dimanche 11 février 2018

Reginald et les invitations Saki ( Nouvelle ) Grande-Bretagne


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                                          Reginald et les invitations

            L'ennui c'est qu'on ne connaît jamais vraiment son hôte et son hôtesse. On finira par bien connaître leurs fox-terriers et leurs chrysanthèmes, on saura le genre d'histoire qu'on peut leur raconter au salon ou qu'il vaut mieux dire en aparté de peur de choquer l'opinion publique. Mais nos hôtes resteront toujours pour nous une sorte sous-bois ombré qu'on n'a jamais vraiment le temps d'explorer.
            J'ai séjourné quelquefois chez quelqu'un dans le Warwickshire qui cultivait ses terres et, à part ça, ne faisait pas de vagues. On ne lui aurait même pas supposé une âme, c'est peu dire. Or, quelque temps après, voilà qu'il enlevait la veuve d'un dompteur de lions et qu'il s'installait comme professeur de golf quelque part le long du golfe persique. Ce qui était parfaitement immoral, je vous l'accorde, car c'était un joueur des plus médiocres, ce qui dénote tout de même un certain culot. Sa femme fut bien à plaindre, car il était la seule personne à venir à bout de la cuisinière, aussi fait-elle toujours désormais suivre ses invitations à dîner  de l'expression " Deo volente ". Et même si Dieu ne le veut pas toujours, il vaut mieux perdre un mari qu'une cuisinière, car une maîtresse de maison qui perd une cuisinière ne retrouve jamais tout à fait sa position dans le monde.      premiere.fr
Image associée            Je suppose qu'il en est de même pour les hôtes. Ils ont rarement l'occasion de bien connaître leurs invités et souvent, quand ils commencent à mieux faire connaissance, ils semblent devoir renoncer tout à coup. C'est un phénomène très étrange, mais que j'ai, à plusieurs occasions, pu vérifier. Lorsque j'ai quitté ces gens dans le Dorsetshire il soufflait une petite bise glaciale. Voyez-vous il m'avait invité à une partie de chasse, et j'avoue ne pas être un très bon chasseur. Rien n'est plus monotone, à mon avis, que la chasse à la perdrix. Quand vous en manquez une, vous les manquez toutes. Telle est du moins mon expérience. Et, après la chasse, comme nous étions au fumoir, ils se sont moqués de moi sous prétexte que j'en avais manqué une à dix mètres. On aurait dit un troupeau de boeufs qui cherchait à taquiner un taon. En somme, c'était assez grotesque et assez pitoyable. Aussi, le lendemain je me suis levé à l'aube parce que l'on entendait le pépiement des alouettes dans le ciel et que l'herbe était toute imprégnée de rosée, et je me suis mis en quête de ce qu'il pouvait y avoir de plus voyant en matière d'oiseau. Puis, mesurant la distance qui m'en séparait, dans la mesure du possible, j'ai fait feu de toutes mes forces. Ils ont bien sûr prétendu après coup qu'il s'agissait d'un oiseau domestique, ce qui est ridicule, car il a eu l'air très effrayé après les premiers coups de feu. Puis il s'est un peu calmé et quand il eut cessé de dire adieu au paysage à force de battements d'ailes, j'ai dit au petit aide-jardinier de le traîner dans le vestibule afin que tout le monde pût le voir en se rendant dans la salle à manger. Quant à moi, je me suis fait servir dans ma chambre. Je me suis laissé dire par la suite que ce repas avait été empreint d'un esprit fort peu chrétien. Je suppose qu'introduire un paon dans une maison doit porter malheur. En tout cas, lorsque je pris congé de mon hôtesse, j'ai immédiatement vu dans son oeil qu'elle m'avait définitivement rayé de son carnet d'adresses.
Résultat de recherche d'images pour "caricatures angleterre 1900" *           On trouve, bien sûr, des hôtesses prêtes à tout vous pardonner, même vos instincts pavonicides ( si un tel mot existe ), pour peu que vous soyez suffisamment joli garçon et suffisamment insolite pour trancher avec le reste de la compagnie, et il y en a d'autres, comme la jeune fille qui lit Meredith, et qui apparaît aux heures des repas avec une ponctualité inhabituelle dans une robe qu'elle a faite elle-même et dont elle n'a pas fini de se repentir. Elle finira pourtant par se dénicher un mari aux Indes et reviendra admirer les toiles de la Royal Academy en pensant qu'un plat de crevettes au curry constitue le minimum d'un déjeuner digne de ce nom. C'est alors qu'elle peut réellement devenir dangereuse, mais elle ne sera jamais pire que celle qui s'amuse à vous bombarder de questions sans la moindre provocation de votre part.
            Ainsi, l'autre jour, alors que je tentais de réfléchir à ce que je disais pour ne pas débiter trop d'âneries ( encore que c'est souvent quand on parle sans réfléchir qu'on en dit le moins ), ne voilà-t-il pas que mon hôtesse commence à me demander combien de poulets peuvent entrer dans un poulailler de trois mètres sur deux, ou quelque chose d'aussi incongru. Des masses, lui ai-je répondu, surtout si vous fermez bien la porte, ce dont elle ne s'était jamais avisée, si j'en juge par le silence méditatif dans lequel elle s'absorba pendant le reste du dîner.                                       lecrayon.net
Image associée            Evidemment, on prend parfois des risques et l'on commet des erreurs qui peuvent s'avérer fructueuses à long terme. Prenons nos anciennes colonies d'Amérique, par exemple, Si nous ne les avions pas aussi sottement perdues, nous n'aurions jamais eu d'Américains pour venir nous enseigner comment nous habiller ou nous coiffer. Or, il faut bien que les idées viennent de quelque part, n'est-ce pas ? Même les voyous ont une patrie. J'ai, pour ma part, idée qu'ils ont été inventés en Chine il y a des siècles et des siècles, quand nous dormions encore. L'Angleterre doit se réveiller, comme l'a dit l'autre jour le duc du Devonshire. Ah, non ? C'était quelqu'un d'autre ? Non, non, je ne suis pas de ceux qui désespèrent de l'avenir. Il finit toujours bien par arriver. A quoi bon s'en préoccuper ? Et puis il a toujours des choses gentilles à dire sur le passé. Imaginez un peu nos petits s'avisant de me trouver sympathique. J'en ai froid dans le dos.
            Tenez, il y a des moments où l'on voudrait être Hérode.

