lundi 24 mars 2014

Anecdotes et Réflexions d'hier pour aujourd'hui 25 Samuel Pepys ( lettres Angleterre )


nicolas de largillière
                                                                                                                  17 juin 1660
                                                                                                          jour du Seigneur

            Resté tard au lit.
            Chez Mr Mossom, bon sermon. Aujourd'hui on a commencé à jouer de l'orgue à Whitehall en présence du roi.
            Dîner chez mon père. Après dîner de nouveau chez Mr Mossom puis, dans le jardin j'entendis un prêche par le père de Chappell qui fut le page du lord-protecteur.
            Tout près de la fenêtre où je me trouvais était assise Mrs Butler, cette grande beauté.
            Après le sermon, chez milord puis promenade dans les allées de Gray's Inn, où Mr Edward et moi vîmes de nombreuses beautés.
           Ensuite chez mon père où Mr Cooke , William Bowyer et mon cousin Joyce Norton soupèrent.Au lit.
     
                                                                                                                      18 juin

            Chez Milord où il y avait beaucoup de travail et quelques espoirs d'en tirer quelque argent. Avec lui au Parlement où il avait l'intention de se montrer aujourd'hui, mais il rencontra Mr Crew sur les marches et ne voulut pas entrer.
            Il alla chez Mrs Browne et y resta jusqu'à ce qu'on lui rapporte ce qui se passait à la Chambre. Aujourd'hui ils ont arrêté la liste des vingt hommes qui ne seront pas pardonnés et ne rentreront pas dans leurs biens.
           En canot jusqu'à Stepney avec milord. Nous nous divertîmes un fort bon moment à Trinity House.
           Avec milord il y avait Sir William Penn, sir Henry Wright, Hetley Pearse, Creed, Hill, moi-même et d'autres personnes à son service.
           Retour à l'Amirauté puis chez milord. Il me confia qu'il cherchait à obtenir le poste de secrétaire du Conseil de la Marine pour moi. Ensuite chez Mr Crew, chez mon père et au lit.
           Aujourd'hui ma femme est partie chercher ses affaires à Huntsmoor et je me suis senti très seul toute la nuit. Dans la soirée Balty, le frère de ma femme, est venu me parler de ses difficultés et me demander une place. Mais je me rends compte qu'il veut une place pour un gentilhomme qui ne fasse pas déchoir sa famille. Que Dieu lui vienne en aide, il n'a pas de pain.

                                                                                                                         19 juin

            Appelé de bonne heure par Murford qui me montra cinq pièces d'or si j'exécutais un travail pour lui. Je suis décidé à le faire.
            Beaucoup de travail chez milord, il se rendit ce matin à la Chambre des Communes. Il reçut les remerciements de la Chambre au nom du Parlement et des Communes d'Angleterre pour le service rendu au roi et à son pays. Une motion fut présentée pour lui attribuer une récompense, mais elle fut refusée par Mr Annesley, plus que n'importe qui dévoué à la famille de milord et à celle de Mr Crew.   chocolat au bain
           Rencontrai le capitaine Stoakes à Whitehall. Dînai avec lui et Mr Gallop, pasteur dont par la suite l'impertinence et l'importunité me chagrinèrent beaucoup, comme celles d'Elborough, ainsi que Mr Butler qui me complimenta à peu près de la même façon que le curé. Après cela chez Mr Crew pour rejoindre milord. Mais je fus accueilli par un domestique de Mrs Pickering qui me conduisit jusqu'à elle. Elle me raconta l'histoire de son mari et sollicita mon intervention auprès de milord, me donna pour cela 5 livres en pièces d'argent enveloppées dans du papier. Après quoi chez milord et avec lui à Whitehall et chez milady Pickering. Milord se rendit dans la soirée au château de Baynard souper avec le roi. Et moi à la maison chez mon père et au lit. Ma femme, la domestique et le chien sont revenus aujourd'hui. Il paraît que William Howe a été malade aujourd'hui, mais dans la soirée il allait mieux.
            En rentrant à la maison je trouvai une grande quantité de chocolat qu'on avait déposé pour moi. Mais je ne sais pas de qui cela vient.


                                                                                                                    20 juin 1660

            Debout à 4 heures du matin pour écrire des lettres à envoyer en mer et rédiger un brevet pour le protégé de Murford.
            Appelé par le capitaine Sparling qui me rendit mon argent hollandais et ce qu'il avait pu changer en argent anglais, ce qui me soulagea beaucoup l'esprit, et par d'autres capitaines de la marine. Je leur offris une bonne boisson du matin, ensuite chez milord qui resta longtemps au lit aujourd'hui, rentré tard du souper avec le roi. Avec milord au Parlement, puis chez le général Monck avec qui il dîna au Cockpit. Rentrai dîner avec ma femme à la maison où nous remettons tout en état.
            De là chez milady Pickering qui me donna des renseignements précieux sur la Garde-Robe. Ensuite au Cockpit chercher milord accompagné de Mr Townshend, qui avait jadis occupé le poste, et l'occupais maintenant de nouveau, au titre de secrétaire de la Garde-Robe.
           De là à l'Amirauté. J'envoyai Mr Cooke en mer. Il devait porter une lettre de milord relative à l'élection de Mr Montagu à la place de milord comme député de Douvres au Parlement, et une autre au vice-amiral lui demandant de faire parvenir à milord des rapports constants sur ce qui se passait dans la flotte, simplement pour qu'il puisse ainsi y conserver son pouvoir. Une autre lettre au capitaine Cuttance pour qu'il renvoie le canot qui avait amené le roi à terre à Hinchingbrooke par Lynn.
            A ma propre maison, en chemin rencontrai Vines et bus un verre avec lui à Charing Cross, qui s'appelle désormais la Taverne de la Tête du Roi.
           Avec ma femme chez mon père où je retrouvai Swan, un vieil hypocrite, et avec lui un de ses amis, mon père et mon cousin Scott à la Taverne de l'Ours. Chez mon père, et au lit.


