut être vigilant à chaque instant. L'existence même de d'Anthès empiète sur ma dignité. Par conséquent il me faudra me battre avec lui sans délai.
            Le Tsar m'a dit qu'il prendrait soin de N. et des enfants dans l'éventualité de ma mort, comme si elle était arrêtée. Cela a offensé mon honneur, car c'est le genre de soins que l'on prodigue à sa concubine..............
            A quelque chose malheur est bon : grâce la paternité j'ai rencontré des nourrices. C'est un plaisir spécial........................

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            Les femmes pleines de fausseté : les dames de la société prétendent qu'elles ne veulent pas et les putains prétendent qu'elles veulent.

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            Il existe deux bonheurs : le premier se fait jour quand vous allez plein d'impatience voir une femme, et l'autre quand vous vous en retournez soulagé d'elle et du désir.

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            Le comte M. est revenu de Paris et je l'ai assailli de questions sur les femmes de là-bas. Il a dit qu'elles étaient d'une beauté incroyable, et que même les p... des rues avaient l'air de reines.
            Je suis devenu curieux :
            - Combien en as-tu essayé ?                                                                      fineartamerica.com 
Image associée            - Aucune, a-t-il dit.
            Je me suis imaginé à sa place et j'ai ragé :
            - Comment as-tu plu laisser passer une telle chance ?
            Tandis que j'exprimais ma surprise à propos de son manque d'initiative et que je le plaignais d'avoir ainsi perdu son temps à Paris, M. n'a rien dit et s'est contenté de me regarder tristement.
            - Pourquoi, mais pourquoi n'en as-tu pas baisé au moins une ? je ne pouvais pas m'arrêter.
            - Eh bien, parce que j'aime ma femme, voilà pourquoi, a répondu le comte.
            Et j'ai eu honte face à une explication aussi simple.

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            Comme c'est écoeurant de prendre conscience que toutes les femmes ne me veulent pas.

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            Pour les hommes qui ne tâtent pas de la variété pendant le célibat, le désir s'en va lentement dans le mariage. Par conséquent ils ne s'en aperçoivent pas, et quand ils s'en aperçoivent c'est trop tard, car ils sont déjà vieux. Ma passion pour ma femme s'est éteinte un mois après le mariage..........

                                                                               *****************

            Après avoir goûté au fruit défendu, Adam et Eve apprirent la honte et eurent honte de leur nudité. La honte fut créé par le Diable, si bien que Dieu détermina qu'ils avaient commis un péché en reconnaissant leur honte. Pour leur désobéissance, Dieu les expulsa du Paradis mais leur laissa le plaisir en consolation. En copulant Adam et Eve ne ressentirent pas la culpabilité et cette innocence leur rappela leur séjour au Paradis. Il en est de même pour les amants. Le Paradis leur vient de leur conscience réciproque. Mais le Diable ne se reposa pas et créa la société humaine qu'il affligea d'une honte incommensurable.
            Dieu permit à l'homme d'avoir une femme sachant que le péché de frissons de la chair n'est que passager, mais il ne lui permit pas le moins du monde de forniquer avec une nouvelle femme. Le péché revit et dure grâce à la diversité de femmes qu'offre la société. L'être humain est l'oeuvre de Dieu et la société humaine est l'oeuvre du Diable.
            Pour la transgression Dieu n'expulsa pas seulement Adam et Eve du Paradis mais décupla aussi les interdictions. Enfreignez-en une seule et vous n'irez pas au Paradis. J'en ai transgressé une en forniquant et j'en violerai une seconde quand je me débarrasserai de d'Anthès.

                                                                     *****************

            Les mensonges des humains sont nés de la honte. La honte est la dissimulation de ce que vous possédez. En nous débarrassant de la honte nous nous débarrassons du mensonge et il ne restera rien de la diabolique société humaine. Il n'y aura plus sur Terre que des amants heureux.