*    /aroundthestory.com

                                                                                    Saki
         

mardi 6 février 2018

Il était une fois la comédie à l'italienne Enrico Giacovelli ( Document Italie )

                    
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                                      Il était une fois

                            La Comédie Italienne

            Une aventure qui dura une vingtaine d'années, se termina autour des années 80. Le cinéma italien avait bien avant déjà pris ses marques, mais les grandes comédies, celles qui mélangeaient humour et un peu de drame. Le panorama est si complet qu'on ne peut lors d'une première lecture qu'avoir survolé les textes et les très nombreuses photos. par exemple Toto, dont on aimerait revoir les films, Vittorio Gassman dans le Fanfaron, Gassman très présent dans les films de cette période Nous nous sommes tant aimés avec Nino Manfredi. Il y eut les films passés du néo-réalisme au réalisme rose. Voici Vittorio de Sica avec Gina Lollobrigida. Martine Carol elle aussi joua une femme solitaire perdue parce que refusant la société de consommation qui se développe alors. Arrive donc les années Boom Sandra Milo et François Périer dans Annonces matrimoniales en 1963. Marcello Mastroianni participe évidemment à la ronde des films à succès tel Fantômes à Rome.
Quand les jambes d'une femme captivent les yeux d'un homme, Valeria Fabrizi et Nino Taranto en
1962 dans Les faux jetons, nous sommes nous tout regard pour ce cinéma. Arrive le cinéma de Conjoncture, Annie Girardot dans un épisode de Ah ! les belles familles 1964 réalisé par Ugo Gregoretti.  Tous les films sont détaillés, expliqués, gestes, maquillage, rapports à la société de l'époque, à venir. Il y eut le cinéma des voyages, des années de plomb. Cinéma des vieux, cinéma des jeunes. Nombre de comédiens et metteurs en scène emblématiques, Anna Magnani joua tant au théâtre qu'au cinéma, Monica Vitti à l'affiche des meilleures productions, ainsi Ugo Tognazzi. Comencini, Ettore Scola, son film La terrasse clôt la période des comédies italiennes. Un index termine ce fort volume, beau livre sur papier glacé, où l'on retrouve les titres et les noms des comédiens et réalisateurs. Passionnant pour qui s'intéresse à l'histoire du cinéma ou amoureux de l'Italie.

dimanche 4 février 2018

Commandant en chef 1 Tom Clancy ( Roman USA)


    
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                                                     Commandant en chef

            Guerre de requins, guerre d'espions. Jack Ryan junior " analyste spécialisé dans l'analyse financière ", à ce titre il traque les points de blanchiment d'argent. A Rome en compagnie de son amie Ysabel, le jour ils visitent les galeries de tableaux car sur des renseignements de la CIA plusieurs d'entre elles participent à des opérations de transfert, "...... alimentant la kleptocratie à la tête du gouvernement russe...... ", le soir le couple mène une vie douce romaine. Mais les paparazzi, l'un d'eux, Salvatore, semble avoir reconnu Jack, fils du président des EtatsUnis. Plus de dolce vita, la couverture de Jack semble découverte, de plus une forte explosion dans un dépôt pétrolier, l'attaque d'un train transportant des soldats russes, tout cela dans les petits pays baltes, l'Estonie, la Lituanie, l'oblast de Kaliningrad démontrent la nervosité qui règne dans la région. Jack quitte Rome précipitamment pour le Luxembourg place financière, laissant Ysabel terminer le travail d'enquête à Rome. Par ailleurs à Moscou le président Vladimir Volodine ne montrera ses incertitudes qu'à un seul homme, Limonov, jeune gestionnaire financier, sans ambition politique, ce qui plaît à Volodine qui décide de lui confier son portefeuille évalué à ce moment à vingt et un milliards d'euros. car, dit-il, "...... j'ai entendu parler de ton réseau financier........ J'ai besoin que tu fasses quelque chose pour moi........ ce sera très lucratif....... Ceci sous le sceau du secret le plus absolu....... - Konetchko ( évidemment ) "  Limonov est un financier aguerri, il a travaillé pour entre autres Gazprom, il écoute avec étonnement le président "....... J'ai un certain nombre de biens personnels un peu partout dans le monde ainsi que quelques comptes bancaires....... " Ainsi parle l'un des hommes les plus riches du monde, fortune placée dans des sociétés et surtout dans des paradis fiscaux, et trop nombreux, des membres de son gouvernement, sont ceux qui savent où se trouve son argent. " Pour que personne ne puisse savoir où se trouve mon argent, tout un tas de gens doivent savoir où se trouve mon argent....... " Volodine pense qu'à l'ouest ses avoirs sont traqués. En Russie tout le monde craint le FSB, ex KGB. Pourtant le problème de Volodine "...... n'est pas les Américains, il est dans nos murs...... " Et les événements s'accélèrent à Vilnius, au Luxembourg, aux EtatsUnis, où la Défense a repéré un sous-marin très puissant à la limite des eaux internationales et alors que Jack Ryan sénior vole vers le Danemark pour une visite officielle. Très intéressant roman qui entre dans les méandres financiers des paradis fiscaux, Volodine acceptera de transformer toute sa fortune, un très court moment, en bitcoins, et le scénario est bien expliqué, semble parfait. Qui dans cette histoire se bat pour la liberté, les espions sont partout. Très bon roman.





Vie et Caractère du Doyen Swift ( Poème Irlande )

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                                          Vie et Caractère du Doyen Swift

            La Rochefoucauld, en sa sagesse
            Fit une maxime rosse, vraie et fine :
            Et s'il n'a pas parlé pour rire
            Les hommes sont vraiment de drôles de gens.
            Mais, avant tout autre commentaire,
            Citons donc la maxime elle-même.

            Il dit : " Chaque fois que le sort décide
             Le malheur de nos plus chers amis,
             Extérieurement, nous sommes tristes,
             Mais sous cape, nous rions souvent. "
            Et quand j'y songe, en cette minute,
            Je me dis qu'il y a du vrai là-dessous.
            Quand un compagnon glisse et tombe
            Tous et chacun éclatent de rire.

            Tom convoite une femme bien pourvue,
            Jeune personne de bien dix mille livres...
            Il ne pouvait vraiment pas faire mieux.
            Un rival vient -- et Tom est floué.                                                     pinterest.fr
Image associée            Voyez donc ses plus sûrs amis,
            Comme ils le tournent en dérision...
            Les langues se déchaînent, on vient dire :
            " Pauvre Tom, qu'est-ce qu'il a pris sur le nez ! "

            L'amitié des hommes n'est qu'un leurre ;
            Combien d'exemples ai-je sous la main !
            Chaque fois qu'un jeune lèche-bottes pleurniche :
            " Vous êtes un autre moi-même ", il ment...
            Pour une guinée perdue aux cartes
            Il a plus de peine, de rage et de soucis,
            Plus de chagrin sincère en son coeur
            Que si vous vous rompiez les membres.