                                                                                                           21 juin

            Chez milord, beaucoup de travail. Avec lui à la Chambre de Conseil où il prêta serment. Il lui en coûta 26 livres d'être nommé conseillé privé du roi.
            A la taverne du Chien à Westminster où Murford vint boire en compagnie du capitaine Curle, commandant du Maria, et de deux de leurs amis. Le capitaine me donna 5 pièces d'or et et un gobelet d'argent pour ma femme, pour le brevet que je lui ai procuré ce jour pour son navire en date du 20 avril 1660.
            De là à la porte du Parlement d'où j'allai avec milord dîner chez Mr Crew. Puis, avec milord, à la grande Garde-Robe pour la visiter. Mr Townshend nous emmena voir les gouverneurs de quelques enfants pauvres vêtus de jaune qu'on a gardés là depuis onze ans, ce qui obligea milord à trouver ce qu'on pourrait bien faire d'eux pour qu'il ait l'usage de la maison pour lui-même. Les enfants chantèrent bien et milord en partant m'ordonna de leur donner cinq pièces d'or.
            De là retour à Whitehall où, comme le roi était sorti, milord et moi nous promenâmes un long moment dans le ?....  et discutâmes de la niaiserie du Protecteur qui perdit tout ce que son père avait laissé. Milord me confia que les dernières paroles  qu'il avait dites au Protecteur lorsqu'il était parti pour le Sund étaient qu'il se réjouirait plus de le voir dans sa tombe à son retour que de le voir accepter ce qui se tramait alors et qui, par la suite, précipita sa chute. Le Protecteur lui répondit que tout ce que George Montagu, milord Broghill, Jones et le secrétaire d'Etat lui diraient de faire il le ferait, quoi que ce fût. De là chez ma femme. Rencontrai en chemin Mr Blagrave qui m'accompagna à la maison et me donna une leçon de flageolet et étrenna mon gobelet d'argent avec ma femme et moi.
            Chez mon père où sir Thomas Honeywood et sa famille venaient d'arriver sans préavis, de sorte que nous fûmes contraints de dormir tous dans la petite chambre du troisième étage.


                                                                                                                22juin

            Chez milord où beaucoup de travail. Avec lui à Whitehall où, comme le duc d'York n'était pas réveillé, nous nous promenâmes un bon moment dans la Galerie des Boucliers. Mr Hill ( qui accompagne milord partout depuis deux ou trois jours ) me fit part d'une offre de 500 livres pour une couronne de baronnet. J'en fis part à milord au balcon de la galerie. Il répondit qu'il y réfléchirait.
            A la demeure de milord. Il donna l'ordre de se procurer des chevaux pour amener le carrosse d'apparat de milord jusque chez Mr Crew.
            Mr Morrice, le tapissier, vint lui-même aujourd'hui voir de quels meubles nous avons besoin pour nos appartements de Whitehall.
            Mon cher ami Mr Fuller de Twickenham et moi dînâmes en tête à tête à la Tavernes du Soleil. Il me dit qu'il venait d'être nommé doyen de St Patrick en Irlandais, et moi je lui fis part de ma situation. Nous nous félicitâmes l'un l'autre.
            De là chez milord. J'allai en carrosse chez Brigham qui m'accompagna à la Demi-Lune et m'offrit un gobelet de bon julep. Il me conta de quelle manière milady Monck le traitait, lui et d'autres, pour leur faire obtenir leur place. Elle lui demandait 500 livres bien qu'il fût jadis le fabricant de carrosse du roi et qu'il eût pour ce faire prêter serment.  lecostume.canalblog.com
            Milord sorti, je rentrai chez moi pour ranger un peu nos affaires. Puis avec Mr Moore chez mon père. Je m'arrêtai chez Mrs Turner qui se tenait sur sa porte comme je passais. Elle m'assura que l'autre jour en présence du roi la vieille milady Middlesex se conchia et que les personnes présentes s'en aperçurent. De là je passai chez mon père puis chez Mr Crew où Mr Hetley avait envoyé une lettre pour moi et deux paires de bas de soie, l'une pour William Howe, l'autre pour moi.
            Chez sir Henry Wright pour chercher milord qui s'y trouvait. Je pris ses ordres puis avec un porteur de torche à la maison vers 11 heures.
            Au lit. C"est la première fois depuis que j'ai quitté la mer que je dors dans ma propre maison. Dieu en soit béni.


                                                                                                               23 juin 1660

            Par voie d'eau avec Mr Hill jusqu'à la demeure de milord, puis jusqu'à milord. Avec lui à Whitehall où je le laissai et me rendis chez Mr Holmes pour lui remettre le cheval de Dixwell que j'avais laissé depuis 14 jours à la Cloche.
            Puis à la demeure de milord où Tom Guy vint me voir. Il resta afin de voir le roi toucher les gens atteints du mal du roi. Mais le roi ne vint pas, car il pleuvait trop fort, et les pauvres gens restèrent tout le matin sous la pluie dans le jardin. Il les toucha plus tard dans la salle des Banquets.
            Avec milord chez milord Friesendorff où il dîna. Il me confia avoir obtenu la promesse du poste de secrétaire du Conseil de la Marine pour moi, ce dont je fus heureux.
            Rencontrai Mr Chetwind et dînai avec lui chez Hargrave, le marchand de blé de St Martin's Lane où on nous servit un bon dîner. Il me montra quelques beaux tableaux et un instrument qu'il appelait un " angélique ". Avec lui à Londres. Changeai tout mon argent hollandais contre de l'argent anglais chez Blackwell. Ensuite au Chapeau du Cardinal où le représentant du Conseil de la Cité devant les Commissaires Parlementaires se joignit à nous. Il paya pour tout.
            Retour à Westminster où se trouvait milord. Je discutai un moment avec lui de ses problèmes de famille. Je rentrai et écrivis des lettres pour la campagne. Puis, au lit.