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haveabreakreadabook.blogspot.fr
Image associée            Je regarde les centaines de livres qui ornent mon bureau et me rends compte que, pour la plupart, je ne les ai pas touchés depuis la première fois où je les ai lus ou feuilletés. Mais il ne me vient même pas à l'esprit de m'en débarrasser, qu'adviendra-t-il si un jour j'ai envie d'ouvrir celui-ci ou celui-là ? J'ai dépensé mes derniers roubles tant pour l'acquisition de nouveaux livres que pour me payer des putains. Acheter des livres est un plaisir très différent de celui de la lecture : examiner minutieusement, sentir, feuilleter un nouveau livre est un bonheur en soi.
            La disponibilité des livres me donne confiance, je peux toujours profiter d'eux si je choisis de le faire. Il en est de même avec les femmes, et il m'en faut beaucoup, elles doivent s'ouvrir devant moi à la manière des livres. En vérité, pour moi, les livres et les femmes se ressemblent beaucoup. Ouvrir un livre c'est comme écarter les jambes d'une femme, la connaissance se dévoile sous vosyeux. Chaque livre a sa propre odeur. Lorsque vous l'ouvrez, le respirez vous sentez l'encre, et pour chaque livre c'est différent. Couper les pages d'un livre vierge est un plaisir indescriptible. Même un ouvrage stupide me donne du plaisir quand je le manie pour la première fois. Plus le livre est intelligent plus il m'attire, et la beauté de la couverture ne m'importe pas. Ce qui n'est pas toujours le cas avec les femmes.
            De même qu'une femme peut avoir du plaisir avec n'importe quel homme habile, un livre s'offre à celui qui s'en saisit. Il distillera le plaisir délicat de son savoir à quiconque est capable de le comprendre. Je suis donc jaloux de mes livres et n'aime pas les prêter à qui que ce soit. Ma bibliothèque est mon harem.


                                                                              ( à suivre ........... )



 











            

samedi 23 septembre 2017

Journal secret 3 Alexandre Pouchkine ( Roman Russie )

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bloglesoiseauxdufaucigny.center.net


                                                   Journal secret 3
                                                                                 ( extraits suite )

            J'observe mes réactions et l'influence qu'exerce sur elles l'habitude........
            Toutefois, au bout d'un mois, la routine m'avait déprimé et, une nuit qu'elle avait lâché un pet au lit, j'ai préféré me tourner dans l'autre sens, en silence, plutôt que de lui sauter dessus. Mes sentiments émoussés par l'habitude étaient en sommeil.
            Je me souviens de la première nuit où nous sommes restés allongés au lit et où nous nous sommes endormis sans faire l'amour. Auparavant, nous n'avions pas manqué une seule nuit. A partir de là, ce fut de plus en plus fréquent.
 
            ............. Le déménagement à Tsarskoïé Sélo a été un grand soulagement pour N. et pour moi. Nous nous sommes accordés un répit nécessaire, à l'écart des parents ennuyeux et des connaissances importunes.
            La visite du Lycée a réveillé en moi des souvenirs qui auraient provoqué sa jalousie si elle en avait eu vent. Alors, encore fidèle à N., je me suis demandé si l'adultère mental était un véritable adultère. J'en suis arrivé à la conclusion que mes souvenirs poignants n'étaient pas de l'adultère, car mon expérience de l'amour rend mes rêves négligeables en comparaison. Avec N. c'est le contraire. Si elle rêve à quelqu'un d'autre elle me devient infidèle parce qu'elle n'a connu que moi. En un mot, mes rêves sont provoqués par des souvenirs que je ne donne pas, et ses rêves s'inspirent de basses pensées nées du présent qu'elle invoque délibérément.
            Bientôt, quand j'aurai franchi le Rubicon et recommencé à baiser à droite et à gauche, ce sujet cessera de me faire souffrir et je lui pardonnerai tous ses fantasmes, demandant simplement à Dieu que, moi vivant, elle ne me soit pas infidèle. Mais le plus effrayant c'est que rien ne nous permet de savoir si nos femmes sont fidèles. Je ne saurai jamais ce que fait N. lorsque je ne la vois pas. On ne peut être fidèle qu'à la fidélité. Quand ma fidélité faiblit apparaît un Diable jaloux et les preuves de fidélité n'y peuvent rien car chaque signe du contraire, dans mon esprit, devient irréfutable. Et seul le retour de la fidélité dans mon propre coeur en chasse la jalousie. Hélas pas pour longtemps.