            Dîtes-moi, cela vous ferait-il plaisir,
            Si votre ami est un égal,
            Qu'il prenne toujours le pas sur vous,
            Tâchant de passer aux yeux du monde
            Pour quelqu'un de très supérieur ?
            L'envie, je pense, prendrait vite le dessus
            Et votre affection ne durerait guère.
            Ce serait pour vous une gourmandise
            Qu'à la fin il se cassât le nez.

            Certes on parle beaucoup de l'amitié                                                commons.wikimedia.org
Image associée            Mais qui sait lui rester fidèle ?
            La vraie amitié veut deux coeurs
            Ayant même désir et même haine.
            Mon ami doit, quand je suis triste,
            Sentir une peine proche de la mienne.

            Or, l'expérience souvent nous montre
            Que nos amis ont autre chose en tête ;
            Et quand la goutte me martyrise
            Ça les fait rire de m'entendre hurler,
            Tout heureux d'être eux-mêmes ingambes,
            Supposons deux amis intimes
            Et tous deux aspirants poètes...
            L'un des deux aimerait-il apprendre
            Que l'autre a décroché la timbale ?
            Que son rival est sur le pavois
            Et lui-même est classé deuxième ?

            Vos amis, dîtes-vous, prennent chaque jour
            De vos nouvelles, quand vous êtes malade ;
            Ça vous fait belle jambe, hélas !
            Ils se moquent bien de vous ; - c'est pour la forme -
            Le soir de votre mort, ils ne laisseront pas
            D'aller voir jouer les marionnettes,
            Mais seront exacts aux condoléances
            Nantis de crêpes, d'écharpes et de gants.
            Pour mettre en relief ces vérités..
            Supposons qu'il s'agisse de moi-même :

            Le jour viendra où les gens diront :
              " L'avez-vous su ?... Le Doyen est mort.
              - Le Pauvre, il est parti si vite !...
              Il a craqué... et dans la fosse...
              - Qu'est-ce qu'il a laissé comme argent ?...
              - On a parlé de deux cent mille livres...
              - On dit qu'il avait du talent...
              - Mais il a écrit tant de sottises...
             - Il devait être très cultivé...
            - Ça ne m'a jamais frappé chez lui...
            Je sais qu'on se plaignait entre ses proches
            Qu'il fût léger pour un Doyen...
            C'était un honnête homme pour sûr...
            - Pardon, là nous ne sommes pas d'accord.
            Car si j'en crois un autre son de cloche,
            C'était un Tory enragé.
            - Nous savons pourtant de source sûre
              Qu'il était bien vu à la Cour.
            - Oui, on y était très bon pour lui,
            Plus qu'il ne méritait, je vous assure...
            Si l'on en croit ses familiers,
            Il était devenu d'un rasoir... "

            Il espérait gagner quelque chose,
            Quelque médaille pour son talent
            Mais là, il a bien été floué...                                                                   la-fontaine-ch-thierry.net
Résultat de recherche d'images pour "la rochefoucauld biographie"            - Je trouve que de toute vos sales blagues
              Il avait bien le droit de se plaindre...

            Allons-nous oublier le Drapier ?
            N'a-t-il pas fait beaucoup pour l'Irlande ?
            Les Lettres du Drapier sont de lui....
            Mais l'oeuvre était au-dessus de ses forces ;
            Nous avions cent talents plus aptes,
            Et n'avions nul besoin de sa plume...
            Dîtes ce que vous voulez de sa culture
            Mais ne venez pas défendre son ton...
            Il se déchaînait dans des satires,
            Et ne laissait personne tranquille...
            Attaquant selon son bon caprice
            Cour, ville, province, sans y regarder.
            Et n'était-ce que du gâchis que sa campagne
            Contre notre grand patriote Sir Robert
            Dont les avis à la Couronne
            Firent tant de fois le salut de la Nation ?
            Satires, libelles, pseudo-voyages,
            Sans respect pour sa propre soutane
            Dans laquelle il mord, comme une mite.

            Que les hommes s'en prennent à eux-mêmes
            S'il ne les peint pas meilleurs que les elfes :
            Quand on veut décontenancer le vice
            Il faut en rire, ou bien le flageller.
            - Mais s'il arrive que je trébuche,
              De quel droit empoigne-t-on le fouet ?

            Si ça vous froisse, à qui la faute ?
            Il ne connaît ni vous ni votre nom.
            Le vice est-il au-dessus du blâme
            Parce que l'homme qui l'a est un duc ?
            Le vice est une fouine. - Les chasseurs
            Disent que contre elle il n'y a pas de règles,
            Chacun l'extermine comme il veut.
                                                                                                                                     amazon.fr
Résultat de recherche d'images pour "la rochefoucauld biographie"            - Je n'aime guère les beaux esprits
              Qui écrivent pour soulager leur bile.
              Tel fut le Doyen... Sa seule idée
              Était de passer pour misanthrope ;
              Il y gagna la haine de tous ;
              S'il aimait ça - grand bien lui fasse :
              Quantité d'hommes furent ses ennemis
              Dix-neuf sur vingt, dans deux Royaumes
              Il brûlait, non de fouiller les crimes
              Mais de faire rager les gens de son temps -
              Lui eût-on offert assez tôt
              De s'élever ou de remplir ses coffres
              Il eût peut-être rampé aussi bien
             Que certains de ses frères en soutane.
            - Il n'eût pas donné son sang pour le parti...
              Je n'en dis pas plus... parce qu'il est mort...

            Mais qui peut lui reprocher en face
            Une seule bassesse devant le pouvoir ?
            Ses principes de la vieille école,
            Heurtent ceux qu'on professe maintenant.
            Il rejette le Pape et Calvin
            Comme deux ennemis aussi redoutables.
            L'Eglise, l'Etat ont plus souffert
            De Calvin que de la catin pourpre ;
            Zèle papiste et zèle des sectaires
            Font tous deux la ruine de l'Angleterre.
            Le Pape nous eût ravi la foi
            Mais sans détruire la monarchie ;
            Tandis que la vile tourbe des Sectaires
            Abattit l'Eglise et le monarque.
            Si de tels blâmes sont mérités,
            L'écoeurement du Doyen s'explique :
            Il voyait mignoter les sectes
            Et brimer les amis de l'Eglise ; 
            Les patrons de " la Bonne vieille Cause "
            Siéger au Sénat, faire la loi :
            Les préférences aller toujours
            A la plus malfaisante des hordes
            Et chacun pouvoir à sa guise
            Railler en chaire le Roi Martyr.   