                                                                                                                   24 juin
                                                                                                             dimanche

            Pris ma boisson du matin chez Harper et y achetai une paire de gants. Ensuite chez M George Montagu à qui je fis part des nouvelles que j'avais reçues de Douvres sur son affaire. Il a des chances d'être élu.
            Ensuite à la maison et de là, avec ma femme, chez mon père. Elle s'y rendit. J'allai chez Mr Crew où je dînai. Milord dîna chez milord Montagu de Broughton dans Little Queen Street.
            Dans l'après midi chez Mr Mossom avec Mr Moore. Nous nous assîmes sur le banc de Butler, puis à Whitehall pour chercher milord,  mais en vain. Retour chez Mr Crew où je le trouvai et lui remis des lettres.  Entre autres quelques lettres un peu niaises de notre lieutenant, le lieutenant Lambert, pour lui et pour moi, qui nous ont tous fait rire ainsi que Mr Crew. Je me rendis chez mon père pour leur dire que je ne pourrai venir souper.  Ensuite,  après avoir fait mon travail chez Mr Crew je rentrai chez moi, ma femme rentra un peu après moi.
            Pendant tout ce temps je ne pense qu'à mon poste de secrétaire du Conseil de la Marine.

                                                                                                                    25 juin 1660

            Avec milord tout le matin à Whitehall. Je parlai à Mr Coventry de mon affaire, il me promit toute l'aide que je pouvais espérer. Dînai avec le jeune Mr Powell qui revient du Sund et qui s'amuse des grands changements ici. Mr Southern est maintenant le secrétaire de Mr Coventry. À la Jambe dans King Street, de là à l'Amirauté où je retrouvai Mr Turner du bureau de la Marine, qui briguait le poste de secrétaire du Conseil de la Marine. Il fut très courtois envers moi et moi envers lui, et il en sera ainsi.
            Une lettre de milady Monck est arrivée pour milord à ce sujet ce soir. Mais il refusa d'aller la voir, lorsqu'il rencontra à Whitehall sir Thomas Clurges, son frère, lui fit répondre qu'il ne céderait pas dans mon affaire. Et qu'il était convaincu que le général Monck le prendrait mal si milord s'avisait de nommer son armée, qu'en conséquence il souhaitait être libre de nommer un officier de la flotte.
            En voiture avec milord chez Mr Crew, nous discutâmes très joyeusement des derniers changements et de sa bonne fortune.
.....................
              À la maison, tard à écrire des lettres, puis chez milord. C'est la première nuit qu'il dort à Whitehall depuis qu'il n'est plus en mer.

                                                                                                                         26 juin

            Debout. Je fus appelé par Mr Pinckney à qui j'ai payé 16 livres pour les commandes qu'il a passées pour les capes et les manteaux de milord. Puis à la maison de milord qui dîna seul aujourd'hui. J'allai trouver le Secrétaire d'état Nicholas lui portai les résolutions de milord quant au titre qu'il a choisi Porstmouth. Je rencontrai Mr Throgmorton, un marchand qui m'accompagna à la vieille taverne des Trois Tonnes à Charing Cross. Il me fit cadeau de cinq pièces d'or pour que je lui rende un petit service pour une cargaison à destination de Bilbao.  Ce que je fis.
            Dans l'après midi, un marchand, un certain Mr Watt vint me voir. Il m'offrit cinq cents livres si je renonçais au poste de secrétaire du Conseil de la Marine. Je prie Dieu de me conseiller ce que je dois faire dans tout cela.
            Rentré chez moi je retrouvai mon père. Je l'emmenai ainsi que ma femme par le fleuve à White Friars tandis que moi-même j'allai à la Garde-Robe pour voir Mr Townshend qui m'accompagna chez Blackwell, l'orfèvre. Nous choisîmes pour milord un cadeau d'argent de 100 livres destiné au secrétaire Nicholas. Retour soupai chez mon père, puis à la maison. Au lit.

                                                                                                                            27 juin

            Avec milord chez le Duc où il demanda à Mr Coventry de s'occuper de mon affaire du Conseil de la Marine. Tout le monde me félicita comme si j'avais déjà le poste. Puisse Dieu y pourvoir.
            Dîner avec milord et tous les officiers de son régiment qui ont invité milord et ses amis autant qu'il voudrait en convier à dîner au Cygne à Dowgate. C'est une auberge simple qui a piètre allure mais la chère y est abondante et le poisson excellent. Là Mr Symons, le chirurgien, me raconta qu'il risquait de perdre le domaine qu'il avait acheté. Ce qui m'a fait bien plaisir. *
            A Westminster et avec William Howe en voiture chez le Président de la Chambre où milord dînait avec le roi. Mais nous ne pûmes pas entrer. Nous revînmes donc et, après avoir chanté une ou deux mélodies dans l'obscurité dans ma chambre où l'acoustique est très bonne maintenant que le lit a été enlevé, je rentrai à la maison, et au lit.

* Le domaine sera confisqué par l'église en août 1660.