            Je me fais penser à Othello : lui aussi était Noir et lui non plus n'était pas jaloux, il était confiant.

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            ............................                                                                          bibo.kz
Image associée            Je suis jaloux de chaque jolie femme parce que j'aime chaque jolie femme. Et n'importe quelle femme est jolie après la jouissance en elle, cela signifie qu'elle est vraiment jolie. N. est vraiment très très jolie car, bien qu'ayant depuis longtemps cessé de la désirer, je n'ai jamais cessé de l'admirer.

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            La fidélité est une lutte contre la tentation d'être infidèle. J'ai épuisé mes forces au cours de cette longue bataille. Quand j'ai senti que cette faiblesse à laquelle je m'abandonnais me menait droit aux ennuis, j'ai essayé de persuader N. d'aller passer quelque temps au village. Je savais que je serais incapable de résister à la tentation et que l'isolement me maintiendrait à mon bureau. Quand le désir s'allumerait en moi, il n'y aurait que N. à mes côtés. Je n'avais pas compté avec les filles des serfs du manoir.
            Son tempérament serein, que j'ai toujours eu quelque peine à perturber, trouvait son plus vif plaisir lorsqu'elle aguichait les hommes, ce qui est absolument sans risque, c'est en tout cas ce qu'elle m'a assuré. Elle s'enivrait du pouvoir de sa propre beauté qui mettait à ses pieds les hommes les plus influents de Pétersbourg, dont le Tsar. Grâce à sa décence et à sa gentillesse elle ne prenait pas avantage de sa beauté dans un esprit de conquête, mais se contenter d'en jouer, comme le ferait une enfant.
            Si on la frustrait d'une vénération constante, la vie perdrait toute signification à ses yeux. Rien, pas même les enfants, ne revêt tant d'importance pour elle. Non, c'est trop de dire cela. Les enfants ont encore sa préférence. Après la naissance de Mashka elle s'est tellement épanouie qu'elle espérait accroître encore son charme après chaque nouvelle naissance. Mais non, je ne veux pas être caustique envers ma femme, je l'aime. Seules mes propres faiblesses me poussent à vouloir l'atteindre dans sa dignité.
            La première fois que je lui ai été infidèle je savais que je rompais des liens impossibles à rétablir. J'ai pensé " Quand on baise une putain on ne trompe pas sa femme ". Mais au même moment j'avais compris que j'avais brisé mes voeux de mariage et qu'à partir de ce jour notre vie serait irrévocablement changée, même si elle ne le découvrait jamais. Je n'ai cessé de me répéter qu'un poète ne peut vivre sans fièvre et n'est pas fait pour le monde du mariage. Il me fallait accepter que tombe cette fièvre, parce que c'est la loi. Dieu ne nous empêche pas d'apprendre ses lois, mais il punit toute tentative qui les changerait. J'aurais dû être croyant, mais j'ai osé les enfreindre, et cela ne peut se faire qu'en tournant le dos à Dieu
  *        Après cette première transgression je ne pouvais plus m'arrêter. N. l'a deviné avant même de l'apprendre de ma bouche, et de celles des autres. J'ai plongé dans la luxure avec avidité, et si l'on veut appeler cela des saletés, alors du miel étalé partout sur un corps c'est aussi de la saleté. Elle n'en paraîtra pas moins douce.            
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            Le rendez-vous fatal s'est déroulé dans un bordel Il n'y a pas de meilleur endroit pour assouvir ma passion d'observer le plaisir des autres. Quel exemple frappant n'a-t-on pas de l'amour d'un homme pour l'humanité quand le plaisir d'un homme en éveille un semblable chez lui !........... Ma passion pour ce genre de spectacle m'a conduit à faire une connaissance qui pourrait bientôt entraîner ma mort.