            Triste, il voyait des foules de sectes
            Mieux traitées que l'Eglise de la Loi.
            Du noble nom de Protestant,
            Il jugeait indignes ces Tartuffes                                            mobilmusic.ru
Image associée            Dont la protestation cache un dard
            Mortel à l'Eglise et au Roi,
            Et se serait faite, pensait-il,
            Aussi bien athée que Socinienne...
            Un protestant c'est un grappin
            Qui attrape sceptiques et libres penseurs,
            Qui attrape chaume, paille et bois
            Qui attrape tout sauf ce qu'il doit.

            " Quelles oeuvres laisse-t-il derrière lui ?
               - Je crois qu'il y en a de deux sortes
                Certaines en vers mais plus en prose...
              - De pompeux pamphlets, je suppose...
                Tous pondus dans le pire des temps,
                Palliant les crimes de son cher Oxford
                Louant la Reine Anne, ou niant même
                Qu'elle eût soutenu le Prétendant...
                Des libelles, interdits depuis lors,
                Contre la Cour pour montrer sa rage...
               Peut-être ses Voyages, livre troisième ;
               Un mot sur deux y est un mensonge
               Offensant une oreille loyale...
               Mais pas de sermons, soyez tranquille. "

            - Monsieur il y a un autre son de cloche ;
               Et vos conjectures sont injustes.
               Son oeuvre était seulement de plaire
               Et ainsi de réformer les hommes.
               S'il a manqué souvent son but
               Ce sont eux qui en portent la faute
               A lui l'honneur, à eux le blâme.

            Puisque son fouet n'est plus à craindre
            Laissez dormir en paix ses cendres.


                 
                                                                   Jonathan Swift
                                                                                        1731
                                                                                ( in Oeuvres )
           
         
           

           
           
            

mardi 30 janvier 2018

Réflexions d'hier pour aujourd'hui 85 Samuel Pepys ( Journal Angleterre )

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                                                 Janvier 1663

                                                                                                            1er janvier 1663

            Couché avec ma femme dans les appartements de milord où j'ai passé les deux dernières nuits, jusqu'à dix heures à deviser avec grand plaisir. Me rendis ensuite à Whitehall où je fus quelque temps à me promener au milieu des courtisans, chose qu'il me sera possible de faire à l'avenir avec grande assurance, puisqu'ils commencent à me fort bien connaître.
            Retour dîner près de ma femme en compagnie de Mrs Sarah dans la chambre où nous avons couché. Mrs Sarah nous raconte, entre autres, que le roi soupe au moins 4 ou 5 fois par semaine avec milady Castlemaine, et demeure le plus souvent avec elle jusqu'au matin et s'en retourne tout seul en secret par le jardin,et les sentinelles le remarquent et en jasent.
            Elle me dit qu'il y a environ un mois, milady Castlemaine qui dînait chez milord Gerard, sentit remuer l'enfant qu'elle porte et s'écria qu'elle était perdue. Tous les lords et les serviteurs quittèrent rapidement la pièce et l'on appela des servantes pour lui venir en aide.
            En bref, il m'apparaît que tout n'est que paillardise à la Cour, du haut jusqu'en bas....... Une chose seulement, à ce que l'on dit, milord Chesterfield, gentilhomme de la Chambre de la reine, a quitté la Cour ou en a été renvoyé, car le duc d'York s'est épris de sa femme, si bien que la duchesse d'York ne laisse pas de le surveiller, et que la dame s'est retirée à la campagne. Dans quelle mesure l'histoire est-elle vraie, Dieu seul le sait, mais il n'est bruit que de cela.
           Après le dîner je fis le décompte avec Mrs Sarah de ce que nous avons mangé et bu ici, et lui donnai une couronne. Ensuite au Théâtre du Duc où nous avons revu Le Maraud, et plus je la revois plus je m'indigne d'avoir d'abord jugé cette pièce en-deçà de sa valeur, car elle est fort bonne et agréable tout en étant une tragédie véridique et recevable. La salle était pleine de bourgeois de la Cité, ce qui diminuait l'agrément du spectacle, mais cela ne m'incommoda pas trop, car j'étais désireux de mettre un terme à mes escapades et de me consacrer de nouveau à mon travail, toute l'année, à compter de demain. Nous vîmes la Roxalana d'autrefois dans la loge principale, vêtue d'une robe de velours à la mode et fort belle, ce qui me plut.
            De là en voiture à la maison, où je trouve tout en ordre. Si ce n'est que sir William Penn est, dit-on, malade de nouveau. A mon bureau pour rédiger le journal de ces deux ou trois derniers jours et conclure le volume de l'année passée. Ceci fait, à la maison pour souper et au lit.
            Causé et devisé avec grand plaisir avec ma femme de ce que nous avons observé en ville.


                                                                                                             2 janvier

            Levé tard, puis au bureau seul toute la matinée..... Dînai à la maison, avec ma femme et l'après-midi au bureau de la Trésorerie où sir William Battenn versait les soldes, mais de fort déplorable et arbitraire façon, sous le mauvais prétexte de bien servir le roi, mais au détriment de pauvres gens, quand je sais que nul ne veut moins de bien au roi ni ne se soucie moins des intérêts royaux que lui. C'est seulement qu'il me voit m'affairer et voudrait bien avoir l'air de faire quelque chose, mais sans grand résultat, si bien que j'en fus impatienté. Nous nous interrompîmes finalement et fîmes ensemble la route à pied jusqu'à chez nous. Puis allai seul voir sir William Penn de nouveau indisposé. Je restai un moment à parler avec lui, puis retour à mon bureau pour faire des exercices arithmétiques. Puis à la maison, souper et au lit, après avoir parlé tard avec ma pauvre femme, pour ma plus grande satisfaction.


                                                                                                            3 janvier
                                                                                                                      thinglink.com 
Image associée            Lever et au bureau toute la matinée, puis dînai seul avec ma femme à midi. Retour au bureau où je suis resté tout l'après-midi à mettre des affaires en ordre, l'esprit fort satisfait, n'ayant désormais aucun souci, mais au contraire beaucoup de joie, à l'exclusion toutefois de l'arrivée de factures excessives pour les travaux effectués dans ma maison, cependant pas plus élevées et même moins que les précédentes.
            Il semble que sir William Penn soit de nouveau tombé bien malade.
            Fait de l'arithmétique ce soir encore, puis rentré souper et au lit.                                                                                                     