                                                                                                                                                                          28 juin 1660

            Mon frère Tom vint me voir avec des modèles pour choisir un costume. Je lui payai toutes ses dépenses jusqu'à ce jour et lui donnai un acompte de 10 livres.
            Chez Mr Coventry. Il me dit qu'il me soutiendrait dans mon affaire.
            Chez sir George Downing. C'est la première visite que je lui rends. Il est si ladre que je ne me soucie guère de lui rendre visite. Je me suis totalement libéré de son service et lui ai donné toute liberté de recruter quelqu'un d'autre. Hawley l'a également quitté. Il passe au service de sir Thomas Ingram.
            Puis je rendis visite à Mrs Pearse, la femme du chirurgien. Je l'ai trouvée au lit dans sa maison dans l'enclos de l'église St Margaret. Son mari est reparti en mer. Je l'ai invitée à venir dîner aujourd'hui avec ma femme et moi. Puis chez milord resté au lit jusqu'à 11 heures, car il s'était couché à près de 5 heures, ayant soupé très tard avec le roi.
            Ce matin j'ai vu le pauvre évêque Wren qui se rendait à la chapelle, car c'était une journée d'actions de grâces pour le retour du roi.
            Lorsque milord fut réveillé j'allai le voir dans la chambre d'enfants où il dort. Après avoir un peu parlé avec lui je pris congé et j'emmenai ma femme et Mrs Pearse dîner à la maison des Drapiers, où Mr Pearse, le régisseur, nous rejoignit. Nous fûmes invités par Mr Chaplin, l'entrepreneur des subsistances, chez qui habitait Nicholas Osborne. ce fut un excellent repas. C'est un endroit agréable, bonne compagnie et très bonne musique. Je fus heureux d'être capable de reconnaître à sa voix un homme que je n'avais jamais entendu auparavant, comme étant l'un de ceux qui chantèrent jadis, derrière le rideau à l'opéra de Sir William Davenant. Le Dr Gauden et Mr Gauden, l'entrepreneur des subsistances, dînèrent avec nous. Après cela chez Mr Rawlinson pour le voir lui et sa femme. Nous aurions volontiers rendu visite à Mme Wight mais son unique enfant, une fille, était morte la nuit dernière.
            A la maison, puis chez milord qui soupait chez lui. Mr Edward Montagu et Mr Crew restèrent tard. Rentrai à la maison, et au lit.

                                                                                                                     29 juin

            Depuis un ou deux jours Jane, la domestique, est souffrante. Nous sommes bien embarrassés sans elle. Debout et à Whitehall où je reçus du Duc la commission me nommant secrétaire du Conseil de la Marine. On me remit aussi le brevet nommant milord comte de Portsmouth et vicomte Montagu  d'Hinchingbrooke.
            Puis chez milord à qui je rendis compte de ce que j'avais fait. Ensuite chez Sir Geoffrey Palmer à qui je remis les documents lui permettant d'établir les traites. Il me dit que milord devait demander à un bon latiniste de rédiger le préambule de son brevet de comte qui doit mentionner les services qu'il a rendus récemment, dans les meilleurs termes possibles. Il me dit dans quels termes pompeux sir John Grenville a fait rédiger le sien. Ce qu'il n'approuve pas. En revanche sir Richard Fanshawe a très bien formulé celui du général Monck.
jan_steen_0161.1259796153.jpg            Retour à Westminster. J'y rencontrai Mr Townshend avec qui j'allai dîner à la Jambe, près du Palais. Puis à Whitehall où Mr Hutchinson à l'Amirauté, m'apprit que mon prédécesseur comme secrétaire à la Marine est toujours en vie et en route pour Londres pour demander à reprendre son poste. Ce qui me rendit un peu triste. J'en parlai le soir à milord qui me dit de prendre possession de mon brevet et qu'il ferait tout ce qui était en son pouvoir pour l'écarter. Cette nuit milord et moi avons examiné la liste des capitaines et avons marqué le nom de ceux que milord n'a pas l'intention de garder. A la maison, et au lit. Notre servante est très malade et couchée depuis deux jours.

                                                                                                                          jan steen                                                                                                                             30 juin 1660

            De bonne heure chez sir Richard Fanshawe pour faire rédiger le préambule du brevet de milord.
            Ensuite chez milord et avec lui à Whitehall où je vis un grand nombre de belles têtes de marbre antiques dont milord Northumberland a fait cadeau au roi. Je rencontrai Mr Critz qui regarda de nombreuses pièces de la galerie et se fit grand plaisir à me dire de qui elles étaient.
            Dînai à la maison. Mr Hawley partagea avec moi six de mes pigeons que ma femme avait décidé de tuer.
            Aujourd'hui Will, mon domestique, est arrivé. La servante est toujours si malade que ma femme ne pouvait rester plus longtemps sans quelqu'un pour l'aider. Dans l'après-midi avec sir Edward Walker, chez lui près de l'église St Giles, pour l'arbre généalogique de milord que je portai à sir Richard Fanshawe.
            Chez Mr Crew où je pris de l'argent afin de payer Mrs Ann, la domestique de Mrs Jemima, et de la congédier. Elle partit donc et une autre la remplace. A Whitehall avec Mr Moore. J'y trouvai une lettre de Mr Turner du bureau de la Marine m'offrant 150 livres en plus de mon brevet et me donnant des conseils sur la façon de tirer le meilleur profit de ma charge et d'écarter Barlow.
            Chez milord jusque tard dans la soirée, puis à la maison.


                                                                                    .............../ à suivre juillet 1660


                                                                                                                                             
                                                                                                                   
         

samedi 22 mars 2014

Anecdotes et Réflexions d'hier pour aujourd'hui Victor Hugo ( Choses vues France )




                                                               1869

            Le deuil personnel a ses devoirs, mais le deuil public a aussi les siens. Je fais donc taire ma douleur privée et je viens me joindre à vous dans cette commémoration religieuse de la République au tombeau,  anniversaire du grand souvenir et de la grande persévérance.
            Je n'ai du reste à dire que quelques mots.
            Mon intention n'était pas d'élever la voix, mais puisque quelques-uns d'entre vous semblent le désirer je dirai quelques mots.

            Autre début .
            Puisque quelques-uns d'entre vous semblent croire que ma parole, qui n'a d'autre force que l'honnêteté et la droiture, peut ne pas être inutile dans la gravité des circonstances actuelles, je sens que ce qu'il y a de personnel dans le deuil privé doit s'effacer devant le devoir, et je réponds à l'appel qui m'est fait.
            Je me bornerai du reste à quelques mots qui,à l'heure où nous sommes, me paraissent le corollaire naturel du grand anniversaire que nous célébrons.

            Quand Notre Dame de Paris fut publié on a dit :
        - C'est inférieur à Han d'Islande.                                                            
            On se trompait. .
            Quand Les Misérables et Les Travailleurs de la Mer ont paru, on a dit :
            - C'est inférieur à Notre Dame de Paris.
            On s'est trompé.
            Quand L'homme qui rit paraîtra on dira :
            - C'est inférieur aux Misérables et aux Travailleurs de la Mer.
            On se trompera.