            Chez Sofya Astafievna............... C'était d'Anthès qui avait récemment été admis dans la Garde et dont toutes les femmes raffolaient. Nous n'avions pas été présentés mais quelqu'un me l'avait un jour fait remarquer, dans une demeure où se réunissaient les plus belles femmes de Saint-Pétersbours. J'étais debout avec N. qui, elle aussi, le voyait pour la première fois.
            - " Il est vraiment remarquablement beau ! " furent les mots qui s'échappèrent de ses lèvres.                Le sang m'est monté à la tête. Dans l'instant où je m'en suis souvenu..........
           Repartant pour la maison je suis passé par le salon et j'ai vu d'Anthès soûl....... Il parlait français et son compagnon traduisait. Il s'est tourné vers moi et m'a gratifié d'un large sourire.
            - Je parie que vous êtes Pouchkine !
            - Désolé, je ne vous connais pas, ai-je dit avec froideur sans m'arrêter.
            - Eh bien, permettez que je me présente. Il a élégamment sauté du sofa et m'a emboîté le pas, m'a dépassé en quelques enjambées rapides, s'est courbé et s'est nommé. Je l'ai salué avant de poursuivre mon chemin dans l'antichambre. Tenant à peine sur ses jambes il me suivait de très près.
            - Je viens d'arriver à Pétersbourg et j'aimerais faire votre connaissance, dit-il.
            - Ce n'est pas l'endroit idéal pour faire connaissance, ai-je répondu comme je pouvais.
            - Pourquoi ? C'est exactement le contraire ! Cette maison pousse les gens à l'intimité.
            Je me suis arrêté et l'ai regardé avec curiosité. Je ne savais pas à ce moment-là combien de ses inepties il me faudrait encore entendre à l'avenir.
            Entre temps il a continué :
            - Eh bien, vous êtes un poète célèbre, mais avez-vous vraiment réfléchi au plus poétique des phénomènes naturels ?
            Ce qu'il allait dire m'intéresserait peut-être, je décidai donc de rester un peu.
            - Quand je regarde les femmes je sais avec une certitude absolue que chacune a une intimité. Oui, oui, c'est un fait simple, cependant tant de poésie repose sur cette certitude inébranlable qui peut donner un but aux manoeuvres que nous employons pour approcher une femme quelle qu'elle soit. Si nous n'avions pas une telle certitude nous serions angoissés, car dans la société les femmes se comportent comme si elles n'avaient pas d'intimité du tout.                       richardunord6.skynetblogs.be
Image associée            Je n'ai pu m'empêcher de sourire à l'idée de la similitude qui existe entre nos façons de penser.........
            Je ne tardai pas à le saluer afin de couper court à cette conversation désagréable avec le jeune homme. Dans d'autres circonstances et avec quelqu'un de différent une telle discussion aurait été la bienvenue, mais je n'aimais pas d'Anthès et cela depuis la première fois où je le vis. Par ailleurs peu après mon mariage j'étais beaucoup moins disposé à parler de ma fascination pour les affaires de sexe, pourtant mon sujet favori de conversation, même avec des amis proches. J'ai compris que si un homme marié parlait de cela il impliquait inévitablement sa femme à qui chacun de ses commentaires serait attribué. Et la réputation d'une épouse doit être immaculée.
            Quand je suis devenu infidèle j'ai également cessé de me retenir verbalement, ne me privant pas de mentionner d'autres femmes. Mais mes interlocuteurs, comme toujours, lui ont attribué tout ce que je disais. Aujourd'hui cela m'apparaît clairement. Trop tard, hélas !
            Depuis l'incident au bordel, chaque fois que je voyais d'Anthès en société, je croisais son regard malicieux. Une fois il a même osé me faire un clin d'oeil, mais en voyant la fureur mettre le feu à mon visage, il ne sait plus jamais hasardé à une telle familiarité.
            Chaque fois qu'il danse avec N. je le soupçonne de la baiser. Il est trop certain de la présence de son intime. Il est libre de toute interprétation romantique. Cette pensée ne me laisse pas tranquille, me met hors de moi. Alors je quitte la salle et fait taire ma jalousie dans la fièvre d'un jeu de cartes, ou dans la poursuite de quelque jupon.    