                                                                                                               4 janvier                         
                                                                                              Jour du Seigneur                 
            Lever et à l'office, sermon nonchalant. Puis dîner d'une bonne pièce de boeuf en saumure, un peu trop salée toutefois. Au dîner ma femme a proposé que je reprenne ma soeur Pall pour être sa dame de compagnie, puisqu'il faut que nous en ayons une, en espérant qu'en cette qualité elle se comportera peut-être mieux que la première fois. Proposition qui me plaît fort et que je vais considérer, car avoir une soeur d'un si mauvais naturel que je sois forcé de payer une étrangère, m'est un très grand souci, quand il vaudrait mieux la payer, elle, si elle était seulement bonne à quelque chose.
            Après dîner, ma femme et moi à pied, malgré la boue, à Whitehall. M'arrêtai en route à la Garde-Robe pour voir comment se porte Mr Moore. Il va assez bien mais n'est pas encore sur pied, ayant grand-peur d'être vu par quelqu'un et l'ayant été, je crois, par Mr Coventry, ce qui me jeta dans un tel trouble que je fis marcher ma femme devant et la suivis à quelque distance tout le reste du chemin. Elle chez Mr Hunt, moi à la chapelle de Whitehall. Puis allai faire un tour au palais, ce dont je vais désormais m'abstenir maintenant que je suis bien connu ici. Je ne voudrais pas qu'en me voyant, comme cela arrive depuis quelque temps, me promener à ne rien faire, Mr Coventry et d'autres me prissent pour un paresseux. Allai ensuite chez Mr Hunt où je fus fort gentiment et agréablement reçu par sa femme et lui, tous deux parmi les meilleures personnes que je connaisse, fort délicats et d'une grande gentillesse l'un envers l'autre. Restés tard chez eux puis chez milord où nous avons couché.


                                                                                                              5 janvier
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Image associée             Lever et chez le Duc qui m'informe que sir Johne Lawson était rentré à Portsmouth après son voyage en Méditerranée. Il est maintenant arrivé à Londres et sa renommée est grande parmi le peuple, et je vois qu'à la Cour tous le tiennent en grande estime. Le Duc ne resta pas longtemps dans ses appartements mais se rendit à la Chambre du roi où arrivèrent bientôt les ambassadeurs de Russie qui, il me semble, ont pour coutume de refuser de traiter avec les représentants de notre roi ou de tout autre monarque, s'ils n'ont pas d'abord vu eux-mêmes le visage du roi en personne, la chose dût-elle se répéter 40 jours de rang. Ils sont seulement entrés voir le roi pour ressortir bien vite et entrer dans la Chambre du Conseil.
            Retour du Duc à ses appartements et à son cabinet de travail où sirs George Carteret, John Mennes, William Batten et Mr Coventry et moi-même nous occupâmes des affaires de la marine et, après de longs entretiens et une agréable conversation, il s'en alla. J'emmenai ensuite sir William Batten et le capitaine Allin, voir mon locataire ( j'appelle ainsi le sergent Dalton ) à la cave où je bus abondamment de toute une variété de vins, davantage que je n'avais jamais bu ou ne boirai de longtemps quand je retournerai à mes résolutions, ce que j'ai l'intention de faire dans un jour ou deux. Ensuite chez milord où Mrs Hunt et Mr Creed dînèrent fort gaiement avec nous. Lui et moi nous rendîmes ensuite à Whitehall où réunion du Duc et de la commission de Tanger, mais on  ne fit pas grand chose, milord Sandwich n'étant pas en ville personne ne prenait les affaires à coeur. Ensuite retour, Creed et moi, auprès de ma femme et, après une ou deux parties de cartes, allés au Cockpit. Vîmes Claracilla, une mauvaise pièce représentée par la compagnie du roi, mais ni le roi ni la reine n'étaient présents, il n'y avait que le Duc et la Duchesse qui se livrèrent à d'impertinentes et, à mon avis, fort peu naturelles badineries, là, devant tout le monde, comme de se baiser les mains et se pencher l'un sur l'autre, ....... chez milord, et partie de cartes...... puis souper, pommes et bière, et au lit, avec grand plaisir, loué soit Dieu.


                                                                                                     6 janvier
                                                                                        Jour des Rois
            Lever et Mr Creed apporta pour notre boisson du matin un pot de chocolat tout prêt, ensuite lui et moi chez le Duc, mais je n'avais pas grande envie d'être vu dans cette partie de la ville, retournai donc chez milord et emmenai ma femme en voiture chez mon frère, où je l'installai. Creed et moi nous rendîmes à l'enclos de Saint-Paul chez mon libraire, et examinâmes plusieurs livres en devisant agréablement. Puis entrés dans l'église, trouvai Elborough, mon ancien camarade de classe de Saint-Paul, maintenant pasteur, que je sais être un sot, et l'entraînai dehors pour nous promener, nous divertissant, Creed et moi de sa conversation. Après nous en être débarrassés au bureau et chez moi vérifier que tout était en ordre. De là à la Bourse où nous rencontrâmes le major Thomson, ancien de notre bureau, qui parle avec véhémence de la liberté de conscience dont il attend maintenant la déclaration du roi, et il ne doute pas, si le roi veut bien l'accorder, que cela lui apportera davantage d'amis et de meilleurs, que ne peuvent être pour lui les évêques. Et s'il ne le fait pas, des milliers de gens quitteront bientôt l'Angleterre pour un endroit où ils pourront l'obtenir. Et je crois en effet cela vrai, mais les évêques n'y consentiront jamais. Thomson dit cependant que les presbytériens sont tout à fait disposés à accepter, si le roi le juge bon, que les papistes puissent avoir la même liberté qu'eux. Il me dit, comme me l'ont dit aussi d'autres, que le Dr Calamy a été envoyé aujourd'hui à Newgate pour avoir prêché dimanche dernier, sans autorisation, bien qu'il ne l'ait que pour ne pas laisser l'endroit sans pasteur car autrement les gens eussent dû repartir sans le moindre sermon. Mais pour l'évêque de Londres ce n'est pas une excuse suffisante. Puis nous nous rendîmes à Woodstreet où j'achetai une belle table pour ma salle à manger, pour 50 shillings. Et pendant que nous l'achetions un incendie se déclara soudain dans une ruelle voisine, mais on l'éteignit. Ensuite chez mon frère, où nous dînâmes avec Tom. Et après dîner au Théâtre du Duc voir la Nuit des Rois, bien jouée, mais c'est une pièce bien sotte qui n'a rien à voir avec la fête d'aujourd'hui ni avec son titre. Rentrés, Mr Battersby l'apothicaire et sa femme, moi et la mienne, ensemble dans la même voiture, l'avons ramené chez lui, il a payé sa part. Ma femme et moi avons tout trouvé en ordre chez nous. J'étais toutefois un peu irrité par la négligence de ma femme qui a laissé son écharpe, son corselet et ses vêtements de nuit dans la voiture qui nous a ramenés aujourd'hui de Westminster. J'avoue qu'elle me les avait confiés, mais elle est fautive de ne s'être pas assurée que je les avais effectivement sortis de la voiture. Cette perte pourrait se monter, je crois, à environ 25 shillings.  toulonnais.com
Image associée            Allai ensuite à mon bureau, nonobstant, rédiger le journal des trois derniers jours et écrire à milord Sandwich pour lui rendre compte du retour de sir John Lawson, et à mon père lui annoncer que je vais lui envoyer du vin et certaines choses cette semaine pour la réception qu'il doit offrir à des amis à la campagne, puis rentrai. Cette nuit marque la fin de la période de Noël et mon esprit est comblé par les grands plaisirs que nous ont donnés ces quelques jours passés hors de chez nous. Et je trouve mon esprit si disposé à reprendre ses anciennes habitudes de plaisir qu'il est grand temps que je m'applique à mes résolutions de naguère, résolutions que demain, si Dieu le veut, je vais mettre en pratique et auxquelles je vais me lier afin de pouvoir vivre encore longtemps selon mon devoir, comme j'ai déjà bien commencé de le faire, et augmenter ma réputation et l'estime que l'on me porte dans le monde, et gagner de l'argent qui adoucit toutes choses et dont j'ai bien besoin. Puis à la maison, souper, et au lit, louant la miséricorde de Dieu qui m'a ramené chez moi après bien des plaisirs, à mon foyer et à mes affaires, en bonne santé et résolu à me remettre au travail avec ardeur.