            Mes oeuvres actuelles étonnent et les intelligences contemporaines s'y dérobent le plus qu'elles peuvent.

            Le succès s'en va.
            Est-ce moi qui ai tort vis-à-vis de mon temps ? Est-ce mon temps qui a tort vis-à-vis de moi ? Question que l'avenir peut seul résoudre.
            Si je croyais avoir tort, je me tairais, et ce me serait agréable. Mais ce n'est pas pour mon plaisir que j'existe, je l'ai déjà remarqué.

            Si l'écrivain n'écrivait que pour son temps, je devrais briser et jeter ma plume.

            Il est certain qu'un écart se fait entre mes contemporains et moi.
            Je ne suis ni assez orgueilleux pour croire que je n'ai pas un tort, ni assez insensé pour croire qu'ils n'ont pas une raison.
            Avoir un tort ce n'est pas avoir tort. Avoir une raison, ce n'est pas avoir raison.
            Quel est mon tort ?
            Quelle est leur raison ?

            L'homme qui rit est un livre qui a eu en naissant des malheurs dont le principal est son éditeur. Ce livre est si peu jugé qu'on pourrait dire qu'il n'est pas même publié. Attendons.
            Ceux qui considèrent l'exil comme rien se trompent.

*********
            Il m'importe de constater l'insuccès de L'homme qui rit.
            Cet insuccès se compose de deux éléments : l'un, mon éditeur ; l'autre, moi
            Mon éditeur : Spéculation absurde, délais inexplicables, perte du bon moment, publication morcelée, retards comme pour attendre le moment d'engouffrer le livre dans le brouhaha des élections.
            Moi : J'ai voulu abuser du roman, j'ai voulu en faire une épopée. J'ai voulu forcer le lecteur à penser à chaque ligne. De là une sorte de colère du public contre moi.

                                                                                                             24_25 octobre

            J'ai lu aujourd'hui et hier Torquemada. Présents : Meurice, mes fils, Mme Drouet, Mme Charles.

                                                                                                                    26 octobre

            A quatre heures, dépêche électrique : il n'y a rien eu à Paris que des cris de Vive l'Empereur et des vers de M. Sagne.
            Il n'y a pas d'autre consolation que celle-ci : on peut être cocu et aimé.

            Je suis un Mithridate de la critique. Vous comprenez que j'aie fini par m'endurcir, moi qui depuis trente-huit ans  suis accoutumé à être tué tous les quinze jours par La Revue des Deux Mondes.
         
            Un mur plaît par l'air sombre et par le joint des pierres.

                                                                                                      Carnet 1869

            JUGES.
            Coupures de journal -" La 8è Chambre de police correctionnelle vient de condamner à quinze jours de prison le nommé Jean Guibert prévenu d'avoir voulu monter sur la grille placée au pied de la colonne de la Bastille afin d'y poser un bouquet d'immortelles. "
            Voilà où en est en France la chose nommée Justice. Espérons que nous lirons bientôt dans les journaux des comptes rendus comme ceux-ci :
                                              Tribunal correctionnel de X...
            Sévices et blessures -  Procès d'une fille accusée d'avoir porté un coup de pied à quatre hommes qui, dans l'intérêt de la morale, l'avaient renversée sur le bord du chemin, voulant tout au plus la violer.
            Injures graves - Cinq ans de prison, et 10 000 francs d'amende, prononcés contre un individu qui, ayant rencontré dans un bois un promeneur bien mis qui lui a pris sa bourse, a appelé ce monsieur brigand et voleur.
LA MUFLERIE DES BOUTEFLIKA & Co                                               Cour d'Assises de X...
            Guet-apens nocturne - Vingt ans de travaux forcés prononcés contre un homme reconnu, après instruction préliminaire, et débats contradictoires, coupable de s'être embusqué avec une carabine derrière sa fenêtre, et d'avoir résisté avec violence à des passants porteurs de sabres, de fusils et de pistolets, qui, dans l'intérêt de la propriété, escaladaient, la nuit, le mur de sa maison.
......
            L'Empire actuel, c'est la France entre deux parenthèses               lematin.dz                                       jésuite et le gendarme.

            A de certaines époques,les lâches s'étalent, les traîtres s'élargissent, les fourbes tiennent publiquement de la place, une vaste turpitude publique brille au soleil, et à voir tout ce qu'il y a sur le pavé, il semble que la France ait pris un vomitif.

            O Corneille, ce n'était pas le passé que tu regardais de ton oeil rêveur, c'était l'avenir, quand tu disais à demi-voix ce vers terrible :
                                               Un tas d'hommes perdus de dettes et de crimes !
..............

            O siècle ! Quelles écuries à balayer ! Augias était un parfumeur.

..............

            Le terrible socialiste de " La propriété - c'est - le - vol, etc ... etc..." a un côté niais. De face c'est Croquemitaine, de profil c'est un bourgeois. Il y a deux choses dans M. Proudhon : M. Prudhon et M. Prudhomme.

...............

            Quel poids vous m'ôteriez de dessus la poitrine ? Ceux qui s'aiment que deviennent-ils ?

            Vous êtes pour le droit de réunion. Laissez-nous celui-là la mort.


                                                                                                       Victor Hugo
         

       