                                                                *******************

            A regarder d'Anthès faire la cour, je me souviens du temps où j'étais célibataire et de ma passion à rendre les maris cocus. " Voici venu ton tour ", me dis-je. Le cercle se referme, le passé se reproduit, mais cette fois j'y joue le rôle du mari devant défendre sa femme contre des brigands affamés par sa moniche. Que lui disent-ils, comment s'y prennent-ils pour la séduire ?
 **        Personnellement, ma méthode consistait à raconter aux rares femmes intelligentes qu'il n'y  avait rien de mieux que la variété, et qu'en se soumettant à moi elles aimeraient davantage leur mari, grâce à des sentiments rafraîchis par mes soins. Aux femmes stupides je déclarais un amour si passionné que jamais leur mari ne pourrait rivaliser. Et j'étais totalement sincère avec chacune d'entre elles.
            J'ai confiance en N., et le fait que d'autres aient des doutes me rend encore plus insupportable sa coquetterie sans bornes. Je suis forcé de m'avouer que les rumeurs, l'honneur et l'opinion de la société ont plus d'importance pour moi que la véritable nature des choses. Je préférerais qu'elle se fît reluire avec quelqu'un, secrètement - mais une fois seulement - et que personne ne le découvre, plutôt que de me trouver face à un flot de racontars et de rumeurs au sujet de son infidélité, et cela malgré son innocence absolue. Voilà pourquoi je me contente de sourire du coin de la bouche si Vyazemsky courtise N. La société ne pourrait jamais croire qu'elle fût attirée par un homme si commun et si peu raffiné. Mais d'Anthès est dangereux avec sa beauté, son impudence........ Je hais l'impertinence de ces bruits de couloir qui me stigmatisent derrière mon dos. Je me sens pousser des cornes alors même que je suis persuadé qu'elles n'ont rien à faire sur ma tête. Les ragots insinuent le doute dans ma certitude. Combien d'innombrables occasions N. peut-elle avoir eu de commettre l'adultère avec tous ces hommes à ses pieds ? Qu'est-ce qui la retient de se servir ?

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                                                                                              ( à suivre )








            


jeudi 14 septembre 2017

Journal secret 2 ( extraits ) Alexandre Pouchkine ( Roman Russie )


konbini.com


                                                      Journal secret 2 ( suite extraits )

            Une fois nous avons fait le pari qu'elle serait satisfaite même si elle n'était pas d'humeur à cela. Je connais trop bien la façon dont l'indifférence chez une femme se transforme en désir quand un homme sait ce qu'il fait. Dans le cas de N. son indifférence à ce moment précis était si évidente qu'il était impossible d'imaginer la facilité avec laquelle elle pouvait disparaître sans une trace !
            Je lui ai fait boire deux verres de champagne, me réservai une demi-heure ce qui fut suffisant.......
           Comme je l'aimais dans ces moments fulgurants !....... Je ne la lâchais pas d'un pouce....... J'étais encore abasourdi par la métamorphose d'une déesse en simple mortelle...... mais dans les moments de trop grande intimité l'enchantement s'évanouit, et je me suis débarrassé de ma vénération excessive qui souvent peut contrecarrer la soumission féminine.
            Le pouvoir des belles femmes dans la haute société réside dans l'illusion entretenue autour de leur divinité, celle-là même qui se dissipe si agréablement dans l'intimité. O connaissance grandiose et charmante ! Un regard sur la beauté la plus inapprochable et vous savez sans erreur possible ce qu'elle sent, où elle se rend en quittant un salon et le pourquoi de son départ. la vision de ces genoux fermés et de la courbe de ces hanches véritablement divines. L'admiration me faisait tourner la tête. Mais simultanément je sentais clairement que l'on me dissimulait quelque chose d'extrêmement important........... Quand la première fois......... j'ai vu le visage de la Vérité, j'ai au même instant pris conscience de ma destinée, servir cette divinité blottie....... et chanter les sensations produites par elle.........