                                                                                                          7 janvier 1663

            Debout très tôt, c'est à dire à 7 heures, le jour n'étant pas encore levé, allai au bureau pour toute la matinée, signai le registre du trésorier. Ensuite mangeai une bouchée de pâté à la maison pour me soutenir l'estomac, puis avec Mr Waith, par le fleuve, à Deptford où, entre autres, examinai de vieux livres de solde et découvris que les capitaines n'avaient jamais jusqu'ici été payés pendant le temps du gréage mais seulement pour le temps passé en mer, contrairement à ce que sir John Mennes et sir William Batten ont dit au Duc l'autre jour. J'inspectai aussi tous les vaisseaux de la darse pour les risques d'incendie et trouvai tout en ordre, car c'est un grand danger pour le roi d'avoir tous ses vaisseaux mouillés là tous ensemble. Je fus aussi voir la toile au magasin avec Mr Harris le maître voilier et appris ce qui différencie une sorte d'une autre, à ma grande satisfaction. Puis retour au bateau et à la maison où ma femme me raconte que Sarah étant allée habiter chez sir William Penn, toutes les affaires de notre maisonnée y sont révélées et commentées, comme les leurs par mes gens, ce qui me contrarie fort. Je vais prendre un moment pour faire savoir à sir William Penn ce que je pense de la façon dont il a agi en la prenant chez lui sans notre entier consentement. Puis à mon bureau et peu après à la maison pour souper. Ensuite, prières et au lit.


                                                                                                           8 janvier

            Levé très tôt et envoyai mon petit valet remettre au porteur du vin pour mon père, pour son banquet avec ses amis de Brampton, et un manchon pour ma mère de la part de ma femme, ce pour Noël. Mais avant je le corrigeai pour un mensonge qu'il m'a fait, ce qui mit sa soeur dont nous sommes dernièrement fort mécontents et à qui nous avons dit que nous la congédions, en colère. Cela m'a irrité de voir cette fille que ma femme et moi aimions tant, devenir finalement si sotte et si ingrate.
            Ensuite au bureau toute la matinée et, quoique sans l'approbation des officiers, et même un peu contre leur avis, envoyé aujourd'hui pour lui faire plaisir Thomas Hayter à Portsmouth un jour ou deux avant les autres commis, pour préparer la solde.
            Dîné à la maison et comme, étant jouée aujourd'hui pour la première fois la fameuse nouvelle pièce " Cinq heures d'aventures " au Théâtre du Duc, à ce que l'on dit écrite ou traduite par le colonel Tuke, j'avais grande envie de la voir et demandai à ma femme de se préparer, mais il nous fallut quérir un serrurier pour ouvrir son coffre, sa servante, Jane étant sortie avec les clefs. Nous partîmes et, bien qu'en avance, fûmes obligés de prendre des places d'où l'on ne voyait presque rien, au bout d'un des bancs de devant, tant la salle était pleine. Et la pièce, en un mot, est la meilleure quant à sa diversité et à la manière tout à fait excellente dont est menée l'intrigue jusqu'à la fin, que j'aie jamais vue ou que je verrai, je crois. De plus, tout y est possible, non seulement sa durée, elle est à presque tous autres égards fort acceptable et sans la moindre paillardise. Et la salle, par ses fréquents applaudissements, a amplement montré son approbation. Ensuite il nous fallut près d'une heure pour trouver un fiacre qui nous ramenât chez nous. Après avoir écrit des lettres à mon bureau, je rentrai, souper et au lit, résolu maintenant à m'abstenir de théâtre jusqu'à Pâques, sinon jusqu'à la Pentecôte, à l'exception des pièces données à la Cour.