          

mercredi 19 mars 2014

Autre imitation d'Anacréon Jean de La Fontaine ( Nouvelle en vers France )


smsdamitie.blogspot.com

                                                        Autre imitation d'Anacréon

            J'écris couché mollement,
            Et contre mon ordinaire
            Je dormais tranquillement ;
            Quand un enfant s'en vint faire
            A ma porte quelque bruit.
            Il pleuvait fort cette nuit :
            Le vent, le froid et l'orage
            Contre l'enfant faisait rage.
            - Ouvrez, dit-il, je suis nu.
            Moi, charitable et bon homme
            J'ouvre au pauvre morfondu ;
            Et m'enquiers comme il se nomme.
            - Je te le dirai tantôt,
            Repartit-il, car il faut
            Qu'auparavant je m'essuie.
            J'allume aussitôt du feu.
            Il regarde si la pluie
            N'a point gâté quelque peu
            Un arc dont je me méfie.                                                          
            Je m'approche toutefois ;                                                                           venus et cupidon
            Et de l'enfant prend les doigts ;
            Les réchauffe ; et dans moi-même                                                              
            Je dis : Pourquoi craindre tant ?
            Que peut-il ? C'est un enfant.
            Ma couardise est extrême
            D'avoir eu le moindre effroi,
            Que serait-ce si chez moi
            J'avais reçu Polyphème ?
            L'enfant, d'un air enjoué,
            Ayant un peu secoué
            Les pièces de son armure,
            Et sa blonde chevelure,
            Prend un trait un trait vainqueur,
            Qu'il me lance au fond du coeur.
            - Voilà, dit-il, pour ta peine.
           Souviens-toi bien de Clymène,
           Et de l'Amour : c'est mon nom.
           - Ah ! Je vous connais, lui dis-je,
           Ingrat et cruel garçon ;
           Faut-il que qui vous oblige                                                   
           Soit traité de la façon ?
          Amour fit une gambade ;
          Et le petit scélérat
          Me dit : - Pauvre camarade,
          Mon arc est en bon état ;
          Mais ton coeur est bien malade.

                                                                                                                              idixa.net
                                                                                    Jean de La Fontaine                                                                                   
              

mardi 18 mars 2014

Leonardo DiCaprio Douglas Wight ( biographie cinéma EtatsUnis )





                                             Léonardo
                                                      DiCaprio   

            Difficile " ... de discerner tous les ingrédients qui concourent à une vie réussie... " Né à Los Angeles, il vit ses premières années dans un quartier déshérité. Ses parents séparés vivent néanmoins en bonne entente et Léo trouvera auprès de son père ami de " Allen Ginsberg, Burroughs, Selby jr et Crumb " tous les conseils, comme choisir un scénario tiré d'un livre inconnu de la jeune vedette. A sept ans il tourne dans quelques publicités, enfant turbulent, capricieux, sa mère ne relâche pas sa vigilance et suit ses castings. A quinze ans les premiers jalons d'une carrière qui l'a sorti de " Crassville " et le mènera aux quartiers des stars de Hollywood sont posés. Il tourne dans des séries pour ados, mais le vent tourne, et Léo peut terminer le lycée. A la lecture du livre qui pourrait n'être qu'une hagiographie, on aperçoit un parcours largement aidé par ses parents et le plaisir " ... J'ai eu l'occasion de me voir à la télé. Je suis devenu complètement obsédé. C'était magnifique. " En classe il fut élu " élève le plus bizarre " et les filles qu'il côtoya ne virent pas la future star. Pourtant l'instinct, la volonté, il dit encore note l'auteur " ... Je jouais toujours la comédie à la maison et à l'école. Je regardais les pubs à la télé tout le temps et je croyais sincèrement que j'étais meilleur que n'importe lequel de ces gamins... " Il apparaît à la télévision dans Roseanne, Santa Barbara et surtout Quoi de neuf docteur ? 23 épisodes. 1991/1992 - 1993 il surprend De Niro qui le choisit pour " Blessures secrètes ". Il le retrouvera dans divers projets aboutis ou non. Arrive l'épisode Titanic. A 21 ans aux côtés de Kate Winslett il envahit le coeur de toutes les adolescentes qui voient le film des dizaines de fois. La tête semble lui tourner et commence dans le livre une fulgurante ascension et un tourbillon de top-modèles auprès de la vedette, Les méandres des productions, les dates de sortie repoussées, les millions de dollars investis, les mois de tournage, son association très fructueuse avec Scorsese ( 5 films ).Il choisit des rôles d'hommes aux personnalités fortes, étranges, Gatsby, Hoover, le Loup de Wall Street, Roméo et Juliette, Rimbaud Verlaine, Django. Bien que reconnu par les tabloïds comme un très grand amateur de mannequins, et un pilier de boîtes de nuit, DiCaprio est aussi producteur " Aviator , Les marches du pouvoir "... Léonardo DiCaprion propriétaire d'une tortue qui n'a que vingt ans, par ailleurs multiplie les interventions pour " la défense de la nature ". Le livre pousse le lecteur à revoir des films tels Inception de Clint Eastwood tourné en 39 jours, et suivre plus attentivement le jeu de l'acteur. L'auteur souligne sa très grand affection pour sa famille, notamment sa mère souvent présente à ses côtés lors des premières, ses grands-parents allemands.
              

vendredi 14 mars 2014

Correspondance Proust Reynaldo Hahn 7 ( lettres France - sélection - )



reynaldo.hahn.net
                                                                                                         ( Novembre - Décembre 1906 )

            Hélas seul de tant d'illustres
                   Ducs et rustres
            Pour Chicago et Boston
                   Seul, ne peut t'offrir, ô Maistre !
                   Une lettre,
            L'ermite Porte-Bâton
            Dettelbach ou Chevigné*
                   - Résigné ! -
            Aux Yankees te recommande
            Et leur monde
            De prendre comme leçon
            Ta chanson.
            Wladimir noble grand-duc
             - bien caduc ! -
             Adresse de son pupître
             Mainte épître
             Non pas - à quoi bon ? -aux Fould,
                      Mais aux Gould !
             La Pourtalès débonnaire
             Dont sera centenaire
             Cet air - trop tard - célébré,
             De sa plume originale
                      Te signale
             Au consul Alcide Ebray !
             Tous ceux à qui ta Chronique
             fait la nique
             Jusqu'aux Reskés de Noufflard
             Font s'élever tes louanges
             Jusqu'aux anges
             Pour tous ces marchands de lard

            Je vous enverrai suite. Mais ne laissez pas traîner à cause de plaisanteries ( idiotes ) de Chevigné et sur la Pourtalès

*    A NewYork consul de France
                                                                                           Lettre non signée



dreamstime.com
                                                                                                                             Décembre 1906