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                                                                                                                            pinterest.com 
Résultat de recherche d'images pour "portrait d'une tres belle femme peinture"            Quand j'étais célibataire rien de particulier ne me hantait, sauf, peut-être, le désir d'un bonheur que je recherchais vainement, et cela me rendait malheureux. Il me semblait que le mariage avec une fille jeune, jolie, au grand coeur, m'apporterait la paix et la liberté, les deux éléments consécutifs du bonheur. Hélas, la vie donne soit la paix, soit la liberté, mais jamais les deux. La paix vient d'une résignation débilitante, et une telle paix ne laisse aucune place à la liberté/ La liberté m'entraîne dans des aventures sans fin, au sein desquels aucune paix ne peut exister.
            En dépit de mon bon sens, des projets de mariage brûlaient en moi et s'enflammaient chaque fois que je croisais une jeune beauté. J'étais prêt à épouser n'importe quelle femme, sans délai, du moment que je pouvais me montrer avec elle, en société, sans avoir honte. Olénina et Sof. ne voulaient pas d'un mari fou. N. n'avait pas le choix. Voilà comment Dieu m'a mis à l'épreuve.

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            Je me suis marié avec placidité, convaincu d'être protégé par mon expérience des espoirs inutiles et des naïves illusions. Mais ma conception du mariage n'était qu'une sèche théorie. Il est impossible de comprendre les émotions sans les ressentir intensément. C'est ainsi que le coeur peut être atteint, et seul le coeur peut enrichir l'esprit. Toute mon expérience était celle d'un amant, non celle d'un mari.
            Ma passion pour N. ne dura pas même deux mois. J'étais conscient de la fuite de cette passion mais, découragé par cette évidence, parce que pour la première fois il s'agissait de ma propre femme.
            Au bout du premier mois je ne tremblais déjà plus par anticipation joyeuse lorsque N. se déshabillait devant moi. Au bout de deux mois, la maîtresse en elle n'avait plus de secrets pour moi. Elle ne pouvait plus me surprendre avec quoi que ce soit. Je savais par avance les mouvements qu'elle ferait, les gémissements que j'entendrais, comment elle s'accrocherait à moi et comment elle soupirerait de contentement.
            Ses odeurs ne m'incitaient plus à me ruer sur elle comme avant. Je ne les remarquais pas, comme s'il s'agissait des miennes. L'arôme du fromage allemand m'excitait plus que les lourdes senteurs de sa peau.
            Parce que cela me faisait penser à d'autres femmes.

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            J'avais tort de penser que je pouvais modeler N. comme bon me semblait. Non, le talent n'est pas quelque chose que l'on apprend. On naît avec. De la même manière il faut être né pour l'amour, et N. était née pour la coquetterie. Ce que moi j'appelle excellence, elle le nomme bassesse. La capacité de ressentir les convulsions de l'amour n'est absolument pas un talent amoureux. Le talent de l'amour implique un désir si puissant et si vite inflammable que toute minauderie, toute honte disparaissent complètement. Les femmes douées pour l'amour en deviennent les esclaves. Elles font des maîtresses merveilleuses mais des épouses.... Encore une fois il faut faire un choix entre une merveilleuse maîtresse et une épouse merveilleuse. Mon mariage se trouve être l'un des meilleurs car, si j'avais
une femme douée pour l'amour, en d'autres termes une mauvaise femme, il serait impossible de compenser son inaptitude à être une bonne épouse par des à-côtés, alors qu'il n'est pas difficile de trouver ailleurs une maîtresse talentueuse.
Image associée  *          J'ai compris que le tempérament de N. est celui qui convient le mieux au mariage. Elle me tuerait si elle avait une faim omnivore semblable à celle de Z. ou R. Ce qui m'offensait n'était pas son manque d'entrain mais mon indifférence devant son corps. Mon coeur ne parvenait pas à se résigner. Quoi ! pouvoir m'allonger nu aux côtés de N. et m'endormir sans le désir de la prendre ? C'était, pour moi, absolument impensable avec n'importe quelle autre femme, et N., la plus belle d'entre toutes, m'a émasculé. Je la regardais, impassible, et pensais que si, à cet instant, n'importe quelle femme étrangère, même peu séduisante, prenait sa place, je la défoncerais avec le désir que N. ne sera plus jamais capable de provoquer en moi. Je sentais en moi la colère brûler à petit feu.
            Mon désir de corps nouveaux devint plus puissant que l'amour, plus puissant que la beauté, mais je ne voulais pas que cela devienne plus puissant que ma fidélité envers ma femme.