                                                                                                         9 janvier

            A mon réveil trouvai ma femme éveillée qui commença de me parler, dans un grand trouble et avec force larmes. Et, petit à petit, au fil de la conversation, il est apparu que Sarah a dit à quelqu'un qui l'a dit à ma femme, que je l'ai rencontrée chez mon frère et l'ai fait asseoir à mes côtés tandis qu'elle me contait des histoires sur ma femme, qu'elle avait donné son mouchoir de cou en dentelle à mon frère, et d'autres choses encore. Ce qui m'irrite fort, car je suis sûr de n'en avoir jamais soufflé mot et seule une personne instruite par Sarah elle-même aurait pu le lui dire. Je tentai d'excuser le silence que j'avais gardé jusque-là sur cette affaire et ne voulant rien croire de ce qu'elle me disait, si ce n'est l'histoire du mouchoir de dentelle dont elle m'avait parlé. Nous finîmes par nous réconcilier et ma femme recommença à me parler de la nécessité d'avoir quelqu'un pour lui tenir compagnie, car elle traite ses autres domestiques avec trop de familiarité, et c'est cela qui les gâte tous...... Elle demanda à Jane de sortir de son coffre ( elle lui donna alors les clefs ) des liasses de papier. Elle en tira un, une copie de celui qu'elle m'avait écrit il y a assez longtemps, un jour de grand déplaisir, que je n'avais pas voulu lire, et brûlé. Elle lut alors cette lettre écrite en termes très amers, en anglais et vraie pour la plus grande part. Décrivant la vie retirée et peu agréable qu'elle mène, tout cela écrit en anglais et risquant d'être découvert et lu par d'autres, ce qui me fâcha et lui ordonnai de la déchirer, ce dont elle me pria de la dispenser. Je la lui pris de force et la déchirai et par la même occasion lui arrachai des mains sa liasse de papiers et sautai du lit en chemise, fourrai le tout dans les poches de mes chausses et après avoir mis mes bas, mes chausses et ma robe de chambre, je les tirai un à un de ma poche et les déchirai tous, sous son nez, bien qu'il m'en coûtât, car elle pleurait et me priait de ne pas le faire. 
            Mais j'étais si échauffé et chagriné de voir mes lettres d'amour et mon testament par lequel je lui avais légué tout ce que je possède quand j'étais parti en mer avec milord Sandwich, joints à un papier si honteux et si déshonorant pour moi, si quelqu'un l'avait trouvé !     cuisinealafrancaise.com
Résultat de recherche d'images pour "maitre fouette valet 18è sc"            Après avoir tout déchiré sauf un billet à ordre de mon oncle Robert qu'elle a depuis longtemps par devers elle, notre certificat de mariage et la première lettre que je lui ai envoyée, je ramassai les morceaux et les emportai dans mon cabinet. Et là, après avoir longtemps balancé, si je devais ou non les brûler, je mis de côté les morceaux du papier qu'elle m'a lu aujourd'hui et de mon testament que j'ai déchiré, et brûlai tout le reste. Puis partis pour le bureau fort contrarié.                                                                                                       
            Arrive le major Tolhurst, une connaissance du temps de Cromwell, ancien membre de notre club. Je ne pus faire moins que de l'emmener à la taverne de la Mitre. Là; j'avais envoyé chercher un voisin Mr Beane, marchand, nous bavardâmes un moment. Tolhurst me décrivit les mines de charbon qu'il y a dans le Nord. Nous nous séparâmes et retour dîner chez moi.
            Et quelle ne fut pas ma sottise, tout mécontent que j'étais, de ne pouvoir m'empêcher de sourire dès qu'arriva ma femme et durant tout le repas, puis elle se remit à dire des choses désobligeantes, je me remis alors en colère et partis pour le bureau.
            Le soir visite de Mr Bland. Il me parla de commerce, et sa conversation me ferait grand plaisir si j'osais seulement lui avouer mon ignorance, mais dans ma situation ce ne serait guère approprié.
            Comme arriva une lettre du Dr Pearse, le chirurgien, m'annonçant, qu'ainsi que le Dr Clarke, ils acceptaient mon invitation à dîner lundi prochain, j'allai voir ma femme, et nous nous mîmes d'accord, et, pour qu'elle me fasse honneur, suis obligé de lui faire faire sur-le-champ une nouvelle robe de moire pour se montrer devant Mrs Clarke. 
            Cela m'ennuie fort de me déssaisir de tant d'argent, mais cela me réconcilie avec ma femme. Pourtant nous n'avons jamais, ou presque, été plus profondément fâchés qu'aujourd'hui, et je crains que cette rancoeur ne s'apaise pas de sitôt. Et à la vérité je regrette d'avoir déchiré toutes ces pauvres lettres d'amour que je lui envoyais quand j'étais en mer et d'autres endroits.
           Retour à mon bureau. Le secrétaire m'apporta la fin de mon manuscrit qui traite des choses de la marine et que vais faire relier, ce dont je suis très content. Ensuite à la maison, ma femme et moi redevenus grands amis, et au lit.


                                                                                                                    10 janvier 1663

            Lever et au bureau. Avant que ne commençât notre réunion, sir William Penn me fit mander à son chevet pour me parler. En fait pour me reprocher de n'avoir pas reconnu devant sir John Mennes que j'étais d'accord pour condamner la porte du jardin, porte qu'il a lui-même rouverte par crainte de sir John Mennes. Je répondis avec tant d'indifférence qu'il me semble que cela va davantage nous éloigner....... et que nous nous en aimerons moins, ce que je ne crois pas devoir m'inquiéter.
.            Ensuite au bureau et réunion jusqu'à midi, puis dîner et retour. Mr Creed resta chez moi jusqu'assez tard, à discourir fort joliment, car c'est un beau parleur, mais au fond de lui-même c'est un fourbe et un coquin, ou du moins une personne à qui l'on ne peut pas faire trop confiance, jusqu'à l'entrée enfin de sir John Mennes. Puis, alors que je n'osais l'espérer, il accepta de signer ses comptes, en dépit de toutes ses objections, à la vérité, importantes. Et le voilà tel un gâteux prétentieux qui signe les comptes sans avoir obtenu la moindre satisfaction. Pour cela nous nous gaussâmes fort de lui et de sir William Batten après qu'ils eurent signés et s'en furent allés. Nous restâmes à deviser tous deux jusqu'à 11 heures du soir avant de rentrer, et au lit.


                                                                                                                      11 janvier
                                                                                                     Jour du Seigneur
            Grasse matinée à deviser agréablement avec ma femme, puis à l'office, le banc entièrement rempli d'inconnus accompagnant sir William Batten et sir John Mennes, puis après un pitoyable sermon d'un jeune Ecossais, dîner à la maison. Arrive un laquais de milord Sandwich rentré hier soir en ville, avec une lettre de mon père dans laquelle il me presse de poursuivre les négociations dans l'affaire de Tom et de sa dernière maîtresse. Je suis fâché de voir mon père dans ces dispositions, car il n'est ni en notre pouvoir ni dans son intérêt de conclure l'affaire, j'en suis persuadé. Je vais y penser et répondre. Ensuite au bureau tout l'après-midi à rédiger moi-même des ordres de paiement afin de les avoir prêts pour demain, et ne pas donner l'impression que je suis négligent à Mr Coventry.
            Dans la soirée, chez sir William Penn où se trouvaient sir John Mennes et sir William Batten puis arriva sir George Carteret. Avons parlé travail et sommes rendus chez sir William Batten où nous avons causé et bu du cidre, puis un peu à mon bureau et à la maison, et au lit.