            Sonnet Envoi

            Collabore avec Louis le Gendre
            Ou même avec Hugues Delorme
            Et pendant ce temps laisse attendre
            Ton poney, - ô moschant !- sous l'orme ;
            A Vaudoyer montre un coeur tendre
            Et, que Larguier excelle ou dorme,
            Déclare son talent énorme
            A Reboux qui te sait entendre ;
            Voici le livre curieux
            Du " bon poète "des Rieux
            Que ton pauvre moschant t'envoie.
            C'est avec bien chagrin au coeur
            Qu'il délaisse aux autres la joie
            D'être ton collaborateur

                                                                                             ( lettre non signée ) 


    
cinememorial.com
                                                                                              Décembre 1906

            Versailles
         
            Muncht,
            Est-ce que vous pensez à mon Walter Scott en anglais ?
            D'autre part :
            S'il ne vous était " nullement difficile " d'envoyer à Mr Robert Ulrich 30 rue Gramme ( comme un gramme ) Paris 2 places à l'oeil pour La Vierge d'Avila,* voulez-vous le faire.
            Si c'est ça de dérangement, ne le faites pas. Mais dans ce cas serait-ce vous demander une nouvelle corvée que de vous demander de lui écrire
           " Mr
           Mr Proust m'a demandé si je pourrais vous envoyer 2 places pour La Vierge d'Avila. Il m'est malheureusement impossible d'avoir ces places. Recevez etc. "
           ou rien du tout
           Binjours genstil.

                                                   Marcel

            Votre marchand de tapis vient-il à Paris cet hiver ? En a-t-il de " persans " ? anciens ? Est-il
" avantageux "

 * pièce de Catulle Mendès musique Reynaldo Hahn, Sarah Bernhardt interprète Ste Thérèse d'Avila.   



                                                                                                             Décembre 1906



                                                Air du Pont des Soupirs

            Un jour l'ermite de Versailles
            Ecrivit à son Reynaldo :
            Comme je suis sans sou ni mailles a, ailles
            Ah ! ne crois pas à un Kasdeau
            Ah ! Ah ! Ah ! Ah ! Ah ! Ah !
            C'est une action de tramway électrique 
            Que pour toi j'ai su bien placer,
            Et tu ne vas pas, je m'en pique,
            Me refuser, refuser !
            Ah ! Ah ! Ah ! Ah ! Ah ! Ah !
            Cette affaire où ma science unique
            A bien su pour toi spéculer
                      ( Avec force )
            C'est le tramway électrique
            Je vais, je vais te l'envoyer !
            Ah ! Ah ! Ah ! Ah ! Ah ! Ah !

                                                                                       ( Lettre non signée )


 
                                                                                                          11 Décembre 1906

            Versailles

            Mon petit Binibuls
            Je suis bien honteux de vous rescrire pour une si petite somme. Vous savez que si vous vouliez argent, le mien est à votre disposition et c'est dit une fois pour toutes, quelque somme que vous voulez. Mais pour le misérable petit gain que je vous ai fait faire et qui n'a aucun rapport, je n'ai pas envie que vous me déshonoriez aux yeux du Crédit Industriel ou des Rotschild en priant celui qui vous l'enverra de vous le remettre à mon compte. Je préfère pas d'avanies publiques. J'attendrai donc que vous me disiez que je peut, mais je trouve horriblement moschant si vous ne me dites pas immédiatement de le faire. Car à la simple supposition qu'une somme à la fois dérisoire et biscornue est un cadeau, me fâche plus que tout. En tous cas c'est fait je vous en supplie de ne pas nous éterniser sur cette connerie. J'ajoute que je viens de songer que mon notaire n'avait jamais encaissé les revenus de valeurs qu'il avait en garde, que je les ai fait encaisser ces jours-ci par la maison Rotschild, que cet arriéré datant d'assez longtemps est considérable et qu'en conséquence je me trouve avoir de l'argent disponible absolument imprévu et que si avant votre départ vous souhaitiez avoir pour n'importe quoi une somme même considérable ( pas les 580 ! )  cela me serait la chose la plus simple du monde. Je n'insiste pas. Vous êtes prévenu. Quant aux 580 j'attends vos ordres mais je les espère genstils.                                                                                    
             Ne venez pas ici, il fait mauvais, je me réveille tard, et je n'ai besoin de quoi que ce soit. J'ai dit à Léon de vous conseiller de prendre des nouvelles de Mme de Lauris* qui va moins bien et d'inviter Louisa à dîner avec Gangnat**. Et je vous dis que je suis votre Buncht. Lisez dans Le Temps de ce soir ( Mardi ) l'article sur la fille de Louis XV qui s'était faite Carmélite. Ceci me choque toujours qu'on prononce le nom de Carmélite sans parler de Birninuls***, mais à part cela l'article - comme du reste tous ceux intitulés la petite histoire - est assez josli. Et dans Le Temps d'hier ( lundi ) en 1ère page assez intéressants souvenirs de Bourget sur Brunetière.
                                     Hasdieu.

                                      B.
         
*         Malade mère de son ami Georges de Lauris qui travailla avec Proust sur Contre Saint-Beuve.
**      Louisa de Mornant actrice maîtresse de Gangnat.
***    Catulle Mendès auteur du livret de La Carmélite, Reynaldo Hahn de la musique.
****  Directeur de la Revue des deux Mondes de 1893 à 1906.



cinema.encyclopedie.personnalites.fr                                                                                                                                             vincent scotto auteur mon annanite                                                                                                                                                                                                                                                13 décembre1906