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            J'ai essayé de rendre N. enceinte. Durant les premiers mois de notre mariage, avant que la haute société ne tombe amoureuse d'elle, N. s'ennuyait à ses heures de loisir. Je lui ai appris à jouer aux échecs, lui ai donné à lire " Histoire de Karamzine ", mais cela l'a davantage ennuyée. Elle pouvait lire des romans français insipides, l'un après l'autre, avec une exaltation enfantine. Une fois je lui ai lu quelques-uns de mes poèmes. Elle les a écoutés avec une telle expression de nonchalance que je n'ai plus jamais osé l'importuner avec mes compositions, et elle ne m'en a plus réclamées...
            Les nouveaux habits et les compliments relatifs à sa beauté étaient ses plus grands plaisirs Cela ne me fâchait pas du tout. Je savais qu'une fois les enfants arrivés elle serait occupée par des choses réelles. Entre-temps elle brodait et je regardais son joli visage, mais le plaisir que j'en retirais était plus esthétique qu'érotique.
            N. avait rejeté la bonne moitié de ma vie liée à la poésie. L'autre moitié c'était l'amour, où la tendresse remplace les sensations poignantes. Mais nous ne sommes pas capables de trouver l'extase autrement que par la stimulation des sens

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            Moi qui me glorifiais autant de mon prestige d'amant que de ma célébrité de poète, je ne trouvais pas de place pour ce genre d'activité dans ma vie familiale. N. entretenait ma vanité avec sa
beauté, sa gentillesse et son innocence. Mais son innocence a fini par devenir de la coquetterie, sa gentillesse du sentimentalisme, et je suis tellement habitué à sa beauté qu'elle m'est devenue imperceptible. Je ne me sentais fier que lorsque tous admiraient la beauté de N., malheureusement , cette sensation dégénérait de plus en plus souvent en jalousie.
            Pour la première fois dans mon existence de sauvage je m'endormais et me réveillais chaque jour avec la même femme. Auparavant aussi je perdais vite la fascination qu'exerçait sur moi la douceur de la nouveauté, si bien que je changeais de maîtresse ou ajoutais l'une à l'autre. Je me rends compte avec chagrin qu'en ce qui concerne l'homme marié un tel comportement est inacceptable.
            La différence entre une épouse et une maîtresse, c'est qu'avec une épouse on se couche sans désir. Voilà la raison pour laquelle le mariage est sacré. Le désir s'en trouve graduellement exclu et les rapports deviennent simplement amicaux, indifférents même et souvent hostiles. Alors le corps nu n'est plus considéré comme péché, parce qu'il n'est plus tentant.

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Image associée            Parfois je ressentais le calme, une joie tranquille, en regardant innocemment ma Madone ( existe-t-il une autre façon de regarder la Madone ? ). Le désir devenait une partie minime de notre vie. La majeure partie consistait en une angoisse des petites choses, le châtiment de la passion. De manière inexcusable, et sans retour possible, je commençai à croire à mon droit irrévocable au corps de N.

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            Les fantasmes commencèrent à me hanter, et c'était l'oeuvre du Diable.........
            Depuis ma jeunesse je me connaissais un goût prononcé pour le voyeurisme............
            J'avais cette espèce de vision quand je prenais N. dans mes bras........
            Parfois, je m'asseyais dans mon bureau et je tentais d'écrire, mais mes pensées s'envolaient vers des femmes inconnues, des intimités........ et le désir me prenait d'un coup........
            Lorsque N. entrait dans mon bureau pendant ces chauds moments de rêverie, mon désir disparaissait sans une trace........ La regarder est toujours un plaisir et une joie, mais elle ne m'excite ni ne m'inspire. Je la regarde comme une oeuvre d'art, vraiment comme une Madone ( dont la seule imperfection serait un oeil-de-perdrix à l'orteil ).
            N. est devenue pour moi un moyen de me débarrasser de mes hantises charnelles. En d'autres mots, je baisais ma femme non pour le plaisir mais pour lui rester fidèle.
            Cependant je me suis révélé incapable d'oublier mes fantasmes, si courte que fût la période que je m'assignais. Ils finissaient par s'agiter d'eux-mêmes au fond de moi et se redressaient comme l'herbe après la pluie...........