                                                                                                                12 janvier

            Lever et chez sir William Batten pour lui faire mes adieux ainsi qu'à sir John Mennes car ils partent aujourd'hui pour Portsmouth. Ensuite chez sir William Penn pour voir sir John Lawson. Je le trouvai aussi simple qu'il avait toujours été, bien que rentré tout auréolé de ses succès en Méditerranée. Allai ensuite chez George Carteret et avec lui, dans son carrosse, à Whitehall. Me rendis d'abord chez milord Sandwich revenu de Hinchingbrooke, et après une brève conversation, nous rendîmes ensemble dans les appartements du Duc, entrâmes dans son cabinet et parlâmes des affaires de la marine, en particulier obtins son accord pour la résolution de certaines difficultés dans les comptes de Mr Creed.
            Puis chez milord et avec Mr Creed à la table d'hôte de la Tête du Roi, mais l'endroit étant comble comme deux ou trois autres, nous ne trouvâmes à manger que chez un rôtisseur gallois à Charing Cross et dînâmes là avec nos petits valets.
            Après dîner à la Bourse acheter du linge pour ma femme, en revenant rencontrâmes nos deux valets. Le mien avait poussé celui de Creed dans la boue, dans la boue avec sa livrée neuve, crotté des pieds à la tête, et une dame avait fait entrer le garçon chez elle pour le nettoyer, mais le pauvre se trouvait dans un piètre état, aussi je corrigeai le mien d'importance. Ensuite, moi chez milord dans ses appartements et Creed chez lui chercher ses papiers pour la commission. Nous passâmes par le jardin en allant chez le Duc pour traiter des affaires de Tanger, mais une dame appela milord depuis les appartements de milady Castlemaine et lui dit que le roi y était et désirait lui parler. Milord ne trouva pas d'excuse à présenter à la Commission pour son absence, si ce n'est qu'il était avec le roi, et il ne souffrit pas que j'entrasse dans le jardin privé ( maintenant une voie de passage et pas du tout privée ) et me pria de passer par quelque autre chemin, ce que je fis. Je vois ainsi qu'il sert non seulement les affaires du roi, mais aussi ses plaisirs. J'allai donc à la commission où nous passâmes la soirée entière à écouter la description que fit sir John Lawson de Tanger et de l'emplacement du möle dont il avait apporté une fort belle épure........... 
            La séance terminée rentrai à la maison en fiacre puis chez Mr Bland où nous devisâmes de l'envoi du vaisseau marchand qui est prêt depuis si longtemps à partir pour Tanger.
            Ensuite chez milady Batten, restai un moment avec elle, sir William Batten ayant quitté la ville.que Mais je l'ai fait dans le dessein d'obtenir d'elle des oranges pour mon grand repas de demain, et les ai obtenues.
            Ensuite à la maison où je vois que la nouvelle robe de ma femme est arrivée et que celle-ci est ravie. Mais je me montrai fort fâché qu'il n'y eût pas plus de choses apprêtées pour le festin de demain et, courroucé, me couchai fort tard et mécontent.


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            Ma pauvre femme s'étant donc levée à 5 heures du matin, avant l'aube, s'en fut au marché acheter de la volaille et bien d'autres choses, ce qui me fit grand plaisir. L'échine de boeuf était sur le feu avant 6 heures, et mon tournebroche, sur lequel j'avais quelques doutes, supporte très bien son poids. Les choses étant en ordre et la cuisinière arrivée, je partis au bureau et réunion jusqu'à midi. Puis retour à la maison. Arrivèrent bientôt le Dr Clarke et madame, la soeur et une cousine du docteur, ainsi que Mr Pearse et sa femme, nos invités au grand complet.
            Je les régalai, après les huîtres et comme premier plat d'un hachis de lapin et d'agneau et d'une excellente échine de boeuf, ensuite d'un grand plat de volailles rôties, qui m'a coûté environ 30 shillings, et d'une tarte, puis de fruits et de fromage. Mon dîner fut admirable et copieux. Ma maison était parfaitement propre et en ordre, j'avais un bon feu dans la pièce du bas et dans ma salle à manger au-dessus, dans mon cabinet transformé en salon et dans celui de ma femme une bonne flambée également. Je trouve que ma nouvelle table fait très bien l'affaire, neuf ou dix personnes peuvent s'y asseoir, mais huit à l'aise. Après le dîne les femmes à leurs cartes dans le cabinet de ma femme et le docteur et Mr Pearse dans le mien, parce que la cheminée de la salle à manger fume, sauf si j'y maintiens un bon feu de charbon de bois, mais j'en étais dépourvu ce jour-là. Le soir souper. Je fis servir un bon posset au xérès et de la viande froide, puis dis adieu à mes invités vers dix heures, eux comme moi enchantés du déroulement de la journée. Et ils sont vraiment de très bonne compagnie, et Mrs Clarke est une dame fort spirituelle et distinguée, quoiqu'un peu vaine et trop fière.
             Ensuite au lit fatigué. Le festin m'aura coûté, je pense, environ 5 livres.


                                                                                                                14 janvier

            Grasse matinée prolongée, jusqu'à ce que l'arrivée de Mr Bland, venu pour le travail, me forçât, honteux, à me lever. Après son départ j'allai travailler au bureau, puis retour à la maison pour dîner. M'attardai ensuite un peu à deviser agréablement avec ma femme qui me parle d'une autre dame de compagnie que lui propose son frère, jolie et qui sait chanter. J'écoute tout cela mais ne veut pas paraître trop intéressé, mais je vois qu'il me faut engager quelqu'un pour lui tenir compagnie, car j'ai honte qu'elle mène une telle vie. Au bureau jusqu'à10 heures du soir à travailler et à numéroter les pages et examiner une partie de mon manuscrit sur la marine avec grand plaisir. Ma femme était assise à travailler à mes côtés. Ensuite à la maison pour souper, et au lit.


                                                                                                                15 janvier 1663

            Lever et au bureau pour quelques préparations. Retrouvai bientôt Mr Coventry, restâmes jusqu'à midi. L'invitai à dîner chez moi, comme j'avais une oie sauvage rôtie, de l'échine de boeuf froide et une bourriche d'huîtres. Nous dînâmes seuls dans mon cabinet de travail, puis nous habillâmes pour monter à cheval, qu'il m'avait amené. Allés à Deptford par des routes fort boueuses. Là avons parcouru l'arsenal, examiné le bassin à flot et fait ce que nous étions principalement venus faire, c'est-à-dire observer l'expérience que l'on fait de nos nouveaux rôles qui, pensons-nous, seront une grande utilité. Ensuite en selle et retour chez moi avec le cheval de Mr Coventry, laissant ce dernier se rendre par les champs à Lambeth, son petit valet attendait chez moi pour ramener son cheval.
            Fus bien fâché car j'avais laissé ma clef dans mon autre bourse, dans mon cabinet et ma porte était verrouillée, de sorte qu'il me fallut faire passer mon petit valet par la fenêtre. Cela fait je me changeai et au bureau jusque tard le soir. Ensuite souper à la maison, l'esprit tourmenté par les affaires de Field et de mon oncle dont, alors que la nouvelle session approche, il me faut penser maintenant à m'occuper de nouveau.
            Ensuite à mes prières, et au lit. Et cette nuit l'esprit fort tourmenté dans mes rêves par le procès que nous font mon oncle Thomas et son fils.


                                                                                 à suivre...............

                                                                                                                16 janvier 1663

            Grasse matinée à.............