            Versailles        

            Mon cher Irnuls
            Avant de me kouscher je veux vous donner petit bonsoir et vous dire de quelles pensées me laissent vos visites qui m'émeuvent d'une telle reconnaissance et d'une telle angoisse de votre départ. Vous êtes plus genstil que n'importe qui ne pourrait imaginer, mon pauvre gentil qui venez ainsi, à ces heures, par ce temps. Mais par là vous redoublez tendresse et rendez plus cruelle la séparation prochaine ( je parle du voyage d'Amérique ). Je crois qu'il serait trop déraisonnable d'aller de Versailles et d'avoir à revenir le 24. Et après avoir décidé après votre départ que oui, je décide que non. Pourtant à tout hasard si vous savez un jour la liste des assistants, dites-le moi pour que je voie si à supposer que je le risquasse cela n'aurait pas d'inconvénient pour moi.
            Je continue tout de même " Harmental ", où le puéril Denis est digne à la fois de Balzac et de Paul de Cocke. Mais tout ce que vous m'avez insinué, m'a mis dans l'esprit que Bathilde est sûrement une fille du Régent. Et alors quel ennui de penser que d'Harmenthal s'est lancé dans cette conspiration et qu'il va y avoir des conflits douloureux dans un roman où je n'aurais voulu que de la curiosité heureuse, du triomphe et de la gourmandise. C'est bien mal escrit ( pas d'Harmenthal, ce que je vous dit ) et quand je pense aux lettres admirables qu'écrit Buninuls même à Aderer, je ne comprends qu'il continue à daigner correspondre avec un ami ramolli. Tâchez avant de partir de me dire tout ce que vous dois pour livres Sollier, Ruskin etc. etc. etc. Et ( je pense bien que vous avez reçu  il y a deux jours une longue lettre ) ne m'ennuyez pas avec les 580 f. nécessaires pour terminer mes comptes de fin d'année maintenant que je suis banquier. N'en parlons plus, je les ferai hensvoyer, et vous me laisserez tranquille. Et ne ferai plus hopération de bourse pour vous sans vous demander permission.

            Adieu Ha.

            Mon genstil pensant à votre infinie bonté pour moi et à la douceur qu'elle causerait à Maman si elle le savait je pense à ces vers vraiment beaux de Montesquiou :
            Je les change légèrement pour les adapter.

            Oh ! si tu m'as aimé de cette bonté tendre
            Toi que je vais quitter dans ce cruel départ
            C'est que des yeux, par toi fermés, t'ont fait entendre,
            Le testament muet du maternel regard.
            Comme tu l'as remplie en mère cette tâche
            De mère - ce mandat comme tu l'as rempli !

            ( Il s'agit d'une vieille bonne à qui sa mère à lui Montesquiou l'aurait confié en mourant ).
             Adieu Genstil.

             Je vois que j'ai mal deviné et qu'elle n'était pas fille du Régent. Pardon



                                                                                                             Décembre 1906

            Versailles

            Mon petit Buninuls
            Je pense à la manière dont vous chantez l'Annamite " en attaché d'Ambassade ". Et je me dis que rien que ce mot et les regards que vous jetez sur vos ongles valent comme intelligence plus que tout Ste Beuve. Et quand alors je pense à la manière dont vous écorchez divinement ( je ne le dis pas dans le sens habituel d'écorché ! ) Venise la rouge de Gounod, ce 1er Marsyas de la mélodie, dont les successeurs ne devaient plus écorcher que -  nos oreilles, dirait dans son horrible style, Veuillot - quand je pense à tout cela rien que quand vous chantiez et au seuil du temps où on entend les choeurs d'Esther etc etc, que puis-je imaginer de plus grand que vous et vous, hominuls.                          
Alexandre Dumas            J'ai fini Harmental ( quel joli nom ! moins que Bragelonne pourtant, des trois Dumas c'est celui que je préfère. D'ailleurs ils sont tous les trois pareils ) et je dois dire que j'ai tout deviné  dès le début, excepté le meurtre du Ctne Roquefinette qui est trop idiot pour pouvoir être deviné par une intelligence saine. Quand vous lirez ces lignes ne doutez pas que je serai plongé Une fille du Régent. Mais n'avez-vous pas confondu avec " La Régence " du même ? " Ah ! Diable ! " ( Reynaldo ).
            Je voudrais bien savoir si tout cela est historique. Il a beau appeler tout le temps le témoignage de St Simon, je ne me rappelle pas tout cela.
            Hasd

            B.                                                                                                                   dumas père


             



                                                                                                                                               
                                                  



  
         
                                           

mardi 11 mars 2014

Une belle saloperie Robert Littell ( roman policier américain )



                                              Une belle saloperie

            " ... Nul besoin d'être Philip Marlowe pour comprendre que j'étais dans le pétrin ... " Lémuel Gunn ( avec deux nn ! ) installé dans son mobile-home à Las Cruces n'a ce jour-là qu'une préoccupation, l'état de son compte épargne, aussi lorsque celle qu'il appelle Vendredi ( sa 1è visite a lieu un vendredi ) ou sa Comtesse aux pieds nus ( elle se présente à Lémuel sandales à la main ) lui propose de retrouver l'homme condamné mais en liberté sous caution, un appartement de 125000 dollars, disparu après avoir vidé le-dit logement, accepte-t-il. Il accroche sa grande caravane ( elle appartint, dit-il, à Douglas Fairbanks Jr ) à sa Studebaker année 50 et remonte vers Albuquerque. Ornella Neppi marionnettiste nièce d'un juge porte des traces de coups, a le sourire triste, Gunn ancien de la CIA détective au Nouveau Mexique après un désaccord avec la hiérarchie sait surtout "... couper des mèches pour piéger des kalachnikovs... " en Afghanistan, et combattre, passer des messages. Mais peut-être a-t-il vu trop de films avec Humphrey Bogart il sait conduire l'enquête et nous parcourons les routes du Névada où des familles de gangs moins fortes que celles de Las Végas ont créé des casinos. Oui vraiment Marlowe se serait trouvé à l'aise avec Gunn ( avec deux n ! ) sans chapeau ni imperméable. L'écriture de Littell est un salut à Chandler. Bullhead City sera l'étape clef  "... des hectares infinis de parcs de mobile-homes avaient remplacé les anciens champs de luzerne... " Le livre fourmille de références aux années sixties, malgré son parcours en Afghanistan Lémuel ne possède pas de téléphone portable, ignore le sens du mot googler. Un bon policier par l'auteur connu maître du genre et aussi ( voir par ailleurs ) de Mère Russie.