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            A une époque je pensais que les spasmes divins étaient le but de l'amour. Eh bien, non ! Car s'il en était ainsi la fidélité ne représenterait pas un tel fardeau et une épouse pourrait complètement satisfaire mes désirs. La finalité ne réside pas dans les convulsions.......... mais dans la révélation du mystère de l'intime féminin. Ce mystère qui cesse de vous exciter à cause de contacts répétés chaque nuit avec la même femme, ne disparaît pas et ne se résout pas entièrement mais s'envole vers d'autres femmes..........
            La seule chose qui remet le mystère à sa place légitime est la séparation. Alors une épouse devient à nouveau désirable, mais pour une nuit seulement, ensuite la satiété reprend sa place, tout aussi légitime.

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Résultat de recherche d'images pour "portrait d'une tres belle femme peinture"            En décembre je ne pouvais plus le supporter et j'ai fui Moscou. J'ai pensé que la séparation ranimerait ma passion pour N. Mais la séparation doit s'effectuer dans l'isolement, et non au milieu d'une foule de Tsiganes invités par Naschokine. La distance n'a pas seulement rallumé ma passion, elle m'a aussi fait oublier mes voeux de fidélité. Quand Olenka est venue à moi, toute ma passion renaissante pour ma femme s'est reportée sur la femme la plus proche. Il m'a semblé qu'elle était la première femme de ma vie, tant mes sensations étaient fraîches. L'intime était redevenu divinité.
            Mais, repu d'elle, je me suis mis à rêver de N. comme assoiffé. Si elle était apparue à côté de moi je me serais précipité sur elle avec une passion toute neuve. N. était lointaine, une étrangère et en conséquence excessivement désirable. Ce n'était pas une de mes inventions. Je ressentais la même chose à l'endroit des autres femmes, mais pour je ne sais quelle raison je m'étais convaincu que les lois habituelles ne s'appliquaient pas à mon épouse. Ainsi donc, lorsqu'une nouvelle fois tout s'est répété avec elle, j'ai compris que mon désir pouvait se porter sur la première femme venue.
            Et ventre à terre je suis retourné aux p... Celles qui avaient entendu parler de la grande beauté de ma femme me reprochaient de leur rendre visite et de laisser une telle merveille à la maison. Comment pouvaient-elles comprendre que la beauté ne protège pas de la satiété et que la variété est la seule chose qui maintienne en vie ? Des soupirants amoureux de N. me regardaient avec colère ou étonnement., comment pouvais-je oser désirer une autre femme que ma sublime épouse ? De nombreux admirateurs lui écrivaient, lui promettaient leur vie en échange de ses faveurs. Leur lecture nous faisait rire. Si seulement les personnes amoureuses savaient à quel point l'admiration s'estompe rapidement et combien on en vient à la regretter ! Car, une fois que l'on s'en rend compte il devient impossible de s'habituer à sa disparition.
            Le sacrifice de sa propre vie dans l'unique dessein de posséder une beauté trouve une signification profonde : on évite ainsi d'être ignoré, situation offensante entre toutes quand il s'agit d'une passion naissante. La mort est la façon la plus sûre de rester fidèle à celle qui habite vos pensées. Je comprends la raison du suicide de Roméo et Juliette. Ils ont agi intuitivement, sans comprendre, mais dans la même perspective, rester fidèles à leur amant même après la mort, ce qui est impossible pour un corps jeune, beau et vivant.

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                                                                             ( à suivre .